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CHEMINS DE FER PÉRUVIENS

Comme nous le disions récemment en signalant une revue commerciale, sous l'influence des États-Unis de l'Amérique du Nord, qui commence à se publier au Callao, ce pays est vraiment trop peu connu des Français, qui pourtant pourraient y trouver une clientèle importante, et il serait bon de remédier à la situation, à un moment où les États-Unis, par l'intermédiaire de la Revista comercial, fondée sous leurs auspices, essayent de quelque peu monopoliser le marché au profit des Américains du Nord. C'est précisément cette Revista comercial qui publiait tout récemment une étude assez bien faite sur les chemins de fer péruviens, tout au moins les voies ferrées du Sud.

Ce réseau du Sud s'étend depuis le port de Mollendo jusqu'à Puno sur le lac Titicaca. Et, de ce point, les vapeurs de la Peruvian Corporation circulant sur le lac relient le réseau à la ligne de Guaqui à la Paz, avec la capitale de la Bolivie par conséquent. Ce parcours est particulièrement intéressant, et au point de vue pratique et au point de vue historique; on passe notamment dans cette région de Cuzco où avait été créée la capitale des Incas, la métropole du Pérou d'abord où étaient accumulées des richesses de toutes sortes et des manifestations d'une véritable civilisation. Les steamers amenant les voyageurs au Pérou atteignent généralement Mollendo de très bonne heure le matin; si bien qu'on a le temps de se procurer les billets de chemins de fer, de faire un tour dans la ville, de déjeuner avant le départ du train unique quotidien, départ qui se fait à une heure de l'après-midi. C'est Arequipa qui constitue le terme de la première partie du voyage, cette ville se trouvant à 172 kilomètres de la côte, dans une magnifique vallée verdoyante, alors que tout le voyage, depuis le littoral. jusque-là, s'est fait à travers un désert aride. On se trouve déjà à une altitude de quelque 2 300 mètres, et le néophyte fait bien de s'arrêter une couple de jours pour se mettre à l'abri de tout trouble physique résultant d'une montée trop rapide vers les altitudes supérieures. Le prix du voyage de Mollendo jusqu'à Arequipa est de 10 soles, autant dire 15 francs. D'ailleurs, le train parti de la côte ne fait son arrêt de nuit qu'à Juliaca, qui est un embranchement d'où partent deux lignes, l'une vers le nord et l'autre vers le sud. La première traverse le plateau supérieur jusqu'à atteindre le pied des glaciers, à quelque 4 200 mètres, puis elle redescend à Sicuani et court parallèlement à la rivière Vilcanota pour aller se terminer à Cuzco. La ligne méridionale partant de l'embranchement de Juliaca se termine à Puno, sur le

1. Numéro de juillet 1915.

lac Titicaca. Le transport des passagers sur ce lac immense et jusqu'à la rive bolivienne est assuré par des steamers très puissants, d'un millier de tonnaux de jauge, particulièrement confortables; la traversée complète du lac demande douze heures.

Une autre voie ferrée intéressante de la région est le chemin de fer de Paita à Piura, ligne à voie large, de près d'une centaine de kilomètres de long, traversant une région très fertile, célèbre pour sa production énorme de coton de belle qualité et pour la fabrication des chapeaux dits de Panama. Il est bon de se rappeler que Paita est un des ports les plus septentrionaux du Pérou, très important au point de vue des exportations comme des importations, sorte de port naturel offrant de grandes facilités de débarquement. Des champs de pétrole et des dépôts de soufre très riches se trouvent dans le voisinage; les terres y sont en abondance et peuvent être mises en culture. Ce qui accuse bien le peu d'activité des chemins de fer péruviens, c'est que, sur la ligue en question, il n'y a même pas un train quotidien. Pour aller à Piura, on dispose, à une heure de l'après-midi le lundi, le mercredi, le vendredi, et à deux heures de l'après-midi le samedi, d'un convoi qui retourne le mardi, le jeudi, le samedi et le dimanche à huit heures du matin. Le tarif appliqué est de 2, 91 soles pour le trajet entier, tandis que le parcours de Mollendo à Cuzco coûte 48, 84 soles. A Paita comme à Piura, on trouve des hôtels bien installés. Puira, qui est la première ville créée jadis par les Espagnols dans cette région, compte une population industrieuse de quelque dix mille âmes. Le chemin de fer bénéficie aussi de l'activité de Catacaos, où la culture du coton se répand très facilement et les fabriques de chapeaux de Panama produisent annuellement quelque deux cent soixante mille chapeaux. Un centre de production cotonnière dans la région desservie est également Sullana.

