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vers les frontières de la Hollande, aucun changement dans la position des armées respectives, et rien qui pût faire présumer, de la part de la Belgique, une pensée d'agression.

» Les choses en étaient à ce point lorsque, dans les premiers jours de janvier, se répandit le bruit d'un mouvement de l'armée hollandaise vers la frontière septentrionale du Limbourg. Le premier avis en fut donné au gouvernement par le commandant de Venloo, sous la date du 8 janvier. Ce mouvement eut lieu, en effet, surtout le 11, et se continua les 14, 15 et 16 du même mois. Toute l'armée hollandaise, composée de bataillons et de détachements nombreux venus de l'intérieur de la Hollande, se concentra sur la gauche entre Tilbourg et Eindhoven, et borda l'extrême frontière du Limbourg, jusques en avant de Nimègue, de forces imposantes. Depuis ce moment, la ligne hollandaise, de ce côté, n'a cessé de recevoir des renforts, et de prendre une attitude de plus en plus hostile.

>> En présence de ces faits, et connaissant les bruits généralement répandus du rappel sous les armes des permissionnaires de l'armée hollandaise et de la schuttery, rappel qui pouvait doubler en peu de jours la force de cette armée, le gouvernement belge dut prévoir l'éventualité d'une agression et prendre des mesures pour s'y opposer. Car ce mouvement de concentration sur ce point, où aucun mouvement n'avait été fait par les troupes belges, et lorsque aucune augmentation numérique n'avait eu lieu parmi celles-ci, ces forces portées sur la frontière septentrionale du Limbourg, entièrement dégarnie de soldats belges, et au nord de Venloo, dont la garnison n'avait reçu aucun accroissement, tous ces faits réunis présentaient le caractère d'un agression, et il était du devoir du gouvernement de se mettre en mesure de la repousser.

>> C'est de ce moment seulement, et du 16 au 20 janvier, que l'armée belge se concentra dans ses positions, porta des forces plus considérables au camp de Beverloo, et augmenta son effectif par le rappel sous les armes d'une partie de ses permissionnaires et de ses corps de réserve. Jusqu'au 15 janvier dernier, les deux armées continuèrent leurs mouvements, et renforcèrent respectivement leurs positions, mais sans que, de notre part, un seul mouvement pour nous porter en avant de nos positions défensives et vers la frontière hollandaise, ait pu donner lieu à l'interpréter sous le sens d'un projet d'agression.

Depuis ce jour, aucun changement n'a été effectué dans les positions de l'armée belge, et il n'y a plus eu aucune augmentation dans l'effectif de ses forces. » L'armée hollandaise concentrée sur notre extrême frontière n'a également rien changé à son attitude hostile. En présence d'un tel état de choses, la Belgique ne peut se dispenser d'attendre dans l'attitude militaire qu'elle a été forcée de prendre que la Hollande ait elle-même, par des dispositions nouvelles, écarté toute probabilité d'une agression de sa part.

» Le soussigné a l'honneur, etc.

» SYLVAIN VAN DE WEYER. »

« A LL. EE. MM. les plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, réunis en conférence à Londres.

» Londres, le 25 février 1839.

» Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le Roi des Pays-Bas, a eu l'honneur de recevoir la note de LL. EE. MM. les plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, du 12 de ce mois, contenant l'invitation au gouvernement du Roi de faire cesser les armements extraordinaires qui ont eu lieu dans ses États, en renvoyant dans leurs foyers les permissionnaires appelés sous les drapeaux, et en remettant l'armée sur le pied où elle a été au 1er octobre dernier.

» La cour de La Haye, ayant pris connaissance de cette note, a cru ne pouvoir mieux y répondre que par un simple exposé des faits.

» Il est de notoriété publique que les mesures de précaution adoptées dans les derniers temps par le gouvernement des Pays-Bas, datent seulement du commencement de l'année actuelle et sont postérieures de plusieurs mois aux armements belges. Elles n'en furent dès lors que la conséquence inévitable, quoique tardive, et se bornèrent à la dislocation de quelques bataillons, à laquelle, pour assurer le service dans les places fortes, est venu se joindre plus tard l'appel des permissionnaires de la milice de 1832 et de ceux de la classe de 1835, laquelle avait été envoyée en congé dans les derniers mois de l'année 1838; mais il n'a pas été question de l'appel de la schuttery ni de la réserve.

