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milier; et Buonaparte auroit foulé aux pieds le diadême pontifical, que Pie VI n'en porteroit pas moins la triple couronne de la foi, de l'honneur et de la conscience. Ce traité conclu à Foligno, est le second que fait la république avec un souverain qui ne lui a jamais déclaré la guerre, ni fait contr'elle aucun acte d'hostilité. Sera-t-il plus respecté que le premier ? Estil conclu, du côté du vainqueur par la modération ou par la politique? Se croit-il destiné à des victoires plus dignes de lui, et lui faut-il des lauriers plus hasardeux? Préfere-t-il la conquête du Tyrol à celle de Rome, et lui semblet-il plus glorieux de détrôner l'Empereur que le Pape? C'est ce que nous ignorons. Mais nous savons que si Buonaparte pense en homme Dieu a aussi ses pensées qui ne sont pas celles des hommes. Nous savons que le triomphateur peut bien ne songer qu'à sa gloire et à sa sûreté; mais que la Providence songe aussi à ses desseins. Eh! qui peut donc ici ne pas admirer cette Providence? Quel autre bras que celui de Dien a pu arrêter ici ce torrent vainqueur auquel rien ne résiste? quel autre que celui qui conduit comme il lui plaît les Cyrus et les Alexandre par la main, a donc pu inspirer à ce jeune héros, ces paroles de respect et de vénération, et cet hommage solemnel qu'il rend aux intentions pacifiques et aux vertus conciliatrices du Souverain Pontife. De sorte que c'est Buonaparte lui-même qui répond aux calomniateurs de Pie VI; de sorte que c'est celui sur qui les philosophes comptoient le plus, qui déconcerte tout-à-coup leurs projets et trompe leur attente. Car ils avoient

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triomphé d'avance. Déja ils fabriquoient des prédictions dévastatrices; déja les poëtes en titre de la liberté marteloient leurs odes et chantoient la chûte de Rome. Déja ils plaçoient au Capitole la sfatue des Brutus et des Soevola, et autres dieux brigands, horreurs de la nature humaine. Mais celui qui regne au haut des cieux et qui se rit des desseins des impies, en a disposé autrement. La ville sainte, la ville par excellence regne encore par la religion, comme jadis elle dominoit par les armes. La chaire éternelle reste toujours assise sur les ruines du trône des Césars. L'étendard de la croix flotte encore avec majesté sur le dôme de Saint-Pierre, et semble rallier, de cette cime auguste, tous les catholiques du monde. Nous entendrons encore la voix de notre chef, retentissante du haut des sept collines, et c'est de là encore qu'il parlera à la ville et à l'univers: Urbi et orbi.

Ce n'est pas sans doute que le sort de la religion dépende de celui de Rome. Gardonsnous de le croire. Notre foi a d'autres fondemens que ceux du Capitole, et ce n'est pas sur cette pierre que sont établies les promesses. Mais nous aimons à voir comment Dieu se plaît ici à confondre les sages, et comment, suivant l'expression de l'Ecriture, il se joue dans l'univers, en ramenant tout à la religion alors que tout paroît s'armer pour sa ruine. C'est la grande consolation de la foi, de contempler le spectacle des choses divines dans le spectacle des choses humaines, et de pouvoir s'écrier ici avec ce poëte célebre, fils et rival du grand Racine:

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Les empires détruits, les trônes renversés,
Les champs couverts de morts, les peuples dispersés
Et tous ces grands revers, que notre erreur commune
Croit nommer justement les jeux de la fortune,
Sont les jeux de celui, qui maître de nos cœurs,
A ses desseins secrets fait servir nos fureurs.
Et de nos passions réglant la folle ivresse,
De ses projets par elle accomplit la sagesse.
Les conquérans n'ont fait par leur ambition
Que hâter les progrès de la religion:

Nos haines, nos combats ont affermi sa gloire ;
C'est le prouver assez que conter son histoire.

La Religion, poëme, ch. IV.

Lettre de N. S. P. le Pape au général Buonaparte.

PIE PP. VI.

la

Cher fils; salut et bénédiction apostolique. Desirant terminer à l'amiable nos différends actuels avec la république Française, par retraite des troupes que vous commandez, nous envoyons et députons vers vous, comme nos plénipotentiaires, deux ecclésiastiques, M. le cardinal Mattey, parfaitement connu de vous, et monseigneur Galeppi, et deux séculiers, le duc don' Louis Braschi, notre neveu, et le marquis Camille Massini, lesquels sont revêtus de nos pleins pouvoirs, pour concerter avec Vous, promettre et souscrire telles conditions que nous espérons justes et raisonnables, nous obligeant sous notre foi et parole de les approuver et ratifier en forme spéciale, afin

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qu'elles soient valides et inviolables en tout
temps. Assuré des sentimens de bienveillance
que vous avez manifestés, nous nous sommes
abstenus de tout déplacement de Rome, et
par-là vous serez persuadé combien grande est
notre confiance en vous. Nous finissons en vous
assurant de notre plus grande estime
et en
vous donnant la paternelle bénédiction apos-
tolique.

Donné à Saint-Pierre de Rome le 12 février 1797, l'an vingt-deuxieme de notre pontificat.

Signé PIE PP. VI.

RÉPONSE.

Buonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, à Sa Sainteté, le Fape Pie VI.

Très-Saint Pere,

Je dois remercier votre Sainteté des choses obligeantes contenues dans la lettre qu'elle s'est donnée la peine de m'écrire.

La paix entre la république Française et votre Sainteté vient d'être signée; je me félicite d'avoir pu contribuer à son repos particulier.

J'engage votre Sainteté à se méfier des per sonnes qui sont à Rome, vendues aux cours ennemies de la France, ou qui se laissent exclu sivement guider par les passions haineuses qui entraînent toujours la perte des états.

Toute l'Europe connoît les inclinations pacifiques et les vertus conciliatrices de votre

Sainteté. La république Française sera, j'es pere, une des amies les plus vraies de Rome. J'envoie mon aide-de-camp, chef de brigade, pour exprimer à votre Sainteté Pestime et la vénération parfaite que j'ai pour sa personne, et je la prie de croire au desir que j'ai de lui donner, dans toutes les occasions, les preuves de respect et de vénération avec lesquelles j'ai l'honneur d'être son très-obéissant serviteur,

Signé BUONAPArte.

On nous a envoyé de Rennes une prétendue lettre pastorale d'un nommé Claude Le Coz, se disant évêque d'Isle et Vilaine, qui ordonne, je ne sais à qui, un Te Deum, en actions de graces des victoires de la république. Il a voulu imiter en cela le presbytere de Paris qui a fait aussi la même ordonnance, en vertu de je ne sais qui, et signée de je ne sais qui. Le presbytere de Paris n'a été au moins que ridicule, il n'a pas été impie. Il étoit réservé à Claude Le Coz de réunir les deux qualités à-la-fois. Sa soi-disante pastorale est tellement scandaleuse, qu'elle enchérit sur tout ce que nos fanatiques irréligieux ont vomi d'outrages jusqu'à présent contre le Souverain Pontife. Cependant une pareille audace nous a causé encore plus d'indignation que de surprise. C'est le ton, depuis quelque temps, des évêques patriotes. Depuis sur-tout que Rome étoit menacée, ils ne se possédoient plus de joie. On dit même que la nouvelle de la paix conclue

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