Images de page
PDF
ePub
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][graphic][graphic][merged small][merged small][merged small]

LA RAPIÈRE.

Monsieur, de bonne part je viens d'être informé
Qu'Eraste est contre vous fortement animé,
Et qu'Albert parle aussi de faire pour sa fille
Rouer jambes et bras à votre Mascarille.

MASCARILLE.

Moi? Je ne suis pour rien dans tout cet embarras.
Qu'ai-je fait pour me voir rouer jambes et bras?
Suis-je donc gardien, pour employer ce style,
De la virginité des filles de la ville?
Sur la tentation ai-je quelque crédit,

Et puis-je mais, chétif, si le cœur leur en dit?

VALÈRE.

Oh! qu'ils ne seront pas si méchants qu'ils le disent! Et quelque belle ardeur que ses feux lui produisent, Eraste n'aura pas si bon marché de nous.

LA RAPIÈRE.

S'il vous faisoit besoin, mon bras est tout à vous. Vous savez de tout temps que je suis un bon frère.

VALÈRE.

Je vous suis obligé, monsieur de la Rapière.
LA RAPIÈRE.

J'ai deux amis aussi que je vous puis donner,
Qui contre tous venants sont gens à dégainer,
Et sur qui vous pourrez prendre toute assurance.

MASCARILLE.

Acceptez-les, monsieur.

VALÈRE.

C'est trop de complaisance.

LA RAPIÈRE.

Le petit Gille encore cût pu nous assister,
Sans le triste accident qui vient de nous l'ôter.
Monsieur, le grand dommage! et l'homme de service!
Vous avez su le tour que lui fit la justice;

11 mourut en César, et, lui cassant les os,
Le bourreau ne lui put faire lâcher deux mots.
VALÈRE.

Monsieur de la Rapière, un homme de la sorte
. Doit être regretté; mais, quant à votre escorte,
Je vous rends graces.

LA RAPIÈRE.
Soit; mais soyez averti
Qu'il vous cherche, et vous peut faire un mauvais parti.
VALÈRE.
Et moi, pour vous montrer combien je l'appréhende,
Je lui veux,
s'il me cherche, offrir ce qu'il demande,
Et par toute la ville aller présentement,
Sans être accompagné que de lui seulement.

SCÈNE IV.

VALERE, MASCARILLE.

MASCARILLE.

Quoi! monsieur, vous voulez tenter Dieu? Quelle audace!

Las! vous voyez tous deux comme l'on nous menace; Combien de tous côtés...

VALÈRE.

Que regardes-tu là?

MASCARILLE.

C'est qu'il sent le bâton du côté que voilà. Enfin, si maintenant ma prudence en est crue, Ne nous obstinons point à rester dans la rue, Allons nous renfermer.

VALÈRE.

Nous renfermer, faquin? Tu m'oses proposer un acte de coquin? Sus; sans plus de discours, résous-toi de me suivre.

MASCARILLE.

Eh! monsieur mon cher maitre, il est si doux de vivre!
On ne meurt qu'une fois, et c'est pour si long-temps!...
VALÈRE.

Je m'en vais t'assommer de coups, si je t'entends.
Ascagne vient ici, laissons-le; il faut attendre
Quel parti de lui-même il résoudra de prendre.
Cependant avec moi viens prendre à la maison
Pour nous frotter.

MASCARILLE.

Je n'ai nulle démangeaison. Que maudit soit l'amour, et les filles maudites, Qui veulent en tåter, puis font les chatemites!

SCÈNE V.

ASCAGNE, FROSINE.

ASCAGNE.

Est-il bien vrai, Frosine, et ne rêvé-je point?
De grace, contez-moi bien tout de point en point.

FROSINE.

Vous en saurez assez le détail, laissez faire.
Ces sortes d'incidents ne sont, pour l'ordinaire,
Que redits trop de fois de moment en moment.
Suffit que vous sachiez qu'après ce testament
Qui vouloit un garçon pour tenir sa promesse,
De la femme d'Albert la dernière grossesse
N'accoucha que de vous, et que lui, dessous main,
Ayant depuis longtemps concerté son dessein,
Fit son fils de celui d'Ignès la bouquetière,
Qui vous donna pour sienne à nourrir à ma mère.
La mort ayant ravi ce petit innocent
Quelque dix mois après, Albert étant absent,
La crainte d'un époux et l'amour maternelle
Firent l'événement d'une ruse nouvelle.

Sa femme en secret lors se rendit son vrai sang,
Vous devintes celui qui tenoit votre rang,
Et la mort de ce fils mis dans votre famille,
Se couvrit pour Albert de celle de sa fille.
Voilà de votre sort un mystère éclairci,
Que votre feinte mère a caché jusqu'ici ;

Elle en dit des raisons, et peut en avoir d'autres,
Par qui ses intérêts n'étoient pas tous les vôtres.
Enfin, cette visite, où j'espérois si peu,
Plus qu'on ne pouvoit croire, a servi votre feu.
Cette Ignès vous relâche, et, par votre autre affaire,
L'éclat de son secret devenu nécessaire,

Nous en avons nous deux votre père informė;

Un billet de sa femme a le tout confirmé :
Et poussant plus avant encore notre pointe,
Quelque peu de fortune à notre adresse jointe,
Aux intérêts d'Albert, de Polidore, après,

[blocks in formation]
[blocks in formation]
[blocks in formation]

Non, non, je ne suis pas si méchant qu'on ne fait ;
Et, dans cette aventure où chacun m'intéresse,
Vous allez voir plutôt éclater ma foiblesse,
Connoitre que le ciel, qui dispose de nous,
Ne me fit pas un cœur pour tenir contre vous,
Et qu'il vous réservoit pour victoire facile,
De finir le destin du frère de Lucile.
Oui, bien loin de vanter le pouvoir de mon bras,
Ascagne va par vous recevoir le trépas :

Mais il veut bien mourir, si sa mort nécessaire

Peut avoir maintenant de quoi vous satisfaire,
En vous donnant pour femme, en présence de tous,
Celle qui justement ne peut être qu'à vous.

