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est question: ce moyen c'est de donner une compensation (à la manière des Ministres) aux populations du Limbourg et du Luxembourg, pour qu'elles puissent trouver un adoucissement à l'exécution du traité. Mais je dois faire remarquer que ces mesures soi-disant réparatrices ne sont rien pour le Limbourg et le Luxembourg, ce n'est qu'un palliatif pitoyable. Mais je prie le gouvernement de me dire, si le projet de traité était rejeté par le sénat, que deviendrait la loi corollaire adoptée par la chambre? La chambre des représentants, après avoir préjugé notre vote et la décision du sénat, nous a renvoyé cette loi; mais si le projet de traité est rejeté par le sénat, sur quoi la chambre aura-t-elle voté? je vous le demande. Il y a donc là une grande faute commise par le ministère. Il doit donc suspendre la loi corollaire d'un projet qui n'est pas encore adopté; autrement il manquerait à la dignité du sénat.

M. LE PRÉSIDEnt. M. le comte d'Arschot a demandé l'ordre du jour, je vais le mettre aux voix.

L'ordre du jour est adopté.

M. WILLMAR, Ministre de la guerre. Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre à une interpellation qui m'a été adressée par M. le comte de Baillet.

J'avais effectivement remarqué, dans le discours d'un des orateurs que vous avez entendus dans votre séance d'hier, certaines assertions de nature à alarmer les officiers de l'armée sur leur position future, et je me proposais de rectifier ce qu'il a avancé touchant une dissolution de l'armée qui lui paraîtrait devoir être la conséquence de la neutralité qui nous est garantie par le traité. Il semble à l'honorable membre résulter nécessairement de cette disposition du traité que la neutralité doit être effective et porter, quant à nous, des garanties avec elle, dans le désarmement complet du pays. Messieurs, en recourant au traité, vous verrez que rien de cela ne s'y trouve. Le principe de la neutralité y est seulement, sans aucune déduction de conséquence, et en l'examinant on peut s'assurer qu'il regarde davantage encore les différents pays qui consacrent cette neutralité que celui même au profit duquel elle est stipulée.

Sur cette déclaration chacun de ces différents États prend l'engagement de ne pas violer le territoire de la Belgique, et de ne pas la faire entrer de force dans une guerre qui aurait les seuls intérêts de ces

États pour objet; mais ce principe ne s'étend pas jusqu'à interdire à la Belgique le droit de se défendre, il a au contraire été toujours entendu qu'elle conservait la faculté de repousser par elle-même toute agression étrangère, et cela même avait été formellement stipulé dans les 18 articles. Il s'ensuit que le désarmement complet dont on a parlé, que la dissolution de l'armée, ne se trouvent aucunement réclamés par le traité, et n'en seraient point la conséquence. Si donc plus tard l'armée était considérablement réduite, si son effectif tombait au-dessous du chiffre que lui assignent la population, l'étendue du territoire, la force et la richesse du pays, ce ne serait pas le fait du gouvernement ni du ministère actuel, ce serait le résultat de la volonté du pays, de la volonté de la représentation nationale, qui pourrait amener cet état de choses; mais assurément il ne faudrait pas l'attribuer au traité en discussion.

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Messieurs, cette question a déjà été soulevée à la chambre des représentants; j'ai répondu alors à peu près ce que je viens de reproduire. Depuis je me suis trouvé à même de pouvoir donner des explications plus complètes, et, à propos des accusations lancées contre moi relativement à de trop grandes dépenses qui auraient été faites pour l'armée, j'ai pu faire savoir à la chambre que bien loin d'y avoir du trop plein dans les cadres, il reste encore, pour la seule arme de l'infanterie, 750 places vacantes auxquelles on aurait pu pourvoir si l'on avait été, comme on l'a dit, prodigue de promotions et d'avancements. Aujourd'hui même j'ai vérifié les cadres d'un régiment, et j'ai vu que dans ce régiment le nombre des officiers est d'un tiers au-dessous de ce qu'il pourrait être. Ainsi j'ai eu raison de dire que loin d'avoir été prodigue de nominations, l'on n'a fait que ce qui était strictement nécessaire. Par conséquent, si des réformes sont ultérieurement faites, il est probable qu'elles seront moins nombreuses qu'on ne s'y attend, et qu'elles ne tomberont que sur ceux qui n'ont pas convenablement soutenu l'épreuve douloureuse à laquelle l'armée et le pays sont soumis.

