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de Fo. Impoftures

Le Docteur n'ignora pas long-temps la caufe de l'absence de sa fille : il fut qu'elle étoit entrée dans le pa- Partage de la Secte gode, & qu'elle y avoit difparu. Il la réclama; les Bon- & charlatanisme zes répondirent à toutes fes demandes, qu'il étoit bien des Bonzes. vrai qu'elle avoit vifité le pagode, mais qu'elle en étoit fortie après avoir fait fa priere. Le Docteur, élevé dans le mépris pour les Bonzes, comme le font tous les Lettrés, s'adressa au Général des Tartares de cette Province, & lui demanda juftice contre les raviffeurs de fa fille. Les Bonzes, qui s'imaginoient trouver dans ces deux hommes une confiance aveugle, leur apprirent mystérieufement que le Dieu Fo, étant devenu amoureux de la jeune perfonne, l'avoit enlevée. Le Bonze, auteur du rapt, voulut ensuite, par une harangue pathétique, faire comprendre au Docteur combien Fo faifoit d'honneur à toute fa famille, en jugeant fa fille digne de fa tendreffe & de fa fociété. Mais le Général Tartare ne

fe paya point de toutes ces fables : s'étant mis à parcourir le pagode, & à en examiner les réduits les plus cachés, il entendit quelques cris confus fortir du fond d'un rocher; il s'avança vers ce lieu, & apperçut une porte de fer qui fermoit l'entrée d'une grotte. L'ayant fait rompre, il defcendit dans un lieu fouterrain, où il trouva la fille du Docteur & plus de trente autres femmes qu'on y avoit renfermées. Elles fortirent de leur prison & du pagode; auffi-tôt après, le Général fit mettre le feu aux quatre coins de cet édifice, & brûla le temple, Ies autels, les Dieux & leurs infames Ministres.

Malgré l'engouement pour les fuperftitions régnantes, l'état de Bonze eft affez généralement méprifé à la Chine.

Partage de la Secte de Fo. Impoftures

des Bonzes.

La plupart de ces charlatans fanatiques font tirés de la lie du peuple. Pour fe recruter & perpétuer leur Secte, & charlatanisme ils achetent de jeunes enfans qu'ils endoctrinent pendant quinze ou vingt ans, & auxquels ils révelent toutes les fubtilités qui peuvent rendre leur métier fructueux ; ceux-ci leur fuccedent dans la fuite, & transmettent eux-mêmes leurs connoiffances aux petits Bonzes qu'ils forment à leur tour. Ils font prefque tous fort ignorans, & la plupart fe trouveroient très-embarraffés, fi l'on exigeoit d'eux qu'ils rendiffent un compte exact & précis de la véritable doctrine de leur Secte.

Quoiqu'ils ne foient point affujettis à une hiérarchie réguliere, ils reconnoiffent cependant parmi eux des fupérieurs, qu'ils appellent Ta-ho-chang, ou Grands Bonzes; ce rang affure à ceux-ci une confidération particuliere, & la premiere place dans les affemblées religieufes où ils fe trouvent. Il est des Bonzes de toutes conditions: les uns font uniquement destinés à la quête; quelques autres, plus exercés dans l'art de bien dire, & qui ont acquis quelque connoiffance de la Littérature Chinoise, font chargés de vifiter les Lettrés, de s'infinuer dans les maifons des Grands; les vieillards, que leur âge & un extérieur grave & compofé rendent vénérables, font employés auprès des femmes; ce sont eux qui président leurs affemblées, qui, quoique rares, ont lieu dans quelques Provinces.

Ces coteries pieufes font très-lucratives pour les Bonzes. Elles font ordinairement compofées de quinze, vingt ou trente dames, la plupart d'un état distingué, riches, âgées, ou veuves. Une d'entre elles eft élue Supérieure

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pendant un an; c'eft chez elle que se tient l'affemblée,

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& toutes contribuent aux dépenfes qu'occafionnent la Partage de la Seite. décoration de l'oratoire, la célébration de certaines fêtes, & charlatanisme & l'affiftance des Bonzes.

Dans les affemblées qui n'ont rien d'extraordinaire, on appelle un Bonze, presque toujours vénérable par fon âge. Il entre dans la chapelle, où toutes les dévotes font réunies, & il entonne les antiennes du Dieu Fo. Enfin, après avoir longuement crié O-mi-to, Fo! & s'être bien étourdi par le charivari de plufieurs petits chaudrons fur lefquels on frappe, on se met à table, & un bon repas termine gaîment les exercices de cette dévotion bruyante. Mais ces fortes de fêtes ne font que du rit commun.

Aux jours plus folennels, on pare l'oratoire de plufieurs idoles; les Bonzes le décorent d'un grand nombre de tableaux, où font représentés, fous cent aspects différens, les divers fupplices de l'enfer. On invite un Grand Bonze, qui vient accompagné de toute fa fuite de Ministres inférieurs. Les prieres & les feftins durent sept jours. Un des foins les plus importans qui occupent l'affemblée pendant ces fept jours, eft celui de préparer & de confacrer les tréfors pour l'autre monde. Voici la maniere dont on procede à cette mystérieuse opération. On commence par construire un petit édifice, en papier peint & doré. Cet ouvrage eft exécuté felon toutes les regles de l'architecture Chinoife, & il n'y manque aucun des uftenfiles, ameublemens, commodités qui fe trouvent dans une grande & riche maison. On remplit ce petit palais d'un grand nombre de boîtes peintes & verniffées; c'eft dans ces boîtes que font dépofés les lin

des Bonges.

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Partage de la Secte

des Bonzes.

gots d'or & d'argent, c'est-à-dire, des morceaux de pade Fo. Impostures picr doré. Une centaine de ces petites caiffes font def& charlatanisme tinées à rédimer l'ame du défunt ou de la défunte, des fupplices auxquels l'impitoyable Roi des enfers condamne ceux qui n'ont point de tréfors à lui offrir. Une vingtaine de ces boîtes eft auffi mife en réserve pour gagner les gens du tribunal de ce terrible Dieu des Ombres. La maison, ses ameublemens, les richesses qu'elle renferme, ont auffi leur but d'utilité : tout cela fert à fe loger dans l'autre monde, à s'y former un établiffement par l'acquifition de quelque charge importante. Toutes les richesses, dépofées dans ces petites caisses, font mises fous la garde d'un cadenas de papier. On ferme enfuite le petit palais, & l'on en conferve foigneufement la clef. Lorsque la perfonne qui a fourni toutes les fommes néceffaires pour la conftruction de cet édifice, vient à mourir, on brûle le tout en cérémonie; avec la clef de la maison, on brûle auffi celles des petits coffres, afin que l'ame puiffe en retirer tous ces tréfors, qui ne font plus alors de simple papier, mais qui fe trouvent changés en lingots folides d'or & d'argent.

Il n'eft point de jour, de temps marqués pour ces fêtes; leur célébration dépend de la volonté de ceux & celles qui invitent les Bonzes; ils se rendent dans toutes les maisons où on les appelle, & en auffi grand nombre qu'on le défire. Mais on ne les fatisfait point avec la simple monnoie de papier doré.

Les hommes, réunis par certains genres de dévotion, tiennent auffi des affemblées particulieres. Les plus connues de ces efpeces de confréries, font celles des Jeûneurs, Tchang-tchai;

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Tchang-tchai; elles font préfidées par un Supérieur, qui rassemble ordinairement fous lui un grand nombre de Partage de la Sette disciples qu'on nomme Tou-ti. Ceux-ci donnent à leur & charlatanisme Maître le nom de Sfeë-fou, qui fignifie Docteur-Pere. Il ne des Bonzes. faut qu'un peu d'industrie & avoir quelque réputation de science ou de piété, pour parvenir à cette charge. A-t-on le talent d'expliquer un manufcrit indéchiffrable, qu'on aura confervé dans une famille depuis quelques générations; a-t-on le fecret de quelques prieres mystérieuses, par le moyen desquelles on puiffe produire des effets qui aient l'apparence de prodige? il n'en faut pas davantage pour être élevé à la dignité de Sfeë-fou, & fe voir suivi d'un grand nombre de difciples. Lorsque le Chef de ces Jeûneurs doit tenir fon affemblée, tous les éleves font avertis de s'y rendre, & aucun d'eux n'oferoit y manquer. Le fiége du Supérieur est placé dans le fond de la falle tous les confreres, en entrant, fe profternent à ses pieds, & vont se ranger ensuite à droite & à gauche fur deux lignes. Lorsque l'affemblée eft complette, on récite les prieres fecretes qui font particulieres à chacune de ces Confréries, & l'on finit par fe mettre à table. Ces Jeûneurs de la Chine ne font point, comme on pourroit l'entendre en Europe, des gens voués à l'abstinence prolongée de toute nourriture. Leur jeûne se réduit à s'interdire, pendant toute la vie, l'usage de la viande, du poiffon, du vin, des oignons, de l'ail, & de tous les alimens qui échauffent; mais ils fe réfervent la liberté de manger autant qu'ils veulent & à toutes les heures du jour. On fent que ces fortes de privations ne doivent point être fort pénibles à la Chine, où le peuple, en

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