Seul. Mais voyez quels malheurs suivent ma destinée ! Ils m'auront fait passer l'heure qu'on m'a donnée. SCÈNE V. DAMIS, L'ÉPINE, ERASTE, LA RIVIERE ET SES COMPAGNONS. DAMIS, à part. Quoi! malgré moi le traitre espère l'obtenir ! J'entrevois là quelqu'un sur la porte d'Orphise. Oui, j'ai su que ma nièce, en dépit de mes soins, Qu'entends-je à ces gens-là dire de notre maître ? Mais avant qu'il ait lieu d'achever son dessein, LA RIVIÈRE, attaquant Damis avec ses compagnons. Des Suisses, avec des hallebardes, chassent tous les masques fàcheux, et se retirent ensuite pour laisser danser à leur aise DERNIERE ENTREE. Quatre bergers et une bergère, qui, au sentiment de tous ceux qui l'ont vue, ferme E suis le plus embarrassó homme du monde, lorsqu'il me faut dédier un livre; et je me trouve si peu fait au style d'épitre dédicatoire, que je ne sais par où sortir de celle-ci. Un. autre auteur, qui seroit en ma place, trouveroit d'abord cent belles choses à dire de Votre Altesse Royale, sur ce titre de l'Écolo des Femmes, et l'offre qu'il vous en feroit. Mais, pour moi, Madame, je vous avoue mon foible. Je ne sais point cet art de trouver des rapports entre des choses si peu proportionnées; et, quelques belles lumières que mes confrères les auteurs me donnent tous les jours sur de pareils sujets, je ne vois point ce que Votre Altesse Royale pourroit avoir à démêler avec la comédie que je lui présente. On n'est pas en peine, sans doute, comment il faut faire pour vous louer. La matière, Madame, ne saute que trop aux yeux; et. de quelque côté qu'on vous regarde, ou rencontre gloire sur gloire, et qualités sur qualités. Vous en avez, Madame, du côté du rang et de la naissance qui vous font respecter de toute la terre. Vous en avez du côté des graces, et de l'esprit, et du corps, qui vous font admirer de toutes les personnes qui vous voient. Vous en avez du côté de l'ame, qui, si l'on ose parler ainsi, vous font aimer de tous ceux qui ont l'honneur d'approcher de vous je veux dire cette douceur pleine de charmes, dont vous daignez tempérer la fierté des grands titres que vous portez; cette bonté toute obligeante. cette affabilité généreuse que vous faites paroltre pour tout le monde. Et ce sont particulièrement ces dernières pour qui je suis, et dont je sens fort bien que je ne me pourrai taire quelque jour. Mais encore une fois, Madame, je ne sais point le biais de faire entrer ici des vérités si éclatantes; et ce sont choses, à mon avis, et d'une trop vaste étendue, et d'un mérite trop relevé pour les vouloir renfermer dans une épitre et les mêler avec des bagatelles. Tout bien considéré, Madame, je ne vois rien à faire ici pour moi, que de vous dédier simplement ma comédie, et de vous assurer, avec tout le respect qu'il m'est possible, que je suis, DE VOTRE ALTESSE ROYALE, PRÉFACE. BIEN des gens ont frondé d'abord cette comédie; mais les rieurs ont été pour elle, et tout le mal qu'on en a pu dire n'a pu faire qu'elle n'ait eu un succès dont je me contente. Je sais qu'on attend de moi dans cette impression quelque préface qui réponde aux censeurs et rende raison de mon ouvrage; et sans doute que je suis assez redevable à toutes les personnes qui lui ont donné leur approbation pour me croire obligé de défendre leur jugement contre celui des autres; mais il se trouve qu'une grande partie des choses que j'aurois à dire sur ce sujet est déjà dans une dissertation que j'ai faite en dialogue, et dont je ne sais encore ce que je ferai. L'idée de ce dialogue, ou, si l'on veut, de cette petite comédie, me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce. Je la dis, cette idée, dans une maison où je me trouvai un soir; et d'abord une personne de qualité, dont l'esprit est assez connu dans le monde, et qui me fait l'honneur de m'aimer, trouva le projet assez à son gré, non-seulement pour me solliciter d'y mettre la main, mais encore pour l'y mettre lui-même; et je fus étonné que deux jours après il me montra toute l'affaire exécutée, d'une manière, à la verité, beaucoup plus galante et plus spirituelle que je ne puis faire, mais où je trouvai des choses trop avantageuses pour moi; et j'eus peur que, si je produisois cet ouvrage sur notre théâtre, on ne m'accusat d'abord d'avoir mendié les louanges qu'on m'y donnoit. Cependant cela m'empêcha, par quelque considération, d'achever ce que j'avois commencé. Mais tant de gens me pressent tous les jours de le faire, que je ne sais ce qui en sera; et cette incertitude est cause que je ne mets point dans cette préface ce qu'on verra dans la Critique, en cas que je me résolve à la faire paroltre. S'il faut que cela soit, je le dis encore, ce sera sculement pour venger le public du chagrin délicat de certaines gens; car, pour moi, je m'en tiens assez vengé par la réussite de ma comédie; et je souhaite que toutes celles que je pour. rai faire soient traitées par eux comme celle-ci, pourvu que le reste suive de même. Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main? ARNOLPHE. Oui. Je veux terminer la chose dans demain. CHRYSALDE. Nous sommes ici seuls; et l'on peut, ce me semble, Sans craindre d'être ouïs, y discourir ensemble. Voulez-vous qu'en ami je vous ouvre mon cœur? Votre dessein, pour vous, me fait trembler de peur; Et, de quelque façon que vous tournicz l'affaire, Prendre femme est à vous un coup bien téméraire. ARNOLPHE. Il est vrai, notre ami. Peut-être que, chez vous, CHRYSALDE. Ce sont coups du hasard, dont on n'est point garant; Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes, ARNOLPHE. Fort bien. Est-il au monde une autre ville aussi, L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères; Et le plaint, ce galant, des soins qu'il ne perd pas; Et le mari benet, sans songer à quel jeu, CHRYSALDE. Oui; mais qui rit d'autrui Que quelques bonnes gens diront: Que c'est dommage! ARNOLPHE. Mon dicu! notre ami, ne vous tourmentez point. Bien huppé qui pourra m'attraper sur ce point. Je sais les tours rusés et les subtiles trames Dont pour nous en planter savent user les femmes Et comme on est dupé par leurs dextérités. Contre cet accident j'ai pris mes sûretés; Et celle que j'épouse a toute l'innocence Qui peut sauver mon front de maligne influence. CHRYSALDE. Et que prétendez-vous qu'une sotte en un mot... ARNOLPHE. Epouser une sotte est pour n'être point sot. |