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CARTE 27.

Bourgs et villes anciennes se succèdent sans interruption sur le talus de craie-tuffeau qui borde la rive gauche de la Loire entre des vignobles. Au centre de la vallée, séparées, d'un côté par le fleuve, de l'autre par une zone de prairies, de marais et bras fluviaux, s'étendent les Varennes, pays à part dont la population se répartit dans des maisons, ou bouques, tantôt éparses, tantôt alignées en rues le long des routes.

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touffue qui se loge dans leurs interstices, garnit leurs bases, parfois trempe et flotte à leur pied sur les eaux d'une rivière limpide.

Il est rare qu'on ne puisse distinguer dans une contrée une zone qu'animent plus particulièrement la présence et l'activité de l'homme. En Touraine, et dans les parties limitrophes de l'Anjou et du Poitou, c'est manifestement la craie qui est la zone de prédilection, celle qui trace la ligne de cristallisation des établissements humains. C'est à l'abri de ces roches, sur leurs rampes ou leurs talus que les hommes se sont accoutumés à leur occupation favorite, la culture des vignes et des arbres fruitiers. Ces roches sont des espaliers naturels; et surtout quand elles regardent le Sud, leur sécheresse est assez grande pour que des êtres humains puissent impunément y élire domicile. Les parages de Troô et des Roches sur le Loir, de Vouvray près de Tours, de Bléré sur le Cher, méritent, entre beaucoup d'autres, d'être célèbres comme survivance d'habitations troglodytiques. Souvent une sorte de coquetterie se fait jour dans la taille de ces excavations, dans la disposition des treilles ou des clématites qui les garnissent. Quand l'habitant humain s'est détaché de la roche, il ne s'en est guère écarté. Presque toutes les villes et la plupart des bourgs importants de la Touraine se serrent le long de ces rampes crayeuses. De Montsoreau à Saumur, les bourgs s'allongent ainsi en file presque ininterrompue. Parfois au-dessus du troupeau des blanches maisons, un château ou une ruine se dresse. A cheval entre la vallée et les plateaux forestiers, il surveille l'horizon; c'est lui qu'on aperçoit de loin, à Amboise, comme à Lavardin sur le Loir, à Saint-Aignan sur le Cher, à Loches ou Chinon. Une autre vie commence au delà, sur les landes ou dans les forêts giboyeuses.

Mais la vallée elle-même est souvent assez ample pour développer une vie propre. C'est le cas au confluent du Cher, et surtout à celui de la Vienne. Les alluvions combinées du Cher et de la Loire ont formé en amont et en aval de Tours le pays des Varennes par excellence. Ces sables gras sont d'une fertilité merveilleuse, à condition d'assainir, drainer, endiguer, le sol de la vallée ce fut une œuvre progressive et longue. Le même travail s'accomplit dans la magnifique vallée, longue de 70 kilomètres et large de 14, qui succède au confluent de la Vienne. Là aussi, il fallut conquérir les varennes sur les eaux, marais, bras morts, boires ou ramifications des rivières. Peu à peu des rangs serrés qui bordaient de part et d'autre les versants crayeux, un essaim de petites maisons se détacha pour se disséminer dans la vallée Par hameaux ou rues, elles se dispersent entre les champs, le long des routes qui ont rendu le pays praticable, jusqu'au rideau de peupliers du fleuve. Aucune concentration. Sou

vent même les maisons ne sont que des bouques, c'est-à-dire des chaumières sommairement construites, comme une chose qui ne vaut pas la peine qu'on s'y applique, sous la menace, toujours à craindre, du fleuve.

Un proverbe de ce pays, qui abonde en dictons populaires, peint ainsi Chinon:

Assise sur pierre ancienne;

En haut le bois, en bas la Vienne.

