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CHAPITRE II.

Projet de loi sur l'organisation du département de la Seine et de la municipalité de Paris. - Proposition relative à l'abolition des majorats, Pétitions. Interpellations au ministre de la guerre.

Le discours de la couronne avait annoncé qu'il serait donné suite à plusieurs projets de loi, sur lesquels les Chambres, empêchées par la multiplicité de leurs travaux, n'avaient pu statuer définitivement dans le cours de la dernière session. Aussitôt après le vote de l'adresse, la Chambre des députés s'occupa de régler l'ordre de ses délibérations sur ces matières arriérées, et résolut, conformément à la proposition de M. Gann ron, de reprendre, avant tout autre, le projet de loi relatif à l'organisation du département de la Seine et à la municipalité de Paris. Cette proposition avait failli amener un conflit: le ministre de l'intérieur en avait demandé l'ajournement, par la raison que le gouvernement était dans l'intention de présenter prochainement un nouveau projet de loi sur le même sujet ; c'était un droit dont il réclamait l'exercice. MM. Delaborde et Salverte avaient appuyé la proposition de reprise : le dernier orateur jugeait qu'il y aurait inconvenance, inconstitutionnalité de la part du gouvernement à proposer un nouveau projet de loi touchant une matière déjà mûrie dans les bureaux, sur laquelle un rapport avait été fait, et qui était prête à être mise en délibération : la Chambre s'était rangée à cet avis.

L'organisation départementale et municipale de la France sur une base nouvelle, était une des promesses de la Charte de 1830 à laquelle on avait satisfait en 1833; mais la ville de Paris et le département de la Seine, que leur importance plaçait dans une position tout exceptionnelle, n'avaient pu

être compris dans la loi générale. Leur organisation départementale et municipale exigeait des dispositions particulières; deux projets de loi avaient donc été présentés à cet effet par le ministre de l'intérieur dès le 8 décembre 1832.

Plusieurs dispositions des projets maintenaient le département de la Seine et Paris dans l'état de choses fondé par la législation municipale de l'an VIII; d'autres les faisaient entrer dans le droit commun établi pour toute la France par la loi municipale de 1833; celles-là seulement qui créaient pour Paris une situation à part provoquèrent quelques débats.

Tout en appliquant au département de la Seine et à Paris le principe électif, le gouvernement proposait de n'accorder le droit électoral qu'aux électeurs politiques. Il portait à 44 le nombre des conseillers départementaux, dont 36 seraient élus par la ville de Paris, et 8 par les arrondissemens de Sceaux et de Saint-Denis. Le conseil départemental de la Seine devait, moins les huit membres nommés par Sceaux et Saint-Denis, composer le conseil municipal de Paris. La présidence en était attribuée au préfet du département, et les maires des arrondissemens en étaient exclus. Enfin, pour que le droit réservé au roi, de choisir les maires et les adjoints, pût s'exercer dans des limites convenables, chaque arrondissement élirait douze candidats spéciaux qui, réunis aux trente-six conseillers municipaux, formeraient la masse dans laquelle seraient pris les douze maires et les vingt-quatre adjoints. Ces dispositions tendaient, comme on voit, à réduire le nombre des électeurs et celui des conseillers, à assurer l'influence administrative dans les conseils, et à favoriser la prérogative royale, en élargissant le cercle dans lequel elle aurait à agir.

La commission chargée d'examiner ces deux projets de loi, les avait fondus en un seul et s'était attachée, ainsi qu'il résulta du rapport présenté par M. Delessert le 21 mars 1833, à combattre la tendance que nous venons de signaler. Elle avait élevé à 48 le nombre des conseillers municipaux; elle

avait augmenté la masse électorale en joignant aux électeurs politiques les citoyens portés sur la seconde liste du jury, les capacités qui, dans les autres villes, concouraient aux élections municipales; elle avait maintenu l'exclusion proposée contre les maires, mais en déclarant leurs fonctions compatibles avec celles de conseillers; enfin, au lieu de conserver la présidence du conseil au préfet, elle l'avait attribuée à un conseiller municipal, que le roi choisirait annuellement parmi les membres du conseil. Plus tard, elle revint sur le premier de ces amendemens, et rétablit le chiffre posé par le gouvernement, afin de s'éloigner le moins possible de la loi générale du 22 juin 1833, qui avait porté à trente, pour toute la France, les conseillers de département.

13 et 14 janvier. Les débats suivirent la marche qu'avaient tracée les amendemens de la commission, et ils furent presque exclusivement administratifs : cependant, au rôle bien dis→ tinct que prirent et gardèrent l'opposition et la majorité, il était facile de voir qu'ils renfermaient un intérêt politique.

Après avoir entendu, dans une courte discussion générale, M. Hector d'Aulnay, qui repoussait absolument le projet de loi comme impropre à fonder une municipalité réelle, et M. Delaborde qui, en l'appuyant, cherchait, par une comparaison des époques, à dissiper la méfiance avec laquelle les souvenirs effrayans de la commune révolutionnaire de Paris faisaient accueillir tout projet d'organiser la municipa. lité de la capitale par l'élection, la Chambre commença la délibération sur les articles.

