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magne? Mais quelle sera la part de la France dans le produit de l'emprunt?

Le Comité des Banquiers a demandé une réduction des réparations à payer à la France. Chez les Américains et les Anglais, il y a une étrange mentalité qui ne paraît pas changer quoique la France ait abandonné, comme le déclarait, en janvier dernier, le président du Reichstag, plus de 40 p. 100 de ce qui lui était dû, elle est sommée de continuer.

M. A. Tardieu a fait le compte, le 6 juillet, à la Chambre des députés, de ce que la France a reçu de l'Allemagne.

A la date du 30 avril dernier, l'Allemagne se trouvait créditée, dans le compte réparations, d'une somme de 10779 millions de marks-or, d'où, pour chiffrer les rentrées effectives, il faut déduire les 3 834 millions qui sont consacrés, conformément à T'article 235 du Traité de Versailles, à payer le ravitaillement immédiat de l'Allemagne après l'armistice.

Il en résulte que les Alliés ont effectivement touché 6 495 millions de marks-or, se décomposant en numéraire, 1494 millions; nature, 5451 millions.

La France a reçu 1936 millions de marks-or, c'est-à-dire, au cours moyen, de la Commission des réparations, en chiffres ronds, 6 milliards de francs-papier. Elle a reçu, par conséquent, 27 p. 100 des 7 milliards de marks-or, en chiffres ronds, qui ont été effectivement versés sous diverses formes par l'Allemagne aux Alliés. Sur ces 1936 millions de marks-or que la France a reçus, elle a touché en numéraire, soit marks-or, soit marks-papier, 447 millions de marks-or, c'est-à-dire 29 p. 100 du total des payements en numéraire de l'Allemagne.

Elle a reçu en immeubles 302 millions de marks-or, soit 12 p. 100 du total des payements en immeubles effectués par l'Allemagne. Elle a reçu en nature 1188 millions de marks-or, soit 46 p. 100 du total des livraisons en nature. Mais les 1 188 millions se décomposent en deux parties, les livraisons de l'armistice, qui représentent 517 millions, soit 43 p. 100 des livraisons de l'armistice, et 672 millions de marks-or de livraisons en nature proprement dites, qui représentent 48 p. 100 des livraisons en nature de cette catégorie, effectuées par l'Allemagne.

D'après ces chiffres, le fardeau jusqu'ici n'a pas été très lourd pour le débiteur et le déficit résultant du nonpayement de la dette a été lourd pour le créancier. Ce ne

sont pas les exigences de la France à coup sûr qui sont responsables de l'effondrement du mark.

On peut espérer que les grosses difficultés pourront être résolues par des financiers, si les hommes politiques ne les rendent pas irréductibles.

La solution d'un emprunt international pourrait-elle s'appliquer à toute la dette de l'Allemagne ou seulement à une partie de la dette, la série A par exemple des obligations remises par elle ?

Elle présenterait un très grand avantage les Allemands et les Français ne seraient plus dans la situation de vaincus et vainqueurs les Allemands se trouveraient en présence d'un groupe de financiers internationaux et ils devraient traiter l'affaire, comme une affaire financière ordinaire.

X. L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES P. T. T.

On a enlevé du projet de budget 1221 millions de prévisions de dépenses et 1086 millions d'évaluations de recettes pour la création d'un budget annexe des postes, télégraphes et téléphones.

Le compte d'exploitation prévu se chiffre en dépenses et en recettes par 1484 millions. Sur les 1481 millions de dépenses, 1 milliard environ concerne les frais de personnel. Quant aux recettes, elles se répartissent, par catégories principales, de la manière suivante Postes, 680 millions; télégraphes, 198 millions; téléphones, 289 millions; articles d'argent, 68 millions; remboursement de la valeur des correspondances de l'Etat en franchise, 120 millions.

Etant donné que l'administration des P. T. T. devient autonome et a ses dépenses et ses recettes bien précisées, son budget doit faire apparaître si l'exploitation est en bénéfice ou en déficit.

Si les recettes sont inférieures aux dépenses, ce sera le budget qui fera face au déficit.

Cette réforme commence par une augmentation de dépenses. On peut être certain qu'elle continuera.

YVES-GUYOT.

UNE AGGRAVATION

DE L'INQUISITION FISCALE

Tout impôt personnel soumet le contribuable à une inquisition permanente de ses actes.

Toute déclaration est considérée par le fisc comme fraudleuse et, par conséquent, le contribuable est un suspect.

Quand on a mis en avant l'impôt sur le revenu, ces conséquences ont été prévues: elles résultaient d'une expérience universelle1.

On n'en a pas tenu compte et aujourd'hui l'impôt sur le revenu se montre dans toute sa beauté.

M. de Lasteyrie dit, dans son exposé des motifs, qu'il ne crée pas de nouveaux impôts, qu'il n'aggrave pas les tarifs. Il fait pis. Par le régime qu'il propose, les rapports entre les particuliers et les banques auraient un tiers permanent: le policier financier.

Croit-il, en prenant de telles mesures, qu'il provoquera l'afflux des dépôts dans les banques ? qu'il multipliera l'usage des chèques I provoquera la thésaurisation personnelle

et secrète.

Nous reproduisons la critique de ce projet, très bien faite, dans le Bulletin du 20 mai de la Société d'Etudes et d'informations économiques?.

Y.-G.

