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No XVIII.

Extrait du discours prononcé par lord Castlereagh, dans la séance du 7 avril, de la chambre des communes du royaume uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

Lord Castlereagh, en appelant l'attention de la chambre au message qui venoit d'être lu, déclara qu'à aucune époque de sa vie politique, il n'avoit senti plus profondément l'importance des considérations qui devoient résulter des événemens récemment arrivés. Ses efforts dans les derniers temps avoient eu pour objet de ramener l'Europe à cet ancien système social qui avoit été détruit par de grandes convulsions; d'établir une masse d'états indépendans , dont chacun seroit assez fort pour maintenir un équilibre, et pour empêcher une nation militaire d'exercer ces pillages, ces dévastations et ces envahissemens qui avoient fait le malheur du monde pendant les vingt dernières années.

Personne ne peut nier que dans ce moment les efforts unis de toutes les puissances ne. soient nécessaires; car si un système militaire est rétabli sous un chef dont l'autorité est fondée sur l'attachement de l'armée, il est clair

que ce chef et cette armée troubleront de nouveau la tranquillité de l'Europe, et lui infligeront une seconde fois toutes les calamités dont elle vient d'être délivrée. Le noble lord sent qué les considérations auxquelles cet important sujet doit donner lieu, c'est-à-dire le choix entre la paix et la guerre, sont d'un poids effrayant; mais que néanmoins il ne croit pas devoir présenter à l'attention de la chambre toutes celles qui naissent du sujet. Il seroit à blâmer s'il précipitoit les résolutions du conseil sans écouter l'opinion du parlement; et comme la chambre n'est pas dans le cas de prendre en considération particulière la prérogative de la couronne, relativement à la paix ou à la guerre, il suivra volontiers l'avis de M. Ponsonby, en s'abstenant d'émettre une opinion sur la manière dont la crise actuelle devra se terminer. Il croyoit cependant que les événemens qui sont récemment arrivés, et qui sont directement contraires aux engagemens pris par les traités de Paris et de Fontainebleau, fournissoient à ce gouvernement et à ses alliés un bon et juste motif de guerre avec la France; que ces événemens exigeoient tous les efforts et tous les préparatifs possibles; et

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qu'il falloit prendre, de concert avec les alliés, les mesures les plus vigoureuses; que la nature de ces mesures à concerter devoit être prise plus tard en considération par le gouvernement; et que, sans doute, la chambre étoit trop sage pour demander aux ministres de révéler les délibérations qui pourroient influer sur leurs conseils. Dans ces circonstances il se borneroit à deux points; savoir, que les

derniers événemens avoient tellement mis l'Europe en danger, qu'il étoit impossible à l'Empire britannique de ne pas s'armer, et qu'il étoit également impossible de ne pas agir de concert avec les alliés pour rétablir la tranquillité en Europe. Dans cet état de choses, il étoit persuadé que la chambre seroit disposée à adop

ter les mesures nécessaires en se réservant le droit d'entamer plus tard les discussions que les circonstances pourroient exiger. Il croyoit devoir passer de suite à quelques éclaircissemens propres à détromper le public sur certains points. On a cru que l'arrangement de Fontainebleau avoit été fait par pure générosité envers un ennemi qui étoit au pouvoir des alliés, et que par conséquent les alliés avoient agi avec peu de sagesse et de prudence en ac

cordant à Buonaparte, par principe de générosité, un asyle à l'île d'Elbe, dont il pouvoit abuser.

Napoléon ne revient pas après une réquisition quelconque, mais sur le seul principe d'un droit qui, selon lui, résulte de son ancienne autorité. Quelle que soit l'erreur qui ait été commise, elle est l'effet de la générosité nationale, et Buonaparte est bien persuadé que le parlement d'Angleterre ne condamnera pas légèrement une pareille erreur. Il savoit qué les François, ainsi que toute autre nation, avoient le droit de s'attendre à une conduite généreuse de notre part, s'ils ne se plaçoient pas eux-mêmes dans une situation où il nous seroit impossible d'être généreux envers eux sans être injustes envers notre propre pays. La France n'a pas à se plaindre de nous; on lui a laissé ses anciennes frontières, qui ont même reçu par-ci par-là quelque augmentation; on ne lui a imposé aucune contribution onéreuse; elle a même conservé ses monumens, résultat de ses pillages dans tous les autres pays. Cependant il ne pouvoit pas dire, qu'au moment où le traité de Fontainebleau fut conclu, l'état de choses étoit tel, qu'une guerre prolongée auroit dû mettre Buonaparte au pouvoir des

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alliés. Il auroit pu prolonger la guerre dans la partie méridionale, peut-être pendant un temps considérable. Quant aux bases de ce traité, le noble lord n'avoit à ce sujet aucune responsabilité personnelle : on en étoit convenu avant son arrivée à Paris. L'Empereur de Russie avoit considéré un pareil traité comme acceptable, de sorte qu'il ne peut être regardé comme un acte purement de générosité, mais en même temps comme une mesure politique. Le fait est que lorsque Buonaparte fut retourné dans les environs de Paris, il étoit à la tête d'un corps considérable de troupes qui lui étoit dévoué. L'Empereur de Russie craignoit aussi que dans le cas d'une guerre prolongée, beaucoup d'autres corps françois ne se joignissent à lui. On n'étoit pas non plus assuré des dispositions de l'armée que le maréchal Marmont avoit paralysée. Le gouvernement provisoire avoit approuvé cet arrangement, dans la persuasion qu'il seroit très-difficile d'en obtenir un meilleur. Le noble lord, à son arrivée à Paris, l'affaire étant déjà arrangée, avoit bien fait des observations sur le danger de laisser un tel homme dans le voisinage de son ancien empire, et si près d'un autre pays, qui avoit peutêtre les mêmes sentimens pour lui; mais con

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