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escamotés, que personne ne songera pas même à demander ce qu'ils sont devenus. Vous voyez par-là que les savans bénédictins qui ont commencé ce bel ouvrage n'étoient que des novices, des compilateurs indigestes qui ne savoient faire que des catalogues d'évêques se suivant l'un après Pautre, comme des grains de chapelet, tandis que nos modernes continuateurs joindront au même degré, pour le moins, d'érudition, l'art admirable de plâtrer toutes les lacunes, et de donner des successeurs à ceux qui n'en ont pas. 3o. Elle est philosophique. N'allez pas croire que nous voutions dire impie. Ce mot signifie seulement, élevée au-dessus des préjugés, opposée aux vieilles routines, capable de voler de ses propres aîles, dégagée de toute espece de servitude de corps comme d'esprit, ennemie jurée des athées, mais ennemie, encore plus ennemie jurée des fanátiques. Du reste, assez coulante sur les opinions, point tracassiere sur la maniere de penser, dont Dieu seul est juge: faisant passer, bien entendu, Pagriculture avant la théologie; préférant hautement l'académicien au docteur; l'évêque philosophe à l'évêque ultramontain, et tellement accommodante, que si on avoit suivi ses principes, on n'eût pas vu tant de débats scholastiques, tant de schisme scandaleux, tant de funestes hérésies.

4o. Elle est chrétienne enfin, car la liberté et la littérature doivent passer avant tout. Cette derniere note, comme vous voyez, lui donne une certaine latitude; d'autant mieux qu'il ne faut jamais la séparer de la précédente, et que, pour être exact, on doit tou

jours dire philosophique-chrétienne. C'est surtout à cette belle réunion que vous la reconnoîtrez. A Dieu ne plaise qu'elle abjure le christianisme pour la philosophie, nous lui rendons cet hommage; mais à Dieu ne plaise aussi qu'elle abjure la philosophie pour le christianisme ces deux choses sont inséparables. Partout où vous trouverez donc du christianisme sans philosophie, l'église gallicane n'est pas là. Que si vous nous demandez si les quakers qui sont aussi philosophes-chrétiens; les sociniens plus philosophes-chrétiens encore; le consistoire de Geneve, qui a aussi sa philosophie chrétienne, peuvent faire partie de cette église et se mettre au rang des freres et amis, nous vous répondrons simplement qu'elle est philosophique-chrétienne, et que ce mot dit tout. Résumons donc briévement ces quatre notes lumineuses, pour les rendre encore plus saillantes. Elle est libre, pour se distinguer de l'église gallicane ancienne, esclave, Littéraire, pour se distinguer de l'église gallicane ancienne, ignorante. Philosophique, pour se distinguer de l'église gallicane ancienne, fausse dévote; et Chrétienne, pour se distinguer de l'église gallicane ancienne, ultramontaine.

C'est donc devant cette auguste assemblée, que Grégoire a prononcé sa sublime harangue, qui, d'une voix unanime, a été proclamée digne de l'impression. L'enthousiasme a été și vif, qu'on en a décrété sur-le-champ l'envoi toutes les églises veuves et même mariées; et sur la motion d'un membre, un courier extraordinaire a été expédié à l'évêque de Pistoie, avec priere de la traduire en italien, à

l'usage des républiques transpadane et cispa.dane.

