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ministre entra dans de nouvelles explications qui envenimèrent la querelle au lieu de l'apaiser. «Je puis dire, s'écriait-il, que non seulement la presse, mais aussi une autre manière de nous servir d'une de nos plus nobles libertés avoir eu une grande part à nos malheurs.» Ces paroles furent le signal d'une violente agitation. Plusieurs membres des extrémités reprochèrent au ministre d'attaquer la liberté de la tribune, et le sommèrent d'exprimer toute son opinion. Le ministre répliqua qu'il était prêt à le faire, qu'il n'avait pas soulevé la question, mais qu'il ne craignait pas de l'approfondir. Les mêmes membres répondirent que ce n'était pas d'eux qu'était venu le débat, et que de leur côté ils ne redoutaient pas non plus d'avoir à le soutenir. « Si quelqu'un craint cette discussion, reprit le ministre, je puis affirmer que ce n'est pas moi.»-« Ninous! ni nous! » s'écrièrent des voix des extrémités. C'est au milieu de ces récriminations et de ces défis contradictoires que se termina l'incident.

Le reste de la discussion n'offrit aucun fait à relever, si ce n'est que la commission fut moins heureuse que jusqu'alors, à faire adopter ses réductions. Quelques unes, et particulièrement une diminution de 1,100,000 fr., proposée sur le chapitre des routes et des ponts, furent combattues par les organes du gouvernement, et rejetées par la Chambre, qui, en revanche, repoussa plusieurs augmentations que l'esprit de localité, qui pouvait se manifester dans ce budget plus que partout ailleurs, avait réclamées pendant les débats.

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La commission et la Chambre laissèrent intact le budget annexe du ministère du commerce et des travaux publics, qui comprenait, pour l'exercice de 1835, une somme de 27,590,000 fr. à prendre sur l'allocation extraordinaire de 93,000,000 fr., accordée par la loi du 27 juin 1833 pour l'achèvement des monumens, des routes et des canaux, et dont 48 millions avaient déjà été dépensés.

Ann. hist. pour 1834.

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Budget de la marine et des colonies.

Le budget de ce département était un de ceux qui avaient reçu des améliorations essentielles, depuis la révolution de 1830. Mais comme il y avait eu à réformer dans ce service plus que dans aucun autre, peut-êtré, le rapporteur de la commission, M. Charles Dupin, n'en déclarait pas moins (25 avril), qu'il restait beaucoup à faire, en reconnaissant tout ce qu'on avait déjà fait. «Des économies importantes, disait-il, peuvent être obtenues sur plusieurs chapitres, d'autres chapitres semblent encore frappés d'insuffisance, et le dépérissement d'une partie des bâtimens de guerre à flot continue. » La commission n'avait pas cru qu'il lui appartint de combler les lacunes, en proposant des augmentations, mais elle avait retranché l'excédant en opérant des réductions. Porté à 65,500,000 fr., le projet du budget de la marine pour 1835 dépássáit de 2,825,000 fr. celui de 1834 (1). La commission se plaignait de ce que, contrairement au vou exprimé par les commissions de 1833 et 1834, de voir toutes les augmentations qui pourraient être allouées à ce département, appliquées au matériel naval, l'allocation de ce chapitre fût, pour 1835, de plus d'un million inférieure à celle de 1834. Elle proposait d'ailleurs de retrancher 1,855,720 fr. sur l'ensemble du budget. Il résultait du travail étendu que M. Dupin soumit à la Chambre, que l'armement en service ordinaire, pour 1835, serait de 110 bâtimens, montés par 14,901 hommes.

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7 et 8 mai, Si les débats des différens budgets qui viennent de passer à l'examen de la Chambre n'ont guère soulevé que des questions de chiffres et de détail, le budget de la marine devait retenir la discussion sur un terrain encore

(1) Il faut remarquer ici, comme à l'occasion du budget de la guerre, que le ministre de la marine avait demandé et obtenu un crédit supplémentaire de 2 millions pour l'exercice 1834.

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plus borné. Elle fut, en effet, toute technique. En réponse à quelques observations de M. Eschassériaux, qui signalait un défaut d'harmonie entre les différentes parties de l'organisation maritime, M. de Rigny, ministre des affaires étrangères, et de la marine par intérim, déclara que la population maritime lui semblait devoir être la base sur laquelle il fallait régler les constructions navales, et fixant à 33,000 hommes l'actif de cette population, le ministre pensait que le matériel proportionnellement correspondant devait être de 40 vaisseaux et de 50 frégates, indépendamment des bâti-> mens inférieurs. Il réfutait, en passsant, cette opinion que la France, puissance continentale, ne pouvait pas être en même temps puissance maritime.

