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radoté, ce n'est pas ma faute je l'ai critiqué, et j'avais le droit de le faire. Mon honorable collègue n'a rien dit absolument qui puisse me faire revenir sur ce que j'ai dit. Quand on fait un reproche à quelqu'un, il ne suffit pas de lui dire : « Vous avez manqué!» Il faut lui dire en quoi il a manqué.

M. DE HAUSSY.-Je respecte toutes les opinions, et je n'ai eu nullement l'intention de blâmer celle de M. Lefebvre - Meuret sur l'œuvre d'un honorable magistrat, mais j'ai cru devoir protester contre l'insulte qu'il lui avait prodiguée. Je n'aurais pas fait cette observation s'il avait retiré de son discours la phrase choquante qu'il paraissait regretter d'avoir prononcée; mais un journal qui reçoit les inspirations de l'honorable membre l'a reproduite et d'une manière encore plus inconvenante. Je ne crois pas du reste m'être écarté des formes parlementaires, et je pense que le sénat me saura gré d'avoir présenté l'observation que je viens de faire tout à l'heure. (Appuyé.) M. LEFEBVRE-MEURET. Mais je demanderai au sénat s'il m'était possible de retrancher un mot à mon discours, et de supprimer ce que j'avais lu et relu et que le sénat avait approuvé.....

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Plusieurs voix. - Non! non ! On l'a improuvé.

M. Lefebvre-MeURET. Mais, laissez-moi m'expliquer ! Vous savez bien que le sénat a décidé qu'il n'y avait pas lieu de me rappeler à l'ordre, et mon interrupteur, M. le comte de Quarré, qui était le demandeur, déclaré qu'il était satisfait des explications que j'avais données.

M. LE COMTE DE QUARRÉ. Je croyais que cette phrase serait effacée de votre discours.

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M. LEFEBVRE-MEURET. Mais était-il en mon pouvoir de la supprimer? Sur quoi donc aurait pu avoir lieu l'interruption? Sur rien ! Et quand même j'aurais eu tort, ce que je n'admets pas, il aurait encore fallu insérer ma phrase dans le Moniteur. Mais le sénat a décidé que je n'avais pas eu tort, et personne maintenant n'a le droit d'improuver ce que j'ai dit.

M. LE COMTE DE BAILLET.-M. Lefebvre - Mueret explique qu'il n'avait pas voulu insulter M. de Gerlache, et qu'il n'a critiqué que sa brochure. M. LEFEBVRE-MEURET. Je n'ai rien à dire de M. de Gerlache, mais il est permis à qui que ce soit de critiquer une brochure. Si le Roi écrivait dans une brochure... (Interruption.) Mais, Messieurs, laissezmoi m'expliquer.

Il a plu à Louis XVIII de se faire auteur. (Interruption.) Mais je ne parle pas du Roi ; je dis que si un Roi se faisait auteur, il ne pourrait trouver mauvais qu'on critique son ouvrage; car la critique est du domaine public.

M. LE PRÉSIDENT.-Dans la séance d'avant-hier, M. Lefebvre-Meuret a suffisamment expliqué qu'il n'avait entendu que critiquer l'opinion émise dans la brochure, et, d'après ces explications, le sénat s'est déclaré satisfait. Nous allons donc reprendre le cours de la discussion.

M. DE THEUX, Ministre des affaires étrangères et de l'intérieur. -Messieurs, l'honorable M. de Haussy a exprimé le regret que le gouvernement n'ait pas depuis longtemps mis la Hollande et la conférence en demeure d'exécuter le traité du 15 novembre 1851, sous peine de déchéance. Ce reproche a déjà été produit dans cette enceinte, et je ne crois pas devoir garder le silence plus longtemps sur ce point.

Il est évident qu'aux termes de la convention du 21 mai 1833, le gouvernement belge ne pouvait plus mettre en demeure ni la Hollande, ni la conférence, d'exécuter le traité du 15 novembre. Et la raison en est simple, c'est que, par la convention du 21 mai 1855, il avait renoncé aux mesures coercitives que la France et l'Angleterre avaient employées sur sa demande, et accepté le statu quo indéfini, tant de la part des grandes puissances que de la part de la Hollande. Dès lors une mise en demeure était impossible.