[blocks in formation]
[ocr errors]

Celle à qui par sermeift ton âme est attachée,
Sous l'habit que tu vois à tes yeux est cachée;
Un intérêt de bien, dès ses plus jeunes ans
Fit ce déguisement qui trompe tant de gens,
Et, depuis peu, l'amour en a su faire un autre
Qui t'abusa, joignant leur famille à la nôtre.
Ne va point regarder à tout le monde aux yeux;
Je te fais maintenant, un discours sérieux.
Oui, c'est ello, en un mot, dont l'adresse subtile,
La nuit, reçut ta foi sous le nom de Lucile,
Et qui, par ce ressort qu'on ne comprenoit pas,
A semé parmi nous un si grand embarras.
Mais, puisque Ascagne ici fait place à Dorothée,
Il faut voir de vos feux toute imposture ôlée,

Et qu'un noud plus sacré donne force au premier.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Et c'est là justement ce combat singulier
Qui devoit envers nous réparer votre offense,
Et pour qui les édits n'ont point fait de défense.

POLIDORE.

Un tel événement rend tes esprits confus;
Mais en vain tu voudrois balancer là-dessus.
VALÈRE.

Non, non, je ne veux pas songer à m'en défendre;
Et si cette aventure a lieu de me surprendre,
La surprise me flatte, et je me sens saisir
De merveille à la fois, d'amour et de plaisir :
Se peut-il que ces yeux?...

[graphic][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[graphic][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

'EST une chose étrange qu'on imprime les gens malgré eux! Je ne vois rien de si injuste, et je pardonnerois toute autre violence plutôt que celle-là.

Ce n'est pas que je vouille faire ici l'auteur modeste, et mépriser par honneur ma comédie; j'offenserois mal à propos tout Paris, si je l'accusois d'avoir pu applaudir à une sottisc. Comme le public est juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y auroit de l'impertinence à moi de le démentir; et quand j'aurois eu la plus mauvaise opinion du monde de mes Précieuses Ridicules avant leur représentation, je dois croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens ensemble en ont dit du bien. Mais comme une grande partie des graces qu'on y a trouvées dépendent de l'action et du ton de voix, il m'importoit qu'on ne les dépouillåt pas de ces ornements, et je trouvois que le succès qu'elles avoient eu dans la représentation étoit assez beau pour en demeurer là. J'avois résolu, dis-je, de ne les faire voir qu'à la chandelle, pour ne point donner licu à quelqu'un de dire le proverbe; et je ne voulois pas qu'elles sautassent du théâtre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu l'éviter, et je suis tombé dans la disgrace de voir une copie dérobée de ma pièce entre les mains des libraires, accompagnée d'un privilége obtenu par surprise. J'ai eu beau crier: 0 temps! 6 moeurs! on m'a fait voir une nécessité pour moi d'être imprimé, ou d'avoir un procès; et le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser aller à la destinée, et consentir à une chose qu'on ne laisseroit pas de faire sans moi.

Mon Dieu l'étrange embarras qu'un livre à mettre au jour. et

qu'un auteur est neuf la première fois qu'on l'imprime! Encore si l'on m'avoit donné du temps, j'aurois pu mieux songer à moi, et j'aurois pris toutes les précautions que messieurs les auteurs, à présent mes confrères, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre quelque grand seigneur que j'aurois été prendre malgré lui pour protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurois tenté la libéralité par une épitre dédicatoire bien fleurie, j'aurois tâché de faire une helle et docte préface, et je ne manque point de livres qui m'auroient fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la tragédie et la comédie. l'étymologie de toutes deux, leur origine, leur définition, et le reste.. J'aurois parlé aussi à mes amis, qui, pour la recommandation de ma pièce, ne m'auroient pas refusé ou des vers françois, ou des vers latins. J'en ai même qui m'auroient loué en grec; et l'on n'ignore pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficacité à la tête d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me reconnoître; et je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comédie. J'aurois voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les hornes de la satire honnête et permise; que les plus excellentes choses sont sujettes à être copiées par de mauvais singes qui méritent d'être hernés; que ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait ont été de tout temps la matière de la comédie; et que, par la néine raison, les veritables savants et les vrais braves ne se sont point encore avisés de s'offenser du Docteur de la comédie, et du Capitan, non plus que les juges, les princes et les rois, de voir Trivelin, ou quelque autre, sur le théâtre, faire ridiculement le juge, le prince ou le roi aussi les véritables précieuses auroient tort de se piquer lorsqu'on jone les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme je l'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes veut m'aller relier de ce pas. A la bonne heure, puisque Dieu l'a voulu.

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »