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merie catholique. De nous être servi du mot de tête forte. Mais où avez vous pris que cela signifie tête foible? Du mot de théologien robuste ; mais qui vous a dit que cela veut dire théologien infirme? Du mot de sagace: il est vrai que ce terme a un peu vieilli; mais c'est sa vieillesse même qui le rend le mot propre. Nous avons cru qu'il convenoit mieux par-là même à un primitif, à une vénérable colonne de la discipline antique, à un président de presbytere; et qu'il valoit encore mieux sacrifier la pureté de style, qu'affoiblir l'énergie de notre idée et le portrait avantageux que nous voulions faire de votre mérite.

Quand au titre d'ambitieux, nous ne nous sommes jamais permis une pareille licence. Nous avons dit seulement que vous couriez la carriere des honneurs, ce qui s'entend bien clairement des honneurs constitutionnels. Nous aurions pu sans doute nous expliquer avec plus de franchise, et ne pas mettre de l'honneur là où il n'y en a pas. Mais il faut au moins nous savoir gré de notre réserve. C'est un peu trop dur de votre part de nous imputer à crime les égards même que nous avons eu pour vous: car vous avoueréz qu'il est bien doux et bien honnête de notre part, que d'avoir appellé honneur, ce qui n'est à nos yeux qu'un abaissement honteux, et aux yeux l'église qu'une vraie flétrissure.

de

Vous ne voyez, dites-vous, à votre âge qu'impuissance et danger à ce qu'on pourroit exiger de vous ; c'est-à-dire, à être évêque que de Versailles. Nous convenons avec vous de l'impuissance et du danger. Mais c'est en

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core plus votre danger que votre impuissance qui nous allarme. Il ne faut pas être bien puissant pour ravir la place d'un homme qui ne se défend pas, ni pour s'attribuer un titre que tout honnête homme conspue, ni pour se faire élire d'après les voix que l'on compte soimême. Mais il y a un très-grand danger de profaner les choses saintes, de recevoir une consécration par des mains sacrileges, et de se faire évêque contre toutes les regles du monde catholique. Mais puisque vous sentez si bien votre impuissance, que n'abandonnez-vous la partie? Et puisque vous connoissez si bien votre danger, que ne l'évitez-vous? Quoi! vous allez, vous venez, vous êtes l'agent, le machi- * niste en chef, le courrier, le postillon, le bureau d'adresse de l'église de Seine et Oise: le synode, vous le convoquez; le presbytere, vous l'organisez; les lettres circulaires, vous les colportez et vous nous parlez ensuite de votre impuissance? Vous vous jettez à corps perdu au-devant du danger, et vous nous parlez du danger. Vous cabalez avec toute l'ardeur et l'effervescence d'un jeune homme, et Vous nous parlez de votre âge? En vérité M. Clément, c'est abuser étrangement de la permission d'être modeste. Passe encore pour cette fausse modestie; mais ce qui nous allarme véritablement, ce qui sur-tout fait dresser les cheveux aux dévotes de S. Médard, c'est la simonie évidente qui est dans votre fait. C'est de voir que vous faites le presbytere, et que le presbytere vous fait évêque. C'est le scandale de ce pacte vraiment simoniaque, dans lequel vous donnez afin que l'on

vous donne. Scandale d'autant plus fâcheux, que vous n'avez pas même ici l'excuse de dire qu'il n'y a pas de simonie devant le pape, puisque le pape n'entre pour rien dans cette affaire. Fut-il jamais un plus étrange renversement du droit civil et canonique! De quel nom l'appelleroient donc les Van-Espen, les Veron, les Wallembourg et les Nicole, s'ils revenoient sur la terre? A moins qu'ils ne pensassent que toutes les regles anciennes étant détruites, on ne peut plus argumenter par les regles ordinaires, qu'aucun livre de droit ne faisant mention des évêchés constitutionnels, on ne peut établir entre eux et les anciens aucune parité; et que la simonie n'étant autre chose qu'un commerce d'argent et de dons du SaintEsprit, il ne peut exister de simonie, là où il n'y a ni argent à toucher, ni Saint-Esprit à recevoir.