» L'esprit de conciliation qui a dicté les réponses du cabinet néerlandais aux communications de MM. les plénipotentiaires des cinq puissances, du 23 janvier et du 1er février, leur présente un gage nullement équivoque de ses intentions pacifiques; mais il n'a pu se dispenser de remplir le devoir sacré et imprescriptible de tout gouvernement, celui de veiller à la sûreté du territoire, en proportionnant, bien que sur une échelle réduite, ses moyens de défense à ce qui se passe en Belgique, et à la circonstance que, par la proximité des provinces belges entre elles et par les voies accélérées de communication, le danger d'une agression ne se limite pas à une concentration de troupes belges vers le nord, mais existe du moment que l'armée belge, partout où elle se trouve, est mise sur le pied de guerre. Il résulte de cet état de choses que le gouvernement néerlandais pourrait compromettre la sûreté du pays, en diminuant ses moyens de défense, avant que la Belgique, qui a pris l'initiative d'armements infiniment plus considérables que les siens, ne se soit placée dans une position pacifique.

» Le soussigné craindrait d'abuser des moments précieux de MM. les plénipotentiaires des cours d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, en se permettant des développements ultérieurs sur une matière dont leur discernement saura, au premier abord, apprécier la nature, et il saisit avec empressement cette occasion pour renouveler à LL. EE. l'assurance de sa haute considération.

» S. DEDEL. »

Nobles et Puissants Seigneurs!

Si la discussion publique et la manifestation immédiate des principales affaires politiques, tant intérieures qu'extérieures, sont un des caractères de notre époque, ceci est principalement le cas des négociations qui sont résultées, depuis 1830, des événements de Belgique. Par cela même se circonscrit immédiatement le cercle des faits que Vos Nobles Puissances pourraient désirer apprendre de moi; mais, comme Néerlandais, nous pouvons maintenant nous réjouir de cette publicité. Elle donnera à l'historien et à l'homme d'État, aux contemporains et à la postérité, une riche provision des matériaux les plus précieux pour leurs travaux. Tandis qu'un si grand nombre de pages des annales des nations restent couvertes d'un voile impénétrable, l'accès des événements qui ont porté à notre patrie de si graves blessures sera pour un chacun facile, et jamais l'observateur intelligent, s'il ne cherche que la vérité, ne sera dans le doute lorsqu'il se posera les questions suivantes :

Quelle fut la cause du déchirement en deux parties (litt.) du florissant royaume des Pays-Bas? Par quel concours de causes cette séparation fut-elle consolidée? De quel côté étaient le droit et l'équité, l'intérêt bien entendu de l'État, la modération et l'attachement aux principes d'ordre et d'une vraie liberté ? Le gouvernement du pays se montra-t-il, pendant cette lutte de huit années, ferme et constant au milieu des dures épreuves que la divine Providence lui envoyait? Son courage marcha-t-il de pair avec sa modération? Courba-t-il la tête avec dignité devant une nécessité fatale? Enfin quel avenir réserve la séparation entre Néerlande et Belgique au bien-être des deux pays, au repos de l'Europe?

No II.

DEMANDE DE COMMUNICATION DES DOCUMENTS RELATIFS A LA
NÉGOCIATION DU TRAITÉ.

Dans le tome ler de cet ouvrage à la fin de la première partie, pages 153 et 154, nous nous sommes bornés à analyser la discussion élevée, dans la séance du 28 février, à la chambre des représentants, par suite de la demande de communication des pièces diplomatiques qui avaient amené le traité.

Notre impartialité et le désir de n'omettre aucun des faits de ces importants débats, nous engage à reproduire la discussion du 28 février, en son entier.

Pareille demande ayant été adressée au sénat (voyez tome II, page 375), dans la séance du 22 mars, nous publions aussi toute la discussion à laquelle elle a donné lieu.

CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.

(SÉANCE DU 28 FÉVRIER 1839.)

M. Dolez, ayant donné lecture du rapport de la section centrale, sur le projet de loi autorisant le Roi à signer le traité de paix avec la Hollande, M. le président prend la parole et dit :

Le rapport sera imprimé et distribué. A quand la chambre veut-elle en fixer la discussion?

