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n'avait pas fait preuve de tant de verve, d'abandon et d'originalité. Une ouverture éclatante, agile, mélodieuse; un trio habilement conduit et d'une allure franche et gaie; la scène de nuit, le finale, mais surtout un air chanté par Féréol, avec accompagnement de basson, tels sont Jes morceaux qui ont été plus particulièrement applaudis, et qui annoncent dans le musicien d'heureuses dispositions pour le genre bouffe.

28. Châlons-sur-Marne. Suicide. Un suicide extraordinaire a eu lieu à Châlons dans la nuit du lundi au mardi 27 janvier. Voici les circonstances qu'on rapporte :

Un ouvrier de Strasbourg se rendait à Paris. A Châlons-sur-Marne, il manqua la voiture, ce qui le contraignit de s'y arrêter et d'y chercher de l'ouvrage; accueilli comme compagnon menuisier dans un atelier, il s'y distingua le premier jour par une activité remarquable. A l'heure du coucher il quitta ses nouveaux camarades pour ne plus les revoir.

Son maître, ne le voyant point paraitre le matin, monta à sa chame bre, où il le trouva genoux dans l'attitude de la prière et de la méditation, il ne crut pas devoir Finterrompre. Plus tard it remonte s'approche de l'ouvrier et lui posant la main sur la tête, s'écrie: Cama rade, votre prière est un peu longue! Asson immobilité, au froid glacial de sa figure, le maitre menuisier recula effrayé, et la vérité se découvrit à ses yeux.:

Ce malheureux s'était suicidé en s'enfonçant dans le cœur un mort ceau de verre, détaché des vitres de la croisée; il paraît même qu'il avait eu le triste courage de s'y prendre à deux fois pour accomplit sou œuvre de destruction. 201 :

Un incident de la discussion de samedi à la Chambre, a été la cause première de ce duel. (Voyez l'Histoire, page 64).

Par suite des explications auxquelles avait donné lieu cet incident, M. Dulong avait écrit une lettre qui devait être publiée; mais il parait que, d'après les conseils de quelques amis, M. Dulong se décida, fort avant dans la nuit, à retirer cette lettre, et à se mettre à la disposition de M. le général Bugeaud.

Les témoins de M. Dulong étaient MM. Georges Lafayette et le colonel César Bacot. Ceux de M. Bugeaud étaient le général Rumigny et le colonel Lamy. Le général Bachelu, qui d'abord avait été témoin pour M. Dulong dans les explications qui eurent lieu, les jugeant tout-à-fait suffisantes, a refusé d'être témoin dans le combat.

Les deux adversaires ont été placés à quarante pas. Ils se sont avancés l'un sur l'autre, ct tenant tous les deux le pistolet ajusté. Ils avaient fait à peine chacun deux pas, lors, que le général Bugeaud a tiré, et M. Dulong est tombé sur le coup. La balle, qui l'avait frappé au front un peu au dessus du sourcil gauche, a pénétré dans la tête et n'est pas ressortie.

M. Dulong a été saigné sur le terrain par M. Jules Cloquet, et ramené chez lui dans la voiture de M. Georges Lafayette. A deux heures on lui a fait une seconde saignée très-abondante. Depuis qu'il a reçu le coup, il n'a pas repris connaissance un seul instant. A quatre heures il vivait encore, mais là gravité de sa blessure laissait bien peu d'espoir, et ce matin à six heures il a succombé.

La sensation produite par cette déplorable conséquence d'un usage qui devrait être enfin banni de nos mours, a été profonde et unanime. Tous les membres de la Chambre indistinctement se sont associés aux sentimens de douleur que devrait faire naitre la perte d'un collègue, jeune encore, et que de nobles qualités rendaient digne de leur estime They

1-30 Paris Duel politique. — Une rencontré, dont l'issue a été lajale pour l'honorable M. Dulong, a eu, hieu hier matin au bois de Boulogne entre lui et de général Bugeaud, membre de la Chambre des députés,

Le bal qui devait avoir lieu ce soir chez le président de la Chambre a été sur-le-champ contremandé.

M. Dulong ayant préféré courir les chances d'une mort trop certaine plutôt que de laisser publier sa let tre, remise au général Rumigny, on n'a pas vu sans surprise cette même lettre paraitre ensuite dans plusieurs journaux ministériels des départemens.

FÉVRIER.

Paris. Théâtre italien. 1re représentation de IL BRAVO, opéra en trois actes; paroles de M. Berestoni, musique de M. Marliani.-Ce Bravo (depuis le roman de Cooper, on sait généralement ce que c'était qu'un Bravo à Venise) est en rivalité d'amour avec un sénateur, sur lequel il finirait, malgré ses fonctions d'assassin à gages, par l'emporter dans le cœur de celle qu'ils aiment tous deux, s'il n'était arrêté comme conspirateur, jugé et étranglé, au grand désespoir de sa belle. Il ne faut pas s'arrêter sur ce drame qui manque de clarté et de vraisemblance, et qui, comme la plupart des libretti italiens, n'est qu'un cadre à cavatines, à duos, trios, etc. Ce cadre a été rempli assez heureusement par M. Marliani, jeune réfugié italien, don't It Bravo était le premier ouvrage important. Le succès a été complet et mérité, bien que la musique de M. Marliani pèche sous le rapport de la vigueur et de l'origi

nalité.

L'a

7. Election académique. cadémie des Inscriptions et BellesLettres, dans sa séance d'aujourd'hui, vient d'élire M. Victor Leclerc, doyen de la faculté des Lettres de Paris, à la place vacante par le décès de M. Pougens.

9. Chelmsford (Angleterre ). Nouvelle secte religieuse. - On a déjà parlé dans les journaux françaís d'une secte de fanatiques qui se propage en Angleterre, et qui se

prétend inspirée par l'Esprit-Saint dans la langue mystique et sacrée que parlaient Adam et Eve dans le paradis terrestre. Le chef de cette secte, dite de nouvelles lumières, s'est rendu à Chelmsford avec plusieurs de ses initiés. Une femme, surnommée l'Ange, parce que c'est elle que l'Esprit-Saint favorise plus particulièrement de ses inspirations, était debout, près de lui, dans une séance publique tenue en présence de deux ou trois cents personnes. Semblable à la pythonisse de Delphes, l'Ange a éprouvé tout à coup des tremblemens nerveux qui ont bientôt dégénéré en convulsions, horribles; puis cette femme, d'une voix mal articulée, a dit : Homony! mony ho! Cela signifie, a dit le grandmaitre de la secte, qu'il y a des mécréans dans la salle. Peut-être des mouchards, a ajouté un autre affi lié, Le chef s'est promené gravement au milieu de la salle, les mains dans ses poches, et a protesté qu'il ne de couvrait rien