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en prévention, aussi bien que le jugement, à ceux que la loi commune en investit; elle lève un empêchement, et rien de plus.

8 février. Il semblait difficile que, dans la discussion, la question se maintint sur ce terrain étroit. M. Cabet, en effet, ne l'accepta point telle que l'avait posée la commission. La proposition, suivant l'orateur, constituait la Chambre en cour d'accusation; elle exigeait donc que les faits fussent discutés : elle attentait à l'indépendance des députés, en établissant un précédent à l'aide duquel le gouvernement, servi par une majorité dévouée, pourrait atteindre successivement tous les membres de la minorité, et les enlever à l'accomplissement de leur mandat. L'autorisation de poursuite, pour faits politiques, ne devait être délivrée, par la Chambre, qu'avec la plus extrême réserve, seulement lorsqu'il y aurait péril en la demeure, et jamais pour délit de presse, car il fallait que la liberté de discussion fût illimitée, sans s'arrêter même, ni devant la Charte, ni devant la personne du roi. Après avoir émis ces principes généraux, M. Cabet commentait les articles incriminés, pour prouver que la demande d'autorisation n'était justifiée par aucun motif d'urgence et de nécessité, qu'elle n'était qu'une persécution, qu'une vexation du ministère contre lui, et il faisait, non dans son intérêt privé, mais pour le bien général, un devoir à la Chambre de la refuser.

Dans le cours de ce plaidoyer, que les centres avaient fréquemment interrompu de leurs marques d'improbation, M. Cabet avait personnellement attaqué le ministre de l'intérieur, comme impliqué dans un système de calomnie organisé contre lui par la police. Le ministre, sans toucher à la question principale, repoussa énergiquement l'attaque, et renvoya l'épithète de calomniateur à qui la lui avait adressée. Il s'ensuivit, au milieu d'une grande agitation de l'assemblée, un vif échange d'interpellations et de récriminations entre les deux orateurs, et la discussion s'animait de plus en plus,

la

lorsque la Chambre, sur la demande de M. Jollivet, prononça la clôture, malgré les réclamations de M. Salverte, qui, opinant dans le même sens que M. Cabet, jugeait que question intéressait tous les députés, et qu'elle devait, comme telle, être approfondie. La demande d'autorisation fut ensuite mise aux voix, et accordée sans autre débat. (Voyez la Chronique.)

Encore préoccupée du fatal combat dans lequel avait succombé le malheureux Dulong, l'assemblée avait assisté avec un sentiment pénible à l'altercation engagée entre M. Cabet et le ministre de l'intérieur, et ce ne fut pas sans satisfaction qu'elle entendit chacun d'eux désavouer, avant la fin de la séance, toute intention d'offense personnelle contre son ad

versaire.

L'affaire de M. Cabet n'avait pas eu toute l'importance qu'elle aurait pu prendre; la même séance vit encore avorter üne autre discussion incidente, à laquelle les partis s'étaient préparés depuis long-temps. Cette discussion eut pour objet un rapport commun sur vingt-neuf pétitions tendant à obtenir une réforme des lois électorales, au moyen soit d'un abaissement presque illimité du cens, soit de l'adjonction de diverses capacités. La commission des pétitions concluait unanimement à l'ordre du jour, ainsi que l'exposa M. Amilhau dans un long rapport. L'opposition avait demandé, dès le commencement de la séance, l'ajournement du rapport, en alléguant l'impossibilité de traiter un même jour deux sujets aussi graves que la réforme électorale et la proposition relative à M. Gabet; les mêmes objections furent renouvelées, après le rapport de M. Amilhau, par des membres d'opinions diverses. Ainsi, M. de Salvandy ne pensait pas qu'il convînt, au moment même où un grand scandale venait d'être donné, d'agiter encore des théories; c'était d'ailleurs une matière qu'il fallait ne pas resserrer, et qui exigerait tôt ou tard une délibération approfondie et une solution définitive. Invoquant l'état de préoccupation

et d'agitation dans lequel la discussion précédente avait laissé la Chambre, M. Berryer demandait aussi l'ajournement; le général Bugeaud le réclama également, dans l'intérêt de la question. Mais toutes ces demandes furent écartées, et la discussion dût s'ouvrir. Elle ne pouvait guère, dans ces circonstances, prendre tout son développement; la Chambre entendit seulement MM. Havin, de Sade et Mérilhou, qui combattirent les conclusions de la commission, et M. Viennet qui les appuya. L'ordre du jour fut ensuite prononcé à une grande majorité.

CHAPITRE IV.

Projet de loi sur la liquidation de l'ancienne liste civile. - Projet de loi sur l'état des officiers. Projet de loi relatif à des crédits supplémen❤ taires sur l'exercice de 1833. - Projets de loi sur les états-majors des armées de terre et de mer. Objets divers. — Proposition sur le divorce. -Projet de loi sur les attributions municipales. - Troubles à Paris. Projet de loi contre les associations.

Poursuivant le cours de ses travaux législatifs, la Chambre des députés s'occupa successivement de plusieurs projets de loi qui ne doivent pas nous arrêter long-temps, attendu qu'ils ne présentent qu'un médiocre intérêt historique, et que les discussions auxquelles ils donnèrent lieu n'amenèrent aucun fait remarquable.

Renvoyé de session en session, et repris enfin dans la session dernière, le premier de ces projets tendait à régler d'une manière définitive la liquidation de l'ancienne liste civile, qui avait déjà été plusieurs fois, de la part des Chambres, l'objet de mesures provisoires. Le ministère et les membres de la majorité trouvaient juste que l'état, qui avait profité des biens de l'ancienne liste civile, fût tenu de ses charges:ils invoquaient l'équité, la loyauté nationales en faveur des créanciers et des pensionnaires à titre onéreux, et l'humanité en faveur des pensionnaires à titre gratuit. L'opposition, de son côté, repoussait le projet de loi, en tant qu'il concernait les pensionnaires, par des considérations d'économie, qui lui semblaient devoir être toutes puissantes sur la Chambre, au moment où elle venait de se montrer inflexible envers les veuves des généraux Gérard et Daumesnil; et aussi par ce motif, que les pensions de l'ancienne liste civile étaient, pour la plupart, la récompense de services rendus pendant le cours de la révolution à la dynastie déchue, contre la cause du pays. Ce dernier argu

ment décida même l'adoption du principal amendement que subit le projet. Cet amendement, présenté par M. Charlemagne, supprimait tout secours alloué à ceux qui auraient porté les armes contre le gouvernement national depuis 1789, ou accordé en considération de cette conduite. L'ensemble du projet de loi fut adopté, le 13 février, après quatre jours de débats, à une majorité de 116 voix (201 contre 85). Ce projet ne terminait ni la question des créances, ni celle des pensions à titre gratuit. En le communiquant (3 mars) à la Chambre des pairs, le président du conseil exprima l'espoir que les Chambres corrigeraient plus tard la rigueur de la disposition qui excluait, d'une manière absolue, toute une classe de pensionnaires; M. le duc de Bassano, rapporteur de la commission qui examina le projet, témoigna de son côté la confiance (3 avril) que les vérificateurs des titres des pensionnaires atténueraient les effets rigoureux de la mesure; aux débats enfin (5 avril), MM. Mounier, de Fréville et de Tascher s'élevèrent fortement contre une exclusion entachée, suivant eux, d'un caractère réactionnaire, en opposition avec la générosité nationale, et avec l'esprit général du projet. Aucune voix ne s'éleva pour défendre la disposition ainsi attaquée, mais, craignant d'ajourner encore une décision impatiemment attendue de tous ceux qu'elle intéressait, la Chambre ne voulut introduire aucune modification dans le projet, et l'adopta à une très-grande majorité (110 voix contreg).

Pour obéir aux prescriptions formelles de la Charte, le ministre de la guerre avait déjà deux fois, en 1832 et en 1833, présenté un projet de loi tendant à assurer d'une manière légale l'état des officiers, mais les Chambres n'avaient pu jusqu'alors donner à ce projet le complément législatif. Le ministre de la guerre l'avait donc représenté à la Chambre des députés dans les premiers jours de la session de 1834(10 janvier) après l'avoir modifié conformément aux lumières qu'avaient répandues, sur la matière, les différens travaux dont elle avait été l'objet, tant au dedans qu'au dehors des

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