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SCENE V.

SGANARELLE, seul.

Il est bon quelquefois de ne point faire semblant d'entendre les choses qu'on n'entend que trop bien; et j'ai fait sagement de parer la déclaration d'un desir que je ne suis pas résolu de contenter. A-t-on jamais rien vu de plus tyrannique que cette coutume où l'on veut assujettir les peres, rien de plus impertinent et de plus ridicule que d'amasser du bien avec de grar ds travaux, et élever ane fille avec beaucoup de soin et de tendresse, pour se dépouiller de l'un et de l'antre entre les mains d'un homme qui ne nous touche de rien? Non, non; je me moque de cet usage, et je veux garder mon bien et ma fille pour moi.

SCENE V I.

SGANARELLE, LISETTE.

LISETTE, courant sur le théâtre, et feignant de ne pas voir Sganarelle.

Ah! malheur! ah! disgrace! Ah! pauvre seigneur Sganarelle, où pourrai-je te rencontrer?

SCANARELLE, à part.

Que dit-elle là ?

LISETTE, Courant toujours.

Ah! misérable pere, que feras-tu quand tu sauras cette nouvelle ?

SGANARELLE à part.

Que sera-ce?

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LISETTE.

Ma pauvre maîtresse!

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Monsieur, ne pleurez donc point comme cela, car

Vous me feriez rire.

SCANARELLE.

Dis donc vite.

LISETTE.

Votre fille, toute saisie des paroles que vous lui avez dites, et de la colere effroyable où elle vous a ́vu contre elle, est montée vîte dans sa chambre, et, pleine de désespoir, a ouvert la fenêtre qui regarde sur la riviere.

Hé bien?

SGANARELLE.

LISETTE.

Alors levant les yeux au ciel: Non, a-t-elle dit, il m'est impossible de vivre avec le courroux de mon pere; et, puisqu'il me renonce pour sa fille, je veux

mourir.

Elle s'est jetée ?

SGANARELLE.

LISETTE.

Non, monsieur : elle a fermé tout doucement la fenêtre, et s'est allée mettre sur le lit. Là, elle s'est prise à pleurer amèrement; et tout d'un coup son visage a pâli, ses yeux se sont tournés, le cœur lui a manqué, et elle est demeurée entre mès bras.

SGANARELLE.

Ah! ma fille! Elle est morte?

LISETTE.

Non, monsieur. A force de la tourmenter, je l'ai fait revenir; mais cela lui reprend de moment en moment, et je crois qu'elle ne passera pas la journée.

SGANARELLE.

Champague, Champagne, Champagne.

SCENE VII.

SGANARELLE, CHAMPAGNE, LISETTE.

SGANARELLE.

Vite, qu'on m'aille quérir des médecins, et en

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quantité. On n'en peut trop avoir dans une pareille aventure. Ah! ma fille! ma pauvre fille!

SCENE VIII.

PREMIERE ENTRÉE.

Champagne, valet de Sganarelle, frappe en dansant aux portes de quatre médecins.

SCENE IX.

Les quatre médecins dansent, et entrent avec cérémonie chez Sganarelle.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCENE I..

SGANARELLE, LISETTE.

LISETTE.

Que voulez vous donc faire, monsieur,

de quatre

médecins? N'est-ce pas assez d'un pour tuer une per

sonne?

SGANARELLE.

Taisez-vous. Quatre conseils valent mieux qu'un.

LISETTE.

Est-ce que votre fille ne peut pas bien mourir sans le secours de ces messieurs-là ?

SGANARELLE.

Est-ce que les médecins font mourir?

LISETTE.

Sans doute; et j'ai connu un homme qui prouvoit, par de bonnes raisons, qu'il ne faut jamais dire, Une telle personne est morte d'une fievre et d'une fluxion sur la poitrine; mais, Elle est morte de quatre médecins et de deux apothicaires.

SGANARELLE.

Chut! n'offensez pas ces messieurs-là.

LISETTE.

Ma foi, monsieur, notre chat est réchappé depuis peu d'un saut qu'il fit du haut de la maison dans la rue, et il fut trois jours sans manger, et sans pouvoir remuer ni pied ni patte; mais il est bien heureux dé ce qu'il n'y a point de chats médecins, car ses affaires étoient faites, et ils n'auroient pas manqué de le purger et de le saigner.

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