Le débat s'établit d'abord sur le nombre des conseillers. MM. Salverte et Odilon-Barrot reprirent par amendement le chiffre le plus élevé que la commission avait fixé primiti vement, et qu'elle avait ensuite abandonné pour revenir à celui du gouvernement. M. Salyerte ne trouvait aucune proportion entre ce dernier chiffre et la population de la ville de Paris.

« Messieurs disait-il en terminant, le principe en matière de munici

palité est que le plus grand nombre possible de citoyens concourent à nommer un certain nombre de représentans proportionné au nombre même des électeurs. Or, ce n'est pas trop exiger que de demander quarante-huit membres pour une commune aussi vaste que celle de Paris; les objections que l'on fait sont toutes tirées d'un passé qui n'a rien de com mun avec le présent, et qui ne peut se reproduire. Dès lors je demande que vous suiviez le principe municipal, qui est d'accorder la plus grande latitude compatible avec l'ordre public.

» A moins qu'on ne me prouve que le nombre quarante-huit serait dangereux pour l'ordre public, je persiste, par les motifs qui avaient d'abord déterminé la commission, à demander que le conseil municipal soit comPosé de quarante-huit membres. »

M. Odilon - Barrot ne traita la question que sous le point de vue administratif, et c'était seulement pour la plus prompte et la meilleure expédition des affaires qu'il de mandait un plus grand nombre de conseillers. Ce fut sur le même terrain que se placèrent M. Jaubert et le ministre de l'intérieur (M. d'Argout) pour repousser l'amendement. Le premier orateur désavouait d'ailleurs toute pensée, toute appréhension politique et tout sentiment de défiance contre la population de la capitale.

L'amendement fut rejeté.

MM. Chapuys-Montlaville et Jousselin, renchérissant sur la proposition de la commission, qui avait élevé, par l'adjonc tion des capacités, à 16,500 le chiffre des électeurs municipaux, fixé à 14,500 par le gouvernement, voulaient qu'on portât, en abaissant le cens et au moyen de l'adjonction des officiers et des sous-officiers de la garde nationale, le nombre des électeurs à environ 30,000. La Chambre s'en tint à l'amendement de la commission, que le ministre de l'intérieur n'avait que faiblement combattu.

La question, importante et fort controversée, lant sous le rapport politique que sous le rapport administratif, de savoir s'il convenait que les maires fissent partie du conseil municipal, fut assez longuement débattue. MM. François Delessert, Debelleyme et Odilon-Barrot, ne voyaient aucune raison pour exclure les maires de Paris du droit acquis à tous les maires de France. Leur connaissance positive des besoins et des intérêts de la capitale rendait leur concours nécessaire ;

produits de l'élection, il satisfaisaient au principe fondamen tal de la loi, et nommés en même temps par le roi, ils ne pouvaient inspirer aucune crainte à l'autorité. Quoique dans Paris les fonctions des maires fussent restreintes par l'intervention du préfet de la Seine et du préfet de police, cependant leurs attributions les investissaient encore d'une haute puissance, et d'une grande influence sur l'ordre public; l'intérêt du gouvernement devait donc être d'ajouter à leur force, à leur action, et non de les affaiblir. Les orateurs opposés à l'adjonction des maires, MM. Charles Dupin et de Schonen, insistaient particulièrement sur la perturbation et l'anarchie qui résulteraient d'un état de choses où les maires, comme membres du conseil municipal obtiendraient une position supérieure relativement aux préfets, dont ils étaient les subordonnés dans l'exercice de leurs fonctions. Il aurait fallu au moins, selon M. de Schonen, pour diminuer le danger, attribuer voix délibérative et non pas seulement voix consultative, comme le faisait le projet de la commission, au préfet de police et au préfet de la Seine. Le ministre de l'intérieur appuyait fortement sur ces considérations.

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<< Il est une règle,disait-il, qu'il faut sévèrement maintenir, c'est celle de la subordination des pouvoirs; il faut veiller soigneusement à ce que la centralisation de l'administration de la ville de Paris demeure intacte. Ici je n'accuse pas les intentions, mais ce que l'on propose est un premier pas de fait pour décentraliser une administration qui fait la force et la sécurité de la capitale. »

Après avoir aussi entendu M. Vivien, qui repoussait de son côté l'adjonction des maires, parce qu'il la considérait comme pouvant donner trop d'influence au gouvernement, la Chambre décida que ces magistrats ne feraient point partie du conseil municipal; mais elle revint jusqu'à un certain point sur cette résolution par deux votes qu'elle rendit dans la séance suivante. Elle supprima d'abord un article qui pourvoyait au remplacement du conseiller municipal nommé maire, déclarant que ce maire resterait conseiller municipal avec voix délibérative; puis, en adoptant un amendement

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