Il faut avouer cependant, citoyen Clément, qu'humainement parlant, rien n'est plus tentant pour vous que l'évêché de Seine et Oise, autrement dit, de Versailles; et que les avantages qu'il vous offre seroient capables d'ébranler une tête plus forte encore que la vôtre.

1o. Le nom de Versailles à quelque chose d'imposant et de sonore qui parle encore à l'imagination, et on reproche un peu à la vôtre de s'enflammer trop aisément.

2o. En acceptant l'évêché de Seine et Oise vous remplacez le citoyen Avoine, qui étoit un bon homme, et qui est mort dans son lit, après avoir reçu ses sacremens, chose bien belle pour un évêque constitutionnel, au-lien

que dans un autre évêché, vous couriez grand risque de succéder à un bonnet rouge, à un sans-culotte, à un apostat et autre primitif de ce genre, ce qui seroit toujours fort désagréable pour un homme d'honneur comme

vous.

3o. L'évêché de Seine et Oise est votre propre ouvrage. C'est votre enfant chéri. Vous l'avez divisé et subdivisé. Vous lui avez donné neuf archiprêtrés et cinquante-neuf doyennés, le tout faisant sept cens paroisses, dont vous avez fait imprimer le catalogue. Il est vrai qu'elles ne sont encore que sur le papier. Mais il en résultera toujours cet avantage, que vous que aurez le plaisir de les lire, sans avoir la peine

de les

gouverner.

4o. L'évêché de deux rivieres de Seine et Oise est un composé d'une douzaine de dioceses, dont trois métropoles, Paris, Sens et Rouen, en tout ou en partie : ce qui d'abord vous rend bien supérieur à votre métropolitain, dont l'évêché n'est qu'une rognure de l'archevêché de Paris, et vous distingue en outre bien honorablement du primat des Gaules qui n'a que deux métropoles dans sa jurisdiction. Or, quoi de plus énivrant pour l'amour propre, que de représenter à vous seul trois métropoles, et de porter sur le corps douze évêchés qui ne vous auront pas coûté une seule • bulle.

Nous sentons tout cela, citoyen Clément, car nous sommes hommes, comme vous. Mais enfin il faut apprendre un peu à se vaincre. Ce n'est pas à votre âge qu'on doit se laisser engouer comme un enfant : et puisque vous sa

vez si bien garder votre cœur des illusions de l'estime, que ne fe gardez-vous aussi des illusions de la vanité? L'un est-il donc plus difficile que l'au re? Nêtes-vous donc pas assez mûr pour sentir que ce qui est si beau et si flatteur dans la spéculation, est souvent trèsdur et très fâcheux dans la réalité? Faut-il que ce soit nous qui vous apprenions que vous vous préparez, à la fin de votre carriere, à vos derniers jours, un cruel repentir; et que vous n'aurez par porté une seule décade la mitre tricolore, que vous mourrez de honte d'avoir déshonoré vos cheveux blancs.

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Pardon, citoyen président, de vous avoir parlé avec trop d'épanchement. Mais c'est uniquement l'intérêt de votre gloire et de votre salut qui nous a fait passer par-dessus toutes les considérations humaines. Peut-être aurionsnous pu traiter moins cavaliérement un citoyen élu à l'évêché de Seine et Oise; nous ne croyons pas cependant nous être trop écartés de l'esprit de la constitution civile, dans laquelle, comme vous savez, de prêtre à évêque, il n'y a que la main. Recevez donc sans façon notre accolade fraternelle, en attendant de vous faire un compliment plus ample sur yotre promotion.

Lettre du cardinal Mattei, faite au nom dư Pape, au général Buonaparte.

J'ai mis aux pieds de sa sainteté la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire, M. le général, en date du 21 octobre dernier.

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