Des membres. A lundi!

D'autres membres. A mardi!

La chambre décide qu'elle se réunira en séance publique lundi.

M. VANDENBOSSCHE. — Je demande la parole pour une motion d'ordre. Pour bien apprécier l'irrévocabilité du traité, je pense qu'il serait nécessaire de nous communiquer les notes qui ont été échangées au sujet des relations que l'art. 1er de la constitution supposait que nous serions dans la nécessité de contracter avec la confédération germanique.

M. GENDEBIEN. - Messieurs, nous voici arrivés au moment d'examiner le traité final, irrévocable (bien qu'il ne soit peut-être pas le dernier qu'on qualifiera ainsi, et à coup sûr ce n'est pas le premier); nous devons cependant le considérer comme sérieux, et dès lors nous devons nous environner de toutes les lumières et les chercher partout où nous pouvons les trouver. Aux termes de la constitution, le gouvernement a le droit de négocier et de faire des traités sous sa responsabilité; il doit les soumettre aux chambres dans certaines circonstances; c'est ce qu'il a

fait; mais la constitution ajoute que le gouvernement remettra à la chambre, avec le traité, toutes les pièces diplomatiques qui ont amené ce traité.

Je demande, en conséquence, si M. le Ministre des affaires étrangères est disposé à remettre sur le bureau toutes les pièces diplomatiques, depuis l'origine de la négociation jusqu'à l'époque actuelle, en exceptant toutefois celles qui ont déjà été imprimées et qui se trouvent dans des recueils authentiques.

M. DE THEUX, Ministre des affaires étrangères et de l'intérieur. — Messieurs, je pense avoir été très-large dans les communications que j'ai faites à la chambre par mes rapports des ler et 19 février ; je crois avoir communiqué toutes les pièces qui peuvent être de quelque utilité dans la discussion actuelle; communiquer l'ensemble de la correspondance auquel fait allusion l'honorable M. Gendebien ne me paraît pas seulement inutile; mais cette communication pourrait même présenter des inconvénients.

Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la proposition de M. Gendebien. M. DUMORTIER. Il est vraiment étrange que, dans une question aussi grave que celle qui nous occupe, dans une question qui, à elle seule, résume tout l'avenir de la patrie, le Ministre des affaires étrangères fasse des difficultés pour répondre comme il devrait le faire à la motion de l'honorable M. Gendebien.

Le Ministre dit qu'il vous a soumis tout ce qui était nécessaire pour former votre conviction. Mais quelles sont donc les pièces qui ont été communiquées ? Vous l'avez vu comme moi, on nous a communiqué les projets de traité proposés par la conférence et les procès-verbaux des négociations de 1833. Mais, quant aux pièces relatives aux négociations entamées depuis le mois de mars, on ne vous a rien ou presque rien communiqué. Je dis presque rien, parce qu'on nous a communiqué en tout une ou deux notes. Et cela n'est pas suffisant pour former notre conviction. C'est de l'examen des notes particulières du Ministre, c'est de sa correspondance avec ses agents que doit résulter un grand enseignement sur la question de savoir si le gouvernement a fait son devoir, s'il a défendu nos droits comme ils devraient l'être, et s'il nous reste encore le moyen de rejeter le traité qu'on vous propose.

Mais la chambre devrait voter en aveugle parce qu'il plaît au gouvernement de présenter un projet de loi. Une pareille prétention n'est pas admissible. Cependant refuser la communication demandée, c'est vous mettre dans l'impossibilité de porter un jugement en connaissance de cause sur la conduite du ministère et l'opportunité du projet présenté.

Je ne puis assez blâmer la conduite du Ministre des affaires étrangères. J'insiste pour que toutes les pièces relatives aux négociations entamées depuis le mois de mars soient déposées sur le bureau. C'est ce qui s'est fait dans toutes les circonstances analogues.

Jamais les Ministres précédents ne se sont refusés à des demandes de cette nature. Si le Ministre actuel persistait dans son refus, nous aurions lieu de penser que les pièces demandées contiennent des choses qui doivent le compromettre. C'est un devoir pour nous d'en exiger la communication.

Au parlement anglais, toutes les pièces relatives à la question belge ont été déposées, et nous qui sommes les plus intéressés, nous qui sommes frappés par

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