Le bois couvrait autrefois la plus grande partie des plateaux entre lesquels s'insinuent ces vallées; il n'en revêt plus aujourd'hui qu'une partie Il n'y a guère plus d'une centaine de mètres, et souvent moins, de différence de niveau; mais ce sont les maigres terres de l'argile à silex qui constituent souvent la surface, et l'on sait quelle est leur pauvreté. La vaste Gâtine, qui s'étend au nord de Langeais jusqu'à Châteaurenauld, n'a commencé à être défrichée qu'au XIe siècle. Au Sud, les plateaux sont moins ingrats; calcaires ou faluns ont vers leur centre fourni les éléments d'une précoce culture; des voies anciennes les sillonnent: eux aussi pourtant montrent une périphérie encore en grande partie occupée par des bruyères ou des

bois.

CONTRASTES

En ces contrastes est le secret de l'infirmité de la Touraine. Entre ces vallées riantes et populeuses, beaucoup d'intervalles sont DE LA TOURAINE. pauvres, presque vides. Il manque généralement à ces plateaux la précieuse nappe de limon qui a assuré au Nord de la Seine, entre la Marne et l'Escaut, une incomparable supériorité économique. En dépit du charme des vallées, malgré l'illusion que peut causer la somptuosité des châteaux nés de la faveur royale ou de la mode plutôt que des conditions locales, la force de production est moindre que dans ces pays limoneux du Nord de la France, si précoces dans leur abondance agricole, aussi riches par leurs plateaux que par leurs vallées, supérieurs par là aux contrées du Sud comme à celles de l'Est dans le Bassin parisien. Si séduisante, la Touraine est un peu grêle. Elle n'a pas les mêmes facultés de développement. On est étonné, quand le regard s'est promené sur ces magnifiques vallées, de constater la faible densité de population, la pénurie relative de bétail que trahissent les chiffres d'ensemble. Cependant ces causes de pauvreté sont atténuées en partie par les articulations qu'ont découpées les rivières. Les plateaux, du moins au Sud, s'amincissent; à leur extrémité, ce sont des becs qui s'allongent par les bandes d'alluvions que déposent en se rapprochant les rivières. Ainsi est constitué «< ce bon pays de Véron », comme dit Rabelais, coin

ROUTES ET IMPOR

enfoncé dans l'angle de la Loire et de la Vienne : pays resté longtemps isolé dans sa richesse, comme d'autres dans leur pauvreté.

Le paysan des plateaux offre déjà bien des traits du paysan de l'Ouest, isolé dans ses métairies, nourrissant sous une apparence de douceur un esprit de superstition et de méfiance. Au contraire la vie urbaine et surtout villageoise a pris fortement racine aux flancs des vallées vie joyeuse de vignerons auprès desquels les gens des Gâtines et plateaux semblent de pauvres hères. Ils sont fiers de leur bien-être, exigeants pour leur nourriture et leur costume, soigneux de leur habitation. Cependant l'exiguïté de ces habitations étonne. La Touraine est par excellence le pays des petites maisons blanches, sans étages, à toits d'ardoise. De même dans les habitations rurales l'aménagement destiné au bétail, instruments, cheptel agricole, est rudimentaire C'est que, pour les cultures délicates auxquelles l'homme s'adonne de préférence, l'outillage est réduit; l'outil principal, ce sont les bras du vigneron lui-même De là, l'étroitesse de la maison; de là, aussi, ce corps souvent courbé, avec ces bras noueux comme les ceps qu'ils ont l'habitude de tailler.