L'armée avait conçu certainement de nobles et généreuses espérances; l'armée comptait pouvoir prendre sa revanche de 1851; elle espérait conquérir au pays une paix honorable et glorieuse. Mais la crainte de voir ses espérances trompées n'a pas aliéné le jugement de l'armée. Elle sait que si l'occasion de se signaler lui est enlevée, ce n'est pas la faute du gouvernement; elle sait de même que les adver

saires du traité de paix, ceux qui voulaient le repousser, ne lui auraient pas fourni l'occasion de se signaler, car elle sait très-bien que les différents systèmes de résistance qui ont été présentés consistaient seulement à retarder le moment où on lui aurait annoncé qu'elle n'aurait pas à entrer en lice; on lui aurait dit qu'il ne fallait pas se battre. En définitive on le lui aurait dit, lorsque ce refus de la laisser marcher en avant serait devenu plus sensible, plus cruel, plus véritablement compromettant pour elle.

Messieurs, l'armée sent que l'acceptation de la paix n'est que la conséquence de la force des nécessités qui nous presse, et de la position générale de l'Europe. Peut-être, toutefois, croit-elle, comme beaucoup de personnes, que la paix générale qu'il s'agit actuellement d'assurer n'est qu'un armistice général. S'il en était ainsi, elle s'attendrait à prendre une noble part à la lutte, et elle y porterait les deux grands éléments de toute force réelle, de tout succès durable : le courage et la discipline. (Marques d'assentiment.)

M. DE WAUTHIER.-Messieurs, les discours prononcés dans une autre enceinte et dans celle-ci, sur le projet de loi qui nous est présenté, n'ont pu me convaincre, ni de la nécessité d'accepter le traité qui nous est imposé, ni des dangers de son rejet. Si le gouvernement avait persisté dans le système de résistance qu'il avait ou paraissait avoir adopté, et s'il n'avait cherché à mettre la désunion et dans les chambres et dans la nation en leur faisant partager et ses craintes et son hésitation, unis nous aurions pu attendre les événements en pleine confiance.

Je ne veux pas, Messieurs, prolonger une discussion inutile; car les opinions sont formées, et je n'ai demandé la parole que pour protester, comme je l'ai fait au sein de votre commission, contre le traité déshonorant et inique.

Je voterai contre le projet de loi.

M. DUPONT D'AHÉRÉE. - Messieurs, je désire expliquer mon vote en quelques mots.

Lorsque parut la décision qui nous enlève une partie de nos provinces du Limbourg et du Luxembourg, je me flattais que, la France secondant nos efforts, nous pourrions nous soustraire à l'exécution de ce fatal traité; malheureusement il n'en est pas ainsi ; nous sommes

livrés à nous-mêmes; notre isolement est complet. En cette situation, devons-nous engager une lutte qui, sans présenter aucune chance de succès, exposerait le pays à des maux incalculables? Je ne le pense pas.

Je ne saurais comprendre qu'il puisse y avoir honte à céder lorsqu'il est humainement impossible de résister. Je ne comprends pas davantage en quoi cette honte (si honte il y a) serait atténuée par une défense qui doit nécessairement finir par la défaite; d'ailleurs, de quelle nature serait cette défense? Ne serait-elle que simulée, elle devient ridicule; si, au contraire, elle est poussée jusqu'à l'acharnement, elle nous conduit aux désastres que je veux éviter à mon pays. Il a bien été question, il est vrai, de défense raisonnable; la raison ne conseille jamais de tenter l'impossible; nous ne pouvons pas résister à l'Europe. La contrainte n'est-elle pas suffisamment démontrée? Quel est le Belge qui pourrait souscrire de telles conditions s'il n'était contraint par une force majeure irrésistible?

La guerre, dit-on, n'est qu'un épouvantail; nous ne serons point attaqués. C'est possible, mais j'en doute. Nous sommes un embarras pour l'Europe; elle en voudra finir, quoi qu'il en soit; encore faudrait-il rester en armes, et prolonger indéfiniment l'état d'incertitude et d'anxiété dans lequel nous vivons. J'ignore combien de temps nous pourrions soutenir l'attitude militaire que nous avons prise, et combien le pays pourrait supporter la crise qui le tourmente. Je suis loin de croire que l'acceptation puisse la faire cesser entièrement, mais au moins on peut espérer que la confiance se rétablira peu à peu, et que les affaires régulières reprendront leur cours habituel.

Personne ne déplore plus que moi la douloureuse séparation qui nous est imposée; s'il était un moyen de l'éviter, il n'est pas de sacrifice personnel auquel je ne consentirais volontiers pour y parvenir.

J'apprécie combien est pénible la position des habitants des territoires qui nous sont arrachés. De leur côté, ils sentiront toute la rigueur de notre position; ils nous tiendront compte de ce que nous avons fait, de ce que nous eussions voulu faire; ils n'exigeront pas que nous poussions les choses au point d'entraîner la ruine du pays tout entier et de compromettre son état politique.

En cédant à la nécessité, je croirai servir mon pays; je voterai pour l'acceptation, sans doute avec regret, mais dans la confiance que je fais en cela acte de patriotisme.

Messieurs, en lais

M. LE CHEVALIER VANDERHEYDEN A HAUZEUR. sant interpréter par la représentation nationale, par la généralité du pays, les mots persévérance et courage, comme étant l'expression d'une volonté ferme, irrévocable, de résister, par tous les moyens possibles, au morcellement des provinces du Limbourg et du Luxembourg, le gouvernement a obtenu, de confiance, tout ce qu'il a demandé à la nation: cinq dépositaires responsables de l'autorité constitutionnelle du Roi ont uni leurs votes, en cette grave circonstance, à l'unanimité de ceux des membres de la chambre des représentants. Aujourd'hui, le ministère cède aux exigences impérieuses de la conférence de Londres. Cependant, Messieurs, si, en temps opportun, il s'était franchement, étroitement identifié aux vœux du du pays, s'il avait eu plus de patriotisme, plus d'énergie, il aurait refusé positivement de renouer des négociations sur les bases d'un traité que le roi Guillaume n'a pas voulu signer pendant sept ans, et il eût certainement obtenu des modifications dignes de nous.

Tout ne nous prouve-t-il pas évidemment qu'on ne veut point la guerre en Europe, qu'elle y est même presque impossible, par la position dans laquelle certaines puissances se sont placées. Ma conviction est donc qu'on ne nous fera pas la guerre, et que si elle venait à éclater, nous ne pourrions en être que le prétexte, parce que ce serait une guerre de principes. Hé, Messieurs, l'a-t-on fait en 1850, pour tâcher de rendre quatre millions d'habitants au roi Guillaume, pour lui remettre le plus beau fleuron de sa couronne? Non. Et lorsque nous avons une armée brave, disciplinée, formidable, on viendrait nous attaquer ! Cela ne sera pas : la France, si justement surnommée la grande nation par l'empereur, ne nous sera jamais hostile, pour l'analogie de nos principes, pour ses intérêts sagement compris.

On voudrait nous intimider, nous épouvanter, par la menace d'un blocus général, et par la cessation de toutes relations commerciales, politiques; mais n'avons-nous pas vu, en 1832, le commerce anglais réclamer, protester contre le blocus des côtes de la Hollande? Ne l'a-t-on pas fait cesser presque à l'instant?

Nos transactions commerciales seraient-elles moins avantageuses, moins lucratives à l'Angleterre que ses mêmes relations avec la Hollande? Je ne le pense pas.

Quant à la diplomatie, les trois cabinets absolutistes, qui détestent nos institutions constitutionnelles, ne nous ont-ils pas déjà mis au ban?

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