Le ministère actuel n'a donc encouru aucune espèce de responsabilité, et il n'accepte pas de reproche; je vais plus loin, et je dis qu'aucun reproche même ne peut être adressé aux devanciers du ministère actuel.

Vous vous rappelez, Messieurs, dans quelle position se trouvait la Belgique à la suite du traité du 15 novembre, quand arrivèrent les ratifications incomplètes de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse, tandis que d'autre part le roi Guillaume avait tardé à s'expliquer.

A cette époque, ce que désirait le pays, c'était l'exécution du traité du 15 novembre; il ne voulait pas être relancé, ni vis-à-vis de la Hollande, ni vis-à-vis des trois puissances du Nord, dans un simple état de fait; il ne voulait pas que la reconnaissance obtenue des trois puissances du Nord fût un fait anéanti. Le gouvernement s'est alors borné à réclamer l'exécution du traité du 15 novembre; ces

réclamations eurent pour résultat que la France, en 1852, fit le siége de la citadelle d'Anvers et remit cette citadelle en la possession du gouvernement belge, et que, de concert avec l'Angleterre, elle a mis le blocus devant les ports de la Hollande, et l'embargo sur ses vaisseaux. Vous vous rappellerez que ces mesures amenèrent un tel état de gêne pour la Hollande, que le roi Guillaume fut obligé d'adhérer à la convention du 21 mai, qui garantissait un statu quo, avantageux seulement pour la Belgique.

L'honorable sénateur n'a pas été plus heureux dans les autres reproches qu'il a adressés au gouvernement. Vous vous rappelez, Messieurs, qu'il a déclaré qu'il ne regardait pas le traité du 15 novembre comme ayant une force obligatoire absolue; que ce traité nous ayant été imposé, nous avions le droit de faire tout ce que nous pourrions pour nous y soustraire, de là suit la conséquence que le gouvernement belge et le pays ont pu faire tous leurs efforts pour trouver un appui afin de faire modifier les clauses territoriales que l'on considérait comme si dures; eh bien, Messieurs, c'est précisément la marche que le ministère a suivie et que le pays avait indiquée. En effet, ce n'est pas le ministère qui a excité le pays à faire des démonstrations; ces démonstrations ont été toutes spontanées, et remarquez-le bien, elles remontent à une époque déjà reculée. En 1856, dès la première réunion des conseils provinciaux, les conseils du Limbourg et du Luxembourg firent parvenir au gouvernement des adresses extrêmement énergiques, pour l'engager à faire tous ses efforts pour la conservation de l'intégrité du territoire. La chambre des représentants, en 1836, répondant au discours du trône, avait effacé de son projet d'adresse une phrase qui invoquait le traité du 15 novembre, et s'était simplement appuyée sur la convention du 21 mai, preuve nouvelle qu'à cette époque la politique d'une des branches du pouvoir législatif consistait dans la prolongation du statu quo.

D'ailleurs, Messieurs, en revenant à l'époque des dernières négociations, je demanderai: Est-ce le gouvernement qui a invité les chambres, dans les mois d'avril et de mai, à voter des adresses pour la conservation du territoire? Je répondrai non! Est-ce le gouvernement qui a provoqué les conseils communaux et provinciaux à faire des demandes dans le même sens? Je répondrai encore non.

Quand je décline la responsabilité de ces démonstrations, je suis loin de vouloir déverser sur elles aucune espèce de blâme; elles

étaient justes et naturelles, car aucun sentiment n'est plus juste ni plus élevé pour un peuple que celui de la conservation de son territoire, et le pays aurait été coupable d'indifférence s'il n'avait pas manifesté hautement ses vœux pour un tel résultat.

Mais, Messieurs, ce n'est pas dans la crainte de perdre la confiance des chambres que le gouvernement a fait des efforts pour la conservation du territoire; c'était par le sentiment de son devoir, et parce qu'il conservait toujours une certaine espérance d'arriver à ce but si désiré. Si nous avions été persuadés que tous nos efforts seraient inutiles, et qu'il ne pourrait en résulter que des conséquences dangereuses pour le pays, il y a longtemps que nous aurions pris le parti auquel nous nous sommes arrêtés, quand, par l'ensemble des événements qui se sont accomplis, nous avons vu qu'il n'y avait plus aucun espoir; si, dès le principe, telle avait été la situation des choses, nous n'eussions pas hésité à proclamer la nécessité d'accepter immédiatement le traité.

