Images de page
PDF
ePub

sur les produits nets. Se livrant à leurs calculs assez approximatifs, et estimant que les dépenses de personnel, de matériel et les frais généraux absorbent ou doivent absorber 50 p. 100 des encaissements nets de la compagnie, une fois payée la redevance à l'Etat, nos confrères espagnols considèrent que les produits nets de l'entreprise doivent être de 1270 000 pesetas environ; ce qui, d'après eux, correspondrait à 15 p. 100 du capital immobilisé. Celui-ci est en effet évalué par eux à 8 300 000 pesetas, dont 3 millions 1/2 rien que pour Barcelone, 1800'000 francs, ce qui est faible, pour Madrid, et 3 millions par conséquent pour les autres réseaux secondaires. De la sorte, ils arrivent à un rendement de 90 p. 100 pour ces derniers réseaux, de 29 pour Madrid, de 12 pour Barcelone. Ils estiment tout cela très vraisemblable, en affirmant, peut-être avec quelque exagération, que le rendement d'un réseau téléphonique augmente avec la population, tandis que les dépenses sont loin d'augmenter en proportion parallèle. Bien entendu, le chiffre qu'ils ont trouvé du rendement du réseau de Madrid les amène à réclamer plus que jamais la diminution du tarif, qui est évidemment élevé, alors que sa redevance à l'Etat est beaucoup plus faible que pour Barcelone, où d'ailleurs le tarif est relativement minime. On ne peut pas obliger légalement la compagnie à réduire ses tarifs là ou elle ne veut pas; mais on estime que l'intérêt public est mal servi. La question est de savoir si, au point de vue de la qualité des services, un monopole d'Etat vaudrait beaucoup mieux qu'un monopole particulier.

P. de M.

MOUVEMENT SCIENTIFIQUE

ET INDUSTRIEL

L'industrialisation de la guerre, l'utilisation criminelle par les Allemands des procédés techniques perfectionnés. L'aluminothermie et les pastilles ou bombes incendiaires. Les pulvérisateurs et l'incendie volontaire. Produits asphyxiants empoisonnés corrosifs; gaz, obus asphyxiants. Utilisation des produits industriels les plus courants. L'économie dans l'emploi du combustible minéral. La dilapidation dans l'extraction comme dans la combustion. L'importance de la consommation et du prix du combustible dans le prix des produits fabriqués. La surveillance des foyers, les appareils mécaniques ou de contrôle; suppression des fumées. Utilisation de sous-produits par intermédiaire de la gazéification.

On a pu voir depuis plus d'une année, et nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, quelque peu ici et aussi dans un livre spécial ', combien la guerre s'est industrialisée : c'est-à-dire comment elle a profité à tous égards du progrès industriel qui résulte lui-même du progrès scientifique, comment elle a mis à contribution les résultats obtenus par toutes les sciences appliquées. C'est une règle générale pour l'outillage et les procédés de guerre, même de la part des nations civilisées. Pour l'Allemagne, avec sa méthode, qu'elle pousse non pas seulement à l'absurde mais encore au monstrueux, cette vérité est encore bien plus manifeste; car elle a voulu s'armer aussi complètement que possible pour l'industrie de la guerre autant que pour ses autres industries. Et comme, avec sa psychologie élémentaire, elle croit qu'il suffit de commettre des horreurs, de détruire, de recourir à des procédés de sauvages savants pour amener promptement la guerre à une terminaison, elle a utilisé une foule de ses

1. Voir le volume la Guerre, conférences faites à l'École des sciences politiques. (Librairie Félix Alcan.)

progrès scientifiques et industriels à des procédés de guerre que, d'après les conventions de la Haye, on peut appeler criminels.

Dans les circonstances présentes, et quoique aucune nation civilisée ne puisse pratiquement tirer parti de cet exemple pour organiser dans l'avenir de meilleurs instruments ou procédés de défense, il est vraiment curieux de montrer les applications guerrières et criminelles des trouvailles plus ou moins récentes de la technique et de l'industrie.