P. S. Tout le monde connoît cet évêque de Pistoie, qui a fait beaucoup de bruit, il y a une quinzaine d'années, et auquel Grégoire prodigue des éloges, après s'être comparé à lui. C'étoit un mannequin que les philosophes de la Toscane faisoient mouvoir, pour opérer dans cette partie de l'Italie, et ailleurs par contre-coup, une révolution religieuse. Il s'agissoit d'abord de soulever, comme on a fait en France, les curés contre les évêques, et de flatter leur vanité, pour les faire donner plus sûrement dans le piége. L'évêque de Pistoie ordonna qu'ils porteroient un cordon, comme lui, à leur chapeau, et déjà ce cordon leur avoit fait tourner la tête. Déja on parloit de presbytere; déja la lithurgie venoit d'être changée à Pistoie, et les plus funestes innovations alloient se succéder, sans l'intrépide résistance des autres évêques, qui, assemblés en concile, s'opposerent tous fortement à leur collegue, et sauverent ainsi l'église de Toscane. Cependant tout n'étoit pas fini, lorsque la mort de l'empereur Joseph II appela au trône d'Allemagne, le grand-duc son frere, ce Léopold qui avoit dans l'esprit plus d'inquiétude que de lumieres, et qui vouloit aussi nationaliser l'église, et donner au clergé une constitution civile. Son successeur plus sage, qui n'aime pas plus les révolutions religieuses que les révolutions politiques, n'eût rien de plus pressé que de se débarrasser de ce prélat brouillon, en le forçant de se démettre entre les mains du

pape. Il vit depuis dans l'obscurité et le mépris, d'où les éloges de Grégoire ne le tireront pas.

Parmi les victimes qui ont signé de leur sang le témoignage de leur foi, dans la révolution française, il en est peu qui méritent plus d'être distingués que les onze prêtres sur la mort desquels on nous a communiqué les détails suivans:

Dans les premiers jours de juillet 1792, sous le prétexte de contenir les montagnes du Vivarais, les départemens du Gard et de l'Ardêche y envoyerent des forces imposantes : ces troupes se répandirent dans le pays, et notamment dans une petite paroisse du diocese d'Uzès, appellée Naves; là étoient à souper quelques prêtres; on se saisit d'eux, on les amene aux Vans, ainsi que ceux qu'on rencontroit sur la route. Ils étoient au nombre de onze; on les charge d'outrages; on les meurtrit de coups et on les jette dans une prison aux Vans, sur le refus souvent réitéré de prêter le serment de la constitution prétendue civile du clergé. Le lendemain de leur détention aux Vans, quelqu'un des jannissaires leur proposa de s'évader: ils acceptent l'offre ; à peine sont-ils sortis, qu'on fait courir sur eux, en les chargeant des plus horribles imprécations. Ils se rendent; on les conduit sur la principale place; on les interpelle de prêter le serment, tous refusent avec le courage que la religion seule inspire. On les fait mettre à genoux, et s'adressant au plus âgé d'entr'eux, M. Bravard, prêtre de la communauté de

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St.-Sulpice, plus que septuagénaire, on leur
demande de nouveau le serment. Ce vénérable
vieillard tenoit un livre à la main; on le lui
fait tomber par terre avec un coup de sabre:
il le ramasse sans qu'il lui échappe un seul
mot de plainte, et répond: « Je suis soumis
aux loix civiles; je ne puis prêter un ser-
ment contraire aux principes de la religion
sainte, dont j'ai l'honneur d'être le ministre ;
vous pouvez faire de moi ce qu'il vous plaira,
je mourrai en faisant des voeux pour le bon-
heur de la France, et sur-tout pour que le
Seigneur ne lui enleve point le flambeau de
la foi». M. le Jeune, son confrere; M. Bonijols,
chanoine d'Uzès; M. Montagnon, prieur de
Valubrix; M. Clemenceau, curé de Nîmes;
M. Drome, vicaire de St.-Victor de la Côte;
le prieur-curé d'Arpuilharques, et trois autres
prêtres, dont on a oublié le nom et le titre,
sur la même réponse furent à l'instant im-
molés. Le lendemain, M. de la Bastide, aussi
chanoine d'Uzès, qui avoit échappé la veille
à la fureur des assassins, tomba aussi sous
leurs coups, près de Joyeuse. Les jours sui-
vans quelques autres eurent le même sort. Tels
furent les préludes des horreurs dont la France
devoit se souiller dans la suite.

De Grenoble, 15 janvier.

Parmi les établissemens qu'une charité compatissante et éclairée consacroit dans notre ville au soulagement de l'humanité, on avoit toujours distingué l'association connue sous le nom de Dames de la Miséricorde, laquelle étoit spécialement

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