Mais, dit-on, les opinions des puissances étaient connues; dès le mois d'avril, le gouvernement britannique vous avait fait connaître la sienne officiellement, et vous-mêmes, vous avez déclaré que le gouvernement français se ralliait de plus en plus à l'opinion de la Grande-Bretagne. J'ai déjà répondu à cette observation, j'ai dit que peu de jours avant de recevoir la note relative à la question du territoire, j'en avais reçu une parfaitement semblable et dans les mêmes termes, relativement à la dette ; eh bien, Messieurs, le résultat que nous avons obtenu, quant à la dette, aurait pu aussi être obtenu pour la question territoriale, mais avec plus de difficulté, puisque cette question intéressait davantage les autres puissances. Le maintien de l'intégralité de la dette était soutenu par l'Angleterre, les trois cours du Nord et la Hollande; une seule puissance nous appuyait, et cet appui eût été insuffisant pour changer les dispositions du traité du 15 novembre, si les autres puissances n'avaient enfin reconnu la nécessité de réparer l'injustice qui avait été commise en 1851 envers la Belgique, et si des motifs politiques n'avaient engagé ces puissances à faire cette réparation.

Maintenant ce qui semblait impossible, quant au territoire, avant la réduction obtenue sur la dette et avant que la conférence eût statué sur les arrérages, semblait devenir possible une fois la dette réduite et le remboursement des arrérages positivement écarté; la question

pouvait changer entièrement de face: la Hollande pouvait joindre ses instances à celles de la Belgique pour obtenir un remaniement de territoire, et les deux puissances auraient pu faire leurs efforts près de la conférence pour obtenir des modifications territoriales, avec de grandes chances de succès; car la Hollande pouvait déclarer que, se trouvant froisée dans ses intérêts matériels par la réduction de la dette et le non remboursement des arrérages, elle avait besoin, pour sa prospérité future, d'obtenir un équivalent à un autre titre; qu'elle ne tenait pas à des territoires qui ne seraient qu'un embarras pour elle, et qu'elle préférait obtenir une compensation pécuniaire.

Indépendamment des complications sur la dette et sur les arrérages, plusieurs événements pouvaient se produire qui eussent entravé les négociations. Qui pouvait garantir que les négociations de 1858 arriveraient à terme, alors que celles de 1833 avaient échoué, après quelques mois de tentatives infructueuses? Les mêmes dissentiments pouvaient se reproduire, et c'est alors, Messieurs, que nous aurions regretté de nous être trop pressés de consentir à l'arrangement territorial, et d'avoir interrompu en quelque sorte le cours de la prescription.

Je ne rappellerai pas les divers événements qui auraient pu compliquer la situation politique et perpétuer le statu quo. Ces circonstances ont déjà été souvent énoncées. Mais c'est à tort que l'on a invoqué, pour combattre la politique du gouvernement, le discours de M. le Ministre des travaux publics. S'il a signalé les difficultés de la question territoriale, il n'a pas omis de dire les événements qui pouvaient amener, soit la conservation du statu quo, soit un arrangement moyennant compensation.

Je pense pouvoir me borner, Messieurs, à cette courte réponse; c'est avec conviction que le gouvernement a suivi la ligne politique qu'il s'est tracée depuis l'adhésion du roi Guillaume; s'il n'a pas obtenu pour la question territoriale le succès qu'il désirait, il ne regrettera jamais les efforts qu'il a faits pour atteindre ce but. (Marques nombreuses d'assentiment.)

M. LE BARON DUBOIS DE NEVELE. Messieurs, la plus impérieuse des lois est celle de la nécessité; selon moi, discuter si l'on doit se soumettre à cette loi, c'est courage sans doute; protester contre elle. c'est devoir; l'approuver par son vote, c'est, dans la circonstance, le plus grand effort d'abnégation personnelle et de patriotisme.

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