Après que le ministre, appuyé du colonnel Lamy et de M. Bastard de Kerguiffinec, eût emporté, contre le rapporteur et M. Eschassériaux, le rejet d'une réduction de 77,000fr. que la commission proposait d'effectuer en supprimant une école navale établie à bord du vaisseau l'Orion, un long débat s'engagea à l'occasion du crédit d'un million demandé pour la construction de machines à vapeur. M. Arago consentait au crédit; mais, comme il résultait pour lui, d'après les faits, que le gouvernement semblait donner la préférence aux ateliers anglais, il mettait à son vote la condition que les machines seraient exécutées dans les ateliers français, et en vertu de marchés passés avec publicité et concurrence. M. de Rigny, M. Tupinier, commissaire du roi, et le rapporteur de la commission protestèrent contre l'opinion qui leur était attribuée ; il s'ensuivit une contestation scientifiqué long-temps prolongée, malgré les bruyantes interruptions et les réclamations de la Chambre, qui se reconnaissait incompétente pour juger la question: en définitive l'amendement fut rejeté.

Quant aux colonies, M. de Rigny, en réponse à des observations de MM. Réalier-Dumas et Isambert, sur les améliorations à introduire dans le régime colonial, déclara que

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l'intention du gouvernement était de proposer, dans la session prochaine, des lois complémentaires de la loi qui avait organisé ce régime, et cette déclaration termina la discussion du budget de la marine et des colonies.

Budget de l'instruction publique.

Ce budget, réduit à ses proportions ordinaires, excédait l'allocation faite pour 1834, de 767,633 francs, dont la plus forte partie était affectée à des créations nouvelles. Mais la commission, qui reprochait au gouvernement, par l'organe de M. Gillon, son rapporteur (28 avril), de n'avoir pas encore présenté, malgré des engagemens formels et au mépris des promesses de la Charte, une loi organique de l'enseignement, n'avait pas trouvé le moment opportun pour des créations partielles; aussi avait-elle diminué de 577,000fr. le budget de l'instruction, qui restait fixé à 8,144,000 francs (1).

Le rapporteur signalait avec satisfaction la progression ferme et rapide qu'avait suivie l'instruction primaire depuis 1830. En 1831, le nombre total des écoles s'élevait à 30,796, et 13,998 communes en étaient dépourvues; en 1833, on comptait 45,119 écoles, et le nombre des communes qui en manquaient se réduisait à 9,568. L'accroissement dans le nombre des élèves était également considérable; de 1832 à 1833, il avait augmenté de 450,446. Malgré ces heureux résultats, la situation générale n'en était pas moins fâcheuse; un quart des communes attendait encore des écoles, et les trois cinquièmes de la population totale de vingt ans ne savaient pas même lire!

Le budget de l'université portait en recettes 3,629,994 fr., et en dépenses 3,627,528 fr., sur lesquels la commission proposait une réduction de 69,500 francs. Quoique le mouve

(1) Il faut ajouter à ce chiffre 3,200,000 fr. formés des centimes spém : ciaux votés par les communes.

ment dans cette partie supérieure de l'enseignement fût en général ascendant, cependant le progrès n'était pas aussi marqué que dans la partie élémentaire. En résumé, il n'y avait guère de fraction de ce budget dans laquelle un examen attentif ne découvrit la nécessité d'une réforme.

8, 9, 10 mai. Ce fut aussi sur cette nécessité qu'insista M. Bellaigue, en ouvrant la discussion. Il trouvait dans l'instruction publique plus que dans aucune autre partie de l'administration, des abus graves, des vices radicaux, des désordres matériels, financiers et moraux. La question de l'instruction publique était, selon M. de Lamartine, d'une gravité immense, d'une portée infinie, et il ne comprenait pas les réductions proposées. « Nous lui disputons des cen times, s'écriait-il, et c'est elle qui nous donnera la vie ou la mort. » Retraçant le tableau du pays, et mesurant la force toute puissante et universelle de la presse, l'orateur pensait qu'il fallait agir promptement et énergiquement pour conjurer les dangers de la situation, qu'il fallait ouvrir une vaste carrière à l'intelligence, et il reprochait à la révolution de juillet de ne l'avoir pas fait...

« Messieurs, songez-y! disait l'orateur, notre presse à nous, c'est de la pensée! La presse du peuple, c'est de l'action! Quelle digue opposerezvous? quel gouvernement résistera, quelles baïonnettes ne s'émousseront pas? Une fois que tout sera livré à la critique, à la discussion de tous, une fois que les gouvernemens seront au concours, il n'y aura plus d'espoir, plus de salut que dans la lumière et la raison de tous! plus de salut que dans la parole et dans l'enseignement! Occupez-vous donc de, cet imminent avenir! Brisez le moule étroit de vos institutions enseignantes, ou plutôt élargissez-le, complétez-le! Donnez un corps et une âme à la civilisation de notre époque, faites un grand ministre, un ministre principal de l'intelligence et de la pensée publique! Vous n'avez pas d'autre moyen de prévenir les menaces du temps et de garantir la société de ce débordement de forces intellectuelles sans emploi, autre danger, danger imminent de notre état actuel. »

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Le ministre de l'instruction publique repoussa les reproches adressés par le préopinant à la révolution de juillet. Il invoqua tout ce qui avait été fait depuis 1850, pour l'instruction, beaucoup restait à faire sans doute, mais la réforme dans une matière aussi grave, aussi difficile, ne pou

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