Il faut signaler ensuite le chemin de fer de Trujillo, qui a son terminus littoral au port de Salaverry, port assez bien doté au point de vue des facilités d'embarquement ou de débarquement; un trafic important s'y fait principalement sous la forme des sucres venus par la voie ferrée des grandes propriétés qui se trouvent dans les vallées de Chicama et de Santa-Catalina. Ici, le service est assez intense, puisque l'on compte notamment quatre trains quotidiens dans chaque sens, entre Salaverry et Trujillo; il y a de plus un service régulier de marchandises intense sur l'intérieur,

Citons ensuite le chemin de fer de Pacasmayo, qui réunit le port de ce nom aux villes de Guadalupe et de Chilete, respectivement de 42 et à 105 kilomètres ; cette ligne traverse une région consacrée principalement à la culture du riz; le port est assez bien organisé au point de vue des voies ferrées et des quais. Il y a un service régulier et quoti.

dien de trains sur Guadalupe et un service biheddomadaire sur Chilete, le tarif en première classe étant respectivement de 1, 20 et de 5 soles. C'est ensuite le chemin de fer de Chimbote. Chimbote est un port situé dans une des plus magnifiques rades naturelles qu'on rencontre au monde; il est relié au Callao par des vapeurs partant du Callao chaque jeudi, arrivant à Chimbote vers midi le samedi, tandis que les vapeurs de retour touchent à Chimbote à huit heures du matin le samedi. La voie ferrée en question s'enfonce de 57 kilomètres dans les terres jusqu'à Tablones; le prix du voyage est de 3, 40 soles. La région est extrêmement fertile, donnant du sucre en abondance, du coton, du riz, même des raisins.

Il ne faut pas oublier le chemin de fer de Pisco à Ica, de quelque 75 kilomètres de développement; il forme porte de sortie pour les trois départements de Ica, de Ayacucho et de Huancavelica; au reste Pisco est un des ports péruviens les plus anciens. La région est surtout vinicole; on y trouve également des stations thermales. Indiquons pour finir le chemin de fer de Ilo à Moquegua, qui a une centaine de kilomètres de développement, et qui met en communication la portion la mieux dotée du département de Ilo avec Moquegua, capitale de la province du même nom. La région traversée est tout à fait agricole et de grande production; elle fournit du vin, des olives, de l'huile d'olive.

H. B.

NÉCROLOGIE

LORD WELBY

Lord Welby est mort le 30 octobre. A le voir d'esprit si libre et si alerte, à l'entendre causeur si charmant et si intéressant, on ne se doutait pas qu'il fût né en 1832.

Elève d'Eton, il alla ensuite à Cambridge où il se lia d'une étroite amitié avec le duc de Devonshire et Lord Bristol.

Par l'influence de relations qui décidèrent de sa vocation, il entra au Treasury en 1856. Gladstone était, pour la première fois, chancelier de l'Echiquier depuis trois ans. En 1859, il devint secrétaire particulier du ministre et, en 1871, Principal clerk in the financial department, et, au moment de la retraite de Lord Lingen, en juin 1885, il le remplaça comme Permanent secretary to the Treasury. Il garda cette position jusqu'en 1894.

De 1871 jusqu'à la date de sa retraite, son action dans la direction du « Treasury » fut prépondérante. Sous les dehors les plus aimables, il représentait une politique d'économie farouche. Un jour lord Salisbury, premier ministre, attaqua l'administration du Trésor. Son collègue, le chancelier de l'Echiquier, envoya le « Whip » lui demander des explications. Lord Salisbury répondit :

Ce n'est pas le « Treasury » que j'ai attaqué, mais l'insupportable Welby.

Le « Whip » lui répondit que depuis deux ans le susdit Welby avait pris sa retraite et siégeait à la Chambre des lords.

Mais il avait laissé sa tradition au Treasury.

Travailleur infatigable, il n'a cessé de faire des efforts pour assurer en pratique la politique de retrenchment, grâce à laquelle le parti libéral anglais, sous la direction de Gladstone, Cobden et Bright, a pu assurer des finances prospères, des dégrèvements et un amortissement considérable de la dette. Les événements actuels prouvent combien le nouveau parti libéral a eu tort d'y renoncer en 1906: et cependant,

tous les Anglais doivent se féliciter aujourd'hui des ressources que cette politique leur a assurées.

Sa retraite prise, Lord Welby ne se contenta pas de siéger à la Chambre des lords. Il entra en 1898 au « London County Council ». Il en devint président en 1899 et, pendant de longues années, il fut président du Comité des finances. S'il ne parvint pas à lui inspirer l'esprit d'économie, il l'arrêta sans doute dans certaines prodigalités. Il dépensa une partie de son activité, comme président du Cobden Club, à combattre les tariff Reformers et là encore, les événements actuels prouvent combien l'Angleterre a eu raison de mettre, à partir du milieu du dix-neuvième siècle, sa politique économique en harmonie avec les progrès de l'industrie et des transports: car cette politique a assuré sa suprématie financière.

Au moment de sa mort, Lord Welby était président de la Royal Statistical Society.

Tous ceux qui l'ont connu regrettent de ne plus pouvoir le retrouver: mais il leur laisse un souvenir et un exemple précieux. Il a lutté pour des vérités que des passions, provenant d'intérêts étroits et d'ignorances profondes, peuvent obscurcir et empêcher d'être appliquées par les groupes politiques. Mais elles survivent aux défaites comme les vérités scientifiques ont survécu aux anathèmes. L'inquisition peut condamner Gassendi: E pur si muove! Des gouvernements peuvent obliger les individus à leur livrer les ressources qu'ils ont acquises par leur travail et leur prévoyance; ils peuvent faire une partie des individus d'une nation tributaires d'une autre partie. Ils provoquent des perturbations et ils arrêtent le progrès. Qu'importe ? La liberté aura sa revanche. Le monde entier subit aujourd'hui les effets de l'impérialisme économique. Où est donc l'homme assez audacieux pour affirmer qu'ils ne sont pas suffisants pour le condamner? Y. G.

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