Ce contraste entre les populations des plateaux et celles des vallées va s'accusant vers l'Ouest. A mesure que le Massif primaire d'Armorique fait sentir ses approches, la vallée, devenue plus ample et plus basse, prodigue davantages ses dons. Le Loir sinueux s'épanouit à partir de Montoire dans l'aimable vallée qu'ont chantée Ronsart et Racan; tandis que sur les sables qui font au Nord leur apparition, un pays coupé de haies et de forêts se prolonge de Château-du-Loir au Perche. En bas, l'abondance et la vie douce; en haut, déjà le commencement de la vie rude et pauvre de ces marches de l'Ouest; contraste dont les luttes de la Révolution nous font sonder la réalité. Nulle part la vallée de la Loire n'est aussi animée et joyeuse que dans cette large ouverture qu'encadrent les coteaux de Chinon, de Bourgueil et de Montsoreau. L'esprit est alerte et la langue colorée, sur cette terre rabelaisienne où se déroule, entre Picrochole et Gargantua, une guerre moins fertile encore en coups qu'en paroles. L'abbaye de Thélème est la seule qui convienne et qui plaise à ces caractères raisonneurs et affranchis, pour lesquels la nature se montre indulgente. Jusqu'à Saumur et au delà, la côte aux vins pétillants entretient la vivacité et la joie au cœur des habitants de la Vallée.

La Touraine, réunion de vallées au point où le Bassin parisien TANCE HISTORIQUE Confine à l'Armorique et à l'Aquitaine, se trouve beaucoup plus que DE LA TOURAINE. le Berry, qui est trop enfoncé dans l'intérieur, mieux même que le Maine et l'Anjou, qui se serrent le long du Massif armoricain, sur une

des grandes voies de circulation. C'est le chemin du Sud-Ouest; et de bonne heure les voies romaines convergèrent vers le confluent du Cher et de la Loire. Il y avait là à l'origine une de ces bourgades telles que les Gaulois en établissaient volontiers dans des iles ou des péninsules fluviales: la fortune de Tours lui vint surtout de l'accès direct qui de ce point s'ouvre vers la vallée de la Vienne et Poitiers. Il suffit de franchir l'extrémité amincie des plateaux de la Champagne tourangelle et de Sainte-Maure pour atteindre, au confluent de la Vienne et de la Creuse, une des plus charmantes contrées de France. C'est le pays de Châtellerault, dont l'aspect verdoyant et les douces collines ménagent une transition aimable vers les raides et secs escarpements du Poitou calcaire. Les sables dits cénomaniens1 y affleurent, comme dans la région du Maine dont ils constituent le sol typique, et, dans ce cas comme dans l'autre, c'est par la largeur des vallées que se manifeste leur présence. La Vienne à Châtellerault s'est frayé dans ces couches friables une vallée dont les proportions en largeur ressemblent à celles que l'Huisne et la Sarthe se sont taillées dans les sables de même nature et de même âge.

Mais les voies qui ont adopté la vallée de la Vienne continuée par le Clain, ont une importance plus générale que celle à laquelle les rivières mancelles ont prêté leurs vallées. C'est une porte de peuples. Deux grandes régions d'influences souvent contraires, lentement réconciliées dans l'unité française, entrent ici en contact : l'Aquitaine, vestibule du monde ibérique, et la France du Nord façonnée par son contact permanent avec le germanisme. Une traînée de noms historiques s'échelonne entre Poitiers et Tours : noms au loin populaires de batailles ou de sanctuaires, comme celui de Sainte-Catherine-de-Fierbois, où Jeanne d'Arc fit chercher l'épée de Charles-Martel. Le vocabulaire géographique de notre peuple d'autrefois était restreint; il se composait des noms que répétaient les marchands et les pèlerins; mais d'autant plus s'incrustaient dans la mémoire les localités en petit nombre qu'il savait retenir. C'étaient les points brillants dans l'obscurité qui enveloppait le monde extérieur. La légende travaillait sur cette géographie populaire. Elle matérialisait ses souvenirs dans un objet, un édifice; et partout où pénétraient les routes, pénétrait aussi le renom du lieu consacré. La prodigieuse popularité de la Légende de saint Martin s'explique par le nombre et la fréquentation des voies qui convergeaient vers Tours. Il n'est pas étonnant que, dans cet état d'esprit, de nombreux pèlerins s'acheminassent des points les plus éloignés pour participer aux

1 Formation déposée au début des temps crétacés.

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