Ceux de nos lecteurs qui veulent bien suivre depuis longtemps ce Mouvement scientifique périodique, se rappellent peut-être qu'il y a déjà plusieurs années nous avions signalé un procédé industriel très curieux, parfaitement pratique et qui a rendu de grands services industriels, celui de l'aluminothermie. Il a été inventé par un industriel et chimiste allemand, docteur comme tous ses pareils, M. Gold schmidt, d'Essen, du centre tout désigné pour une application militaire ultérieure d'une simple découverte technique. Cette aluminothermie a servi fréquemment, même dans les rues de Paris, à former des soudures, des jonctions intimes entre les rails successifs des voies de tramways; il y a quelque deux années on voyait couramment exécuter ce travail sur les principales voies électriques, ou plutôt électrifiées, de la Compagnie générale des omnibus, afin de donner une continuité électrique et métallique absolue à la suite des rails placés les uns au bout des autres, en vue du retour du courant. L'aluminothermie, précisément parce qu'elle permet des soudures rapides homogènes, est utilisée fréquemment pour utiliser des pièces métalliques diverses; elle permet sur place de refaire des portions manquantes à tel ou tel organe métallique; elle a été utilisée fréquemment pour des réparations à des gouvernails, à des hélices de navires, ceux-ci n'étant immobilisés que fort peu de temps au bassin de carénage et de réparation par suite de la rapidité du travail ainsi effectué sans démontage. La base du procédé résulte de l'emploi d'une substance combinée et imaginée sur une observation chimique très intéressante par M. Goldschmidt, le thermit. Il a pu remarquer que, si l'on ajoute de l'aluminium pulvérulent à une préparation métallique renfermant naturellement de l'oxygène, il suffit d'allumer très simplement ce mélange eu un point de sa masse pour qu'il se mette à brûler par suite d'une combinaison chimique, et que, en brûlant, il fournisse une température extrêmement élevée. Avec cette simple préparation on combine une sorte de four à haute température analogue à un four électrique, en pouvant appliquer cette température extrêmement élevée et un point déterminé, ce qui fait fondre le métal de l'organe à réparer et ce qui donne une véritable soudure autogène que l'on peut compléter par apport de métal. Généralement

le mélange en question est fait d'oxyde de fer et d'aluminium em poudre. Cette aluminothermie n'est pas seulement utilisée pour le soudage des métaux, notamment du fer, pour les réparations que nous indiquions tout à l'heure, pour la réfection de dentures d'engrenage cassées. On emploie souvent le thermit uniquement pour fournir de la chaleur, pour traiter des métaux dits réfractaires comme le chrome, le manganèse, le tungstène, le titane, le vanadium, métaux pour le traitement desquels il faut des élévations de température énormes; grâce au thermit et à l'aluminothermie, on peut additionner le fer ou l'acier de ces métaux réfractaires, et obtenir des alliages métalliques dont nous avons eu occasion de parler ici aussi et qui sont précieux dans la métallurgie, la fabrication des ma-chines, etc.

Les Allemands se sont dit qu'il serait vraiment malheureux de ne pas utiliser militairement un produit pouvant instantanément donner des températures énormes en se contentant de se faire allumer à l'aide d'une simple allumette; et ils ont considéré au point de vue pratique, dans la guerre de terrorisation qu'ils avaient le ferme propos de poursuivre, que le thermit permettrait de produire des incendies avec une merveilleuse facilité, de détruire quasi instantanément d'importantes agglomérations de maisons, au besoin avec les civils qui y demeureraient. Par suite même de la température extrêmement élevée qui est presque instantanément engendrée par la combustion du thermit, les charpentes métalliques même fondent ou tout au moins se courbent, se plient, les constructions s'effondrent; le résultat est vraiment admirable, kolossal même. D'ailleurs, pour cette application nouvelle et aussi peu industrielle que possible, les Allemands ont perfectionné encore le thermit; afin de lui assurer un allumage et une combustion plus faciles, ils l'ont souvent additionné de peroxyde de baryum, produit métallique contenant une forte proportion d'oxygène et par suite facilitant la combustion, par définition même. Ils ont également utilisé le thermit avec addition d'oxyde de cuivre ou de bioxyde de manganèse, qui, eux aussi, peuvent facilement fournir de l'oxygène à la poudre d'aluminium en aidant dans cette besogne l'oxyde de fer qui se trouve normalement dans le thermit. Il va sans dire qu'il n'est point très aisé, autant que les troupes ennemies vous en laissent le loisir, de combattre un incendie suscité par une élévation de température de la nature de celle que donne ce procédé aluminothermique.

Notons en passant que l'on a prétendu tirer parti de cette aluminothermie de sauvages à un autre égard, dans la lutte contre les navires de guerre. Il paraîtrait que les fameuses usines hongroises Skoda, qui ont fabriqué les énormes obusiers autrichiens, auraient combiné des

obus aluminothermiques destinés à être lancés sur les navires cuirassés ou au contact des ponts cuirassés de ces bateaux. La combinaison se produirait grâce à un procédé d'inflammation du reste très simple; l'élévation de quelque 3 000 degrés que peut fournir le thermit agirait rapidement sur le blindage, le fondrait, y ferait un trou plus ou moins large, qui permettrait ensuite aux obus ordinaires de se frayer un chemin jusqu'à l'intérieur du cuirassé. Il est vrai que l'aluminothermie a été souvent employée pour fondre partiellement des blindages, pour les traiter dans diverses circonstances. Nous ne savons pas si, dans la pratique, les nouveaux obus Skoda ont donné un résultat quelconque.

On comprend qu'avec un procédé du genre il est facile de préparer des pastilles, des sortes de comprimés savamment préparés, et auxquels le nom de M. Ostwald demeura associé comme une flétrissure pour ce chimiste, grâce auxquels on peut aisément jeter à l'intérieur des maisons de quoi les enflammer rapidement, les détruire, ruiner une ville ou tout au moins toute une rue en quelques instants. Les << Barbares savants » ont au reste imaginé toute une organisation (ce qu'ils considèrent comme le maximum de la civilisation sous toutes ses formes) pour faciliter le commencement des incendies et leur développement. Ils ont doté certaines équipes de leurs soldats de pulvérisateurs qui rappellent assez bien en apparence, sinon par leur rôle, les appareils de pulvérisation que péniblement nos vignerons transportent sur leur dos pour lancer le sulfate de cuivre, la bouillie bordelaise, etc., sur les vignes à protéger des champignons et des insectes destructeurs. Ici, l'Allemand méthodique, destructeur et sauvage, a rempli le pulvérisateur d'un mé'ange à base d'essence de pétrole; et c'est ce mélange qui était lancé contre les murs des maisons, à l'intérieur comme à l'extérieur pour en faciliter l'incendie total. Il y a même des équipes de pompes montées sur véhicule automobile, comme une grande partie du matériel de l'armée allemande, et où une forte pression permet de lancer du pétrole jusque sur le toit des constructions. On avouera que c'est la méthode et l'organisation poussées à l'extrême dans un but de barbarie. Mais c'est bien aussi la mise à contribution non moins méthodique des connaissances scientifiques, de tous les progrès techniques et industriels; c'est la réponse de la pompe incendiaire automobile à la pompe automobile de défense contre l'incendie!

La mise à contribution du progrès industriel et en particulier de cette aluminothermie dont nous rappelions tout à l'heure les services pacifiques s'est faite également pour les bombes, non pis militaires, mais civiles, pourrait-on dire, que les Allemands réservent aux agglomérations dans lesquelles il s'agit non point de lutter contre des

« PrécédentContinuer »