On lit, à la page 112 de l'Exposé des motifs au projet de budget pour 1923 que le ministre des Finances ne se refuse pas à étudier

1. V. Yves-Guyot, l'Impôt sur le revenu. 1 vol. (Alcan, 1887.) 2. Extrait du Bulletin du 20 mai 1922 de la Société d'Et mations économiques, 282, boulevard Saint-Germain, Paris.

l'emploi de bases forfaitaires pour l'assiette des impôts sur le revenu, et on est quelque peu surpris de trouver dans le projet de loi de finances une série d'articles tendant à donner aux agents du fisc, un droit de perquisition très étendu dans les entreprises privées, afin de contrôler les déclarations d'autres contribuablés. Bien plus, la loi voudrait obliger ces entreprises à devenir les auxiliaires directs des fonctionnaires chargés d'établir les impôts.

L'article 6 du projet de loi de finances prescrit aux personnes et sociétés (énumérées au troisième alinéa de l'article 15 de la loi du 25 février 1901), qui seraient dépositaires, détentrices ou débitrices de titres, sommes ou valeurs, d'adresser au directeur des Contributions directes de leur département un avis de tous dépôts en garde de titres, valeurs ou sommes non rattachées à un compte, ainsi que l'ouverture de tout compte de dépôt, compte d'avances, compte courant ou autre. Cet avis sera constitué par une formule imprimée, sur laquelle les déposants et titulaires de compte indiqueront leurs nom et prénoms, la date et le lieu de leur naissance leur domicile, les noms et prénoms de leur conjoint s'ils sont mariés, et la date du dépôt ou de l'ouverture du compte. Il semble donc résulter de ces prescriptions que le chiffre des dépôts ou comples sera déclaré par la personne ou la société qui les détient et sous sa responsabilité.

Avant toute discussion sur l'application de ce texte, nous ne pouvons nous empêcher d'y découvrir le vice même qui soulève tant de difficultés dans l'assiette de l'impôt sur les salaires. Loin de nous la pensée d'approuver la résistance des salariés au payement de l'impôt ou leurs velléités de s'en affranchir légalement; mais, quelque souci légitime qu'apporte la loi à réprimer la fraude fiscale, il est inadmissible qu'elle oblige des citoyens à lui fournir sous leur responsabilité des indications pour contrôler les déclarations d'autres citoyens. Nous ne voudrions pas hasarder une opinion qui viendra certainement à l'esprit de beaucoup de gens, savoir, que les nouvelles dispositions doivent surtout fournir un argument politique contre les protestations que soulèvent les procédés d'assiette de l'impôt des salaires. Il serait lamentable qu'il en soit ainsi. Depuis longtemps déjà nous avons signalé l'avantage qu'il y aurait à remplacer pour les salaires ouvriers l'impôt personnel actuel par une taxe forfaitaire graduée. Etendre la formule vicieuse du contrôle des déclarations du contribuable par d'autres contribuables, aux rapports d'affaires infiniment plus complexes que ceux de patron à employé, c'est lancer la vie économique tout entière dans des difficultés et des aventures qui dépassent de beaucoup en importance l'avantage que pourrait en retirer le Trésor.

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Au point de vue des principes fiscaux, une première objection à l'article 6 doit sauter aux yeux. Que la loi exige une déclaration des tiers pour les sommes qui ont le caractère bien défini de revenu et qui sont directement l'objet d'un impôt, cela se comprend à la rigueur, bien que ce soit un très mauvais système; mais que l'on demande une déclaration pour des mouvements de fonds ou de valeurs dont le caractère imposable n'est pas défini, constitue une extension des pouvoirs de l'Etat qui menace gravement la liberté individuelle et le droit de propriété. C'est du bolchevisme pacifique. Il est impossible d'ailleurs de saisir l'usage que fera l'administration de cette documentation sans rapport direct avec la matière imposable. Les lois du 15 juillet 1914, du 31 juillet 1914, du 31 juillet 1917, du 25 juin et du 31 juillet 1920 ne contiennent, sauf pour les salaires, aucune définition générale et limitative du revenu imposable, et l'on a pu constater que la doctrine administrative confond très souvent les notions de capital constitué et de revenu. Ne confondra-t-elle pas aussi bien la circulation de fonds avec le revenu? Il ne faut pas perdre de vue, d'autre part que toute déclaration jugée inexacte par l'administration entraîne la taxation d'office et l'obligation pour le contribuable de fournir la preuve contraire, preuve impossible à produire en pratique. Si sous prétexte de contrôle d'une matière imposable mal définie, l'administration en vient à demander à chaque citoyen la justification du mouvement de fonds résultant de la gestion de sa fortune et de ses entreprises, il est évident que la taxation d'office se généralisera, car la gestion est un fait individuel dont personne ne peu apprécier la légitimité.

Reportons-nous maintenant à l'article 15 de la loi du 25 février 1901, qui donne l'énumération des personnes assujetties à fournir à la direction des contributions directes la liste des titres, sommes ou valeurs qu'elles détiennent pour le compte de tiers. Ce sont : « les sociétés ou compagnies, agents de change, changeurs, banquiers, officiers publics ou ministériels ou agents d'affaires qui seraient dépositaires, etc... ».

On est assez surpris de constater que l'article 6 du projet de loi de finances, en se référant à cette énumération limitative, n'atteint pas les administrations publiques et en particulier les trésoriers payeurs généraux qui ont de nombreux comptes de dépôts ou comptes courants, les receveurs des finances qui sont chargés du service des comptes de chèques postaux dont l'importance croît de jour en jour, les caisses d'épargne postales et autres, la Caisse des dépôts et consignations. Cette lacune peut surprendre, mais il faut en conclure que l'Etat ne veut pas créer pour ses comptables les difficultés

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