Images de page
PDF
ePub
[graphic]

Il a brulé deux ans d'une constante ardeur.
Il n'est soins empressés, devoirs, respects, services,
Dont il ne vous ait fait d'amoureux sacrifices.
Tous mes feux, tous mes soins ne peuvent rien sur vous;
Je vous trouve contraire à mes vœux les plus doux;
Ce que vous refusez, je l'offre au choix d'une autre.
Voyez. Est-ce, madame, ou ma faute, ou la vôtre?-
Mon cœur court-il au change, ou si vous l'y poussez?
Fst-ce moi qui vous quitte, ou vous qui me chassez?

ARMANDE.

Appelez-vous, monsieur, être à vos vœux contraire,
Que de leur arracher ce qu'ils ont de vulgaire,
Et vouloir les réduire à cette pureté,
Où du parfait amour consiste la beauté?
Vous ne sauricz pour moi tenir votre pensée
Du commerce des sens nette et débarrassée;
Et vous ne goûtez point, dans ses plus doux appas,
Cette union des cœurs où les corps n'entrent pas.
Vous ne pouvez aimer que d'une amour grossière,
Qu'avec tout l'attirail des noeuds de la matière;
El, pour nourrir les feux que chez vous on produit,
11 faut un mariage et tout ce qui s'ensuit.
Ah! quel étrange amour! et que les belles ames
Sont bien loin de brûler de ces terrestres flammes !
Les sens n'ont point de part à toutes leurs ardeurs;
Et ce beau feu ne veut marier que les cœurs.
Comme une chose indigne, il laisse là le reste;
C'est un feu pur et net comme le feu céleste.:
On ne pousse avec lui que d'honnêtes soupirs,
Et l'on ne penche point vers les sales desirs.
Rien d'impur ne se mêle au but qu'on se propose;
On aime pour aimer, et non pour autre chose;
Ce n'est qu'à l'esprit scul que vont tous les transports,
Et l'on ne s'aperçoit jamais qu'on ait un corps.

CLITANDRE.

Pour moi, par un malheur, je m'aperçois, madame,
Quej'ai, ne vous déplaise, un corps tout comme une ame;
Je sens qu'il y tient trop pour le laisser à part: .
De ces détachements je ne connois point l'art;

[ocr errors]

De me voir le rival de monsieur Trissotin.
L'amour des beaux-esprits, qui chez vous m'est contraire,
Ne pouvoit m'opposer un moins noble, adversaire.
Il en est, et plusieurs, que, pour le bel-esprit,.
Le mauvais goût du siècle a su mettre en crédit;
Mais monsieur Trissotin n'a pu duper-personne,
Et chacun rend justice aux écrits qu'il nous donne.
Hors céans, on le prise en tous lieux ce qu'il vaul;
Et ce qui m'a vingt fois fait tomber de mon haut
C'est de vous voir au ciel élever des sornettes
Que vous désavoueriez, si vous les aviez faites.
PHILAMINTE.

Si vous jugez de lui tout autrement que nous,
C'est que nous le voyons par d'autres yeux que vous.

[blocks in formation]
[blocks in formation]
[graphic]
[ocr errors]
[graphic]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Avec tout le respect que votre nom m'inspire,
Que vous feriez fort bien, vos confrères et vous,
De parler de la cour d'un ton un peu plus doux.
Qu'à le bien prendre, au fond, elle n'est pas si béte
Que, vous autres messieurs, vous vous mettez en tête;
Qu'elle a du sens commun pour se connoitre à tout;
Que chez elle on se peut former quelque bon goût,
Et que l'esprit du moude y vaut, sans flatterie,
Tout le savoir obscur de la pédanterie.

De son bon goût, monsieur, nous voyons des effets.

Où voyez-vous, monsieur, qu'elle l'ait și mauvais?

Ce que je vois, monsieur? C'est que pour la science
Rasius ct.Baldus font honneur à la France;
Et que tout leur mérite, exposé fort au jour,
N'attire point les yeux et les dons de la cour.

Je vois votre chagrin, et que, par modestie,
Vous ne vous mettez point, monsieur, de la partie;
Et, pour ne vous point mettre aussi dans le propos,
Que font-ils pour l'état, vos habiles héros?
Qu'est-ce que leurs écrits lui rendent de service,
Pour accuser la cour d'une horrible injustice,
Et se plaindre en tous lieux que sur leurs doctes noms
Elle manque a verser la faveur de ses dons?
Leur savoir à la France est beaucoup nécessaire!
Et des livres qu'ils font la cour a bien affaire!
Il semble à trois gredins, dans leur petit cerveau,
Que pour être imprimés et reliés en veau,
Les voilà dans l'état d'importantes personnes;
Qu'avec leur plume ils font les destins des couronnes;
Qu'au moindre petit bruit de leurs productions,
Ils doivent voir chez eux voler les pensions;
Que sur eux l'univers a la vue attachée;
Que partout de leur nom la gloire est épanchée;
Et qu'en science ils sont des prodiges fameux,
Pour savoir ce qu'ont dit les autres avant eux
Pour avoir eu trente ans des yeux et des oreilles,
Pour avoir employé neuf ou dix mille veilles
A se bien barbouiller de grec et de latin,
Et se charger l'esprit d'un ténébreux butin
De tous les vieux fatras qui trainent dans les livres;
Gens qui de leur savoir paroissent toujours ivres;
Riches, pour tout mérite, en babil importun;
Inhabiles à tout, vides de sens commun,
Et pleins d'un ridicule et d'une impertinence
A décrier partout l'esprit et la science.

Votre chaleur est,grande; et cet emportement De la nature en vous marque le mouvement. C'est le nom de rival qui dans votre ame excite...

TRISSOTIN, PHILAMINTE, CLITANDRE, ARMANDE, JULIEN.

Le savant qui tantôt vous a rendu visite,
El de qui j'ai l'honneur d'être l'humble valet,
Madame, vous exhorte à lire ce billet.

Quelque important que soit ce qu'on veut que je lise,

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][graphic][merged small]
[graphic]
[blocks in formation]

CLITANDRE, montrant Henriette.
Et madame doit être instruite par sa sœur,

De l'hymen où l'on veut qu'elle apprête son cœur.
CHRYSALE.

Et moi, je lui commande, avec pleine puissance,
De préparer sa main à cette autre alliance.
Ah! je leur ferai voir si, pour donner la loi,
Il est dans ma maison d'autre maitre que moi.

A Henriette.

Nous allons revenir: songez à nous attendre.

Allons, suivez mes pas, mon frère, et vous, mon gendre. HENRIETTE, à Ariste.

Hélas! dans cette humeur conservez-le toujours.

J'emploierai toute chose à servir vos amours.

Quelque secours puissant qu'on promette à ma flamme, Mon plus solide espoir, c'est votre cœur, madame.

Pour mon cœur, vous pouvez vous assurer de lui.

Je ne puis qu'être heureux, quand j'aurai son appui.

Vous voyez à quels nœuds on prétend le contraindre.

Tant qu'il sera pour .moi, je ne vois rien à craindre.

Je vais tout essayer pour nos vœux les plus doux;
Et, si tous mes efforts ne me donnent à vous,

Il est une retraite, où notre ame se donne,
Qui m'empêchera d'être à toute autre personne.

Veuille le juste ciel me garder en ce jour De recevoir de vous cette preuve d'amour!

« PrécédentContinuer »