Images de page
PDF
ePub

1

particuliers des Chinois.

CHAPITRE VII.

Divertiffemens particuliers des Chinois.

CE Chapitre fera court : les Chinois connoiffent plus de Divertiffemens devoirs que d'amusemens. C'est un peuple grave, qui ne devient gai que par ordre ou par ufage. Il a pourtant des Comédiens, des Pieces comiques, tragiques; mais point de théatre national & avoué du Gouvernement. La plupart de ces Acteurs font ambulans; ils vont chez qui peut les payer. Certain ballet Chinois nous amufa beaucoup il y a vingt ans; mais rien n'annonce que la danse existe à la Chine.

La chasse, dont la Noblesse d'Europe eft fi exclufivement jalouse, est à peu près un plaisir banal à la Chine. Quiconque veut en jouir seul, fait enfermer beaucoup de gibier dans un parc bien clos. Il eft permis à tout Laboureur de prévenir la destruction de ses moiffons par la mort de l'animal qui vient dévaster son champ.

La pêche est, pour les Chinois, un objet de commerce & d'industrie plutôt que d'amusement. Ils ont différentes manieres de pêcher; les filets leur fervent à prendre le poiffon dans les grandes pêches, & la ligne dans les pêches particulieres. On fe fert auffi, dans certaines Provinces, d'un oifeau qui reffemble affez au corbeau par le plumage; mais fon col & fon bec font fort longs; celui-ci eft aigu & crochu. On dreffe cet oiseau à la pêche du poiffon, à peu près comme on dreffe les chiens à la chasse du gibier.

Cette pêche se fait en bateau. On en voit, à cet effet, un grand nombre fur la riviere au lever du foleil. Les oiseaux pêcheurs font perchés fur la proue. Les Bateliers

[ocr errors]

font caracoler leurs nacelles fur la riviere, & enfuite ils
battent fortement l'eau avec une de leurs rames. Les
cormorans (car c'est le nom qui femble leur convenir)
fe jettent dans la riviere à ce signal; ils la partagent
entre eux, plongent, faififfent par le milieu du corps
le poiffon qu'ils rencontrent, remontent fur l'eau, &
portent leur capture chacun dans la barque d'où il est
parti. Le Pêcheur reçoit le poiffon, faifit l'oiseau, lui
renverse la tête en bas, & lui paffant la main fur le cou,
lui fait rejeter les petits poiffons qu'il avoit avalés, &
qui font retenus par un anneau qu'on a placé exprès pour
leur ferrer le gofier. La pêche finie, on leur ôte cet an
neau, & on leur donne à manger. Une chofe remar-
quable, c'est que fi le poiffon est trop gros, ces oifeaux se
prêtent mutuellement du fecours : l'un le prend par la queue,
l'autre par la tête; &, de cette maniere, ils le portent
directement à leur maître.

Autre forte de pêche, connue feulement des Chinois,
quoique fort fimple. Ils clouent d'un bout à l'autre, fur
les bords d'un long bateau très-étroit, une planche large
de deux pieds, enduite d'un vernis blanc, & bien luftrée:
cette planche s'incline en dehors d'une maniere imper-
ceptible, jufqu'à ce qu'elle foit prefque à fleur d'eau. On
n'en fait ufage que la nuit, & on la tourne du côté de
la lune, afin que la réflexion de fa lumiere en augmente
l'éclat. Les poissons, au milieu de leurs jeux, confondent
fouvent la couleur de la planche verniffée avec celle de
l'eau. Ils s'élancent de ce côté-là, & tombent dans la nacelle.

Les foldats ont auffi leur maniere de pêcher; c'est avec l'arc & la fleche. Celle-ci eft attachée à l'arc, tant pour ne pas la perdre, que pour s'en fervir à tirer le poiffon, quand la

Divertissemens particuliers des Chinois.

fleche l'a percé. D'autres se servent de tridents pour enlever Divertiffemens les grands poiffons qu'on trouve fouvent embourbés.

particuliers des

Chinois.

C'est-là, à peu près, tout ce qu'on peut dire des amufemens que fe permettent les Chinois. Ils ignorent les jeux de hasard & de commerce. Ils ont des Muficiens & des Chanteurs, comme nous avions autrefois des Troubadours, des Trouveres, des Méneftrels; mais ils font loin d'avoir un Opéra, ni aucun fpectacle régulier qui mérite de raffembler le Public. On ne s'amuse à la Chine qu'au gré des Rits: ce font eux qui ont réglé qu'il y auroit chaque année trois repas publics dans chaque ville des trois ordres. La Loi défigne jusqu'aux convives qui pourront y être admis. Ils doivent être ou des Docteurs d'une réputation intacte, ou des Mandarins, soit de robe, soit d'épée, qui se sont retirés, ou d'anciens Chefs du peuple, ou des citoyens d'une probité reconnue. C'est le premier Mandarin de chaque district qui doit préfider au banquet. La Loi a prévu également chaque article du cérémonial. Il a pour objet d'entretenir parmi les hommes de chaque contrée ces égards relatifs, qu'on oublie trop fouvent ailleurs; oubli qui enfante & tant d'inimitiés, & tant de rixes funeftes. Une chofe qui prouve que la gravité regne dans ces assemblées, c'est qu'au lieu d'y lire comme parmi nous, l'Epigramme ou le Madrigal du jour, on y lit quelques articles de Loix; & le Président ajoute, au nom & par ordre de l'Empereur: » Si on nous a af» femblés ici pour ce feftin folennel, ce n'est » pour que nous ayons le plaifir de boire & de manger » ensemble, que pour que nous nous animions & nous encouragions à signaler notre fidélité envers le Prince,

[ocr errors]

pas tant

>> notre

[ocr errors]

"notre amour pour nos peres & nos meres, notre ten» dreffe pour nos freres, notre déférence pour nos an» ciens, notre conftance pour nos amis, notre bon cœur » pour nos parens, & notre empreffement à conferver la » concorde & la paix avec nos concitoyens & nos voi» fins «. (Nouveaux Mémoires fur la Chine, tom. 4. p. 148-49). Ce n'est pas tout, les paroles que chantent les Muficiens, les airs qu'exécute la musique, font relatifs à ce difcours. Un tel banquet n'eft guere autre chofe qu'une affemblée d'inftruction.

כן

Divertiffemens particuliers des Chinois.

CHAPITRE VII I.

Cérémonial public & particulier des Chinois; leur maniere de fe faluer dans leurs rencontres, dans les vifies qu'ils fe rendent, &c.

IL

L s'agit encore moins ici d'usages que de Loix pofitives. Tout a été prévu par elles dans une matiere qui nous femble fi peu importante. Chacun, depuis les Chefs de la premiere claffse, jusqu'aux moindres Membres de la derniere, fait au jufte les titres qu'il doit donner & ceux qui lui font dus; les politeffes qu'il doit attendre, & celles qu'il doit faire; les honneurs qu'il peut accepter, & ceux qu'il doit rendre. Nul conflit relativement aux droits & aux préféances; deux points qui ailleurs ont engendré tant de querelles, fait couler tant de fang, & propagé des haines qui fe transmettent.

Une vifite à rendre eft, à la Chine, une affaire grave. Elle exige des préliminaires que l'Europe ne connoît

PPPP

Cérémonial public & particulier des Chinois; &c.

& particulier des Chinois; &c.

point, ou qu'elle a fu mettre à l'écart. Parlons d'abord Cérémonial public des vifites que l'on rend au Gouverneur de la ville dont on eft habitant. Elles font toujours accompagnées de préfens plus ou moins confidérables. L'ufage eft d'y joindre une longue boîte de vernis, ornée de fleurs d'or, & divifée dans l'intérieur par huit ou douze petits compartimens, qu'on a remplis de diverfes confitures.

» Dès qu'ils font arrivés dans la falle où doit se faire la cérémonie, ils fe rangent tous fur une même ligne, ils s'inclinent profondément, ils fe mettent à genoux, & courbent la tête jufqu'à terre, à moins moins que le Gouverneur ne les releve; ce qu'il fait communément. Souvent le plus confidérable d'entre eux prend du vin dans une coupe, l'éleve en l'air avec les deux mains, l'offre au Gouverneur, & dit tout haut, par forme de fouhait : Fo-tfiou, voilà le vin qui porte bonheur : Cheou-tfiou, voilà le vin qui donne une longue vie. L'instant d'après, un autre s'avance, & éleve en l'air des confitures qu'il présente avec refpect au Mandarin. Voilà, lui dit-il, du fucre de longue vie. D'autres répetent jufqu'à trois fois ces mêmes cérémonies, & font toujours les mêmes souhaits «. (Dư Halde, tom. 2. p. 104.)

Un Gouverneur s'eft-il diftingué par fa justice, son zele, fa bonté pour le peuple, chofe qui heureusement arrive quelquefois? les Lettrés de fon district ont recours à un moyen particulier pour lui apprendre qu'il jouit de l'eftime générale. Ils font faire pour lui un habit compofé de petits carreaux de fatin, les uns rouges, les autres bleus, verts, noirs, jaunes, &c. Ils choififfent le jour de fa naiffance pour lui faire préfent de cet habit, qu'ils lui portent en grande cérémonie, & au fon de divers inftrumens

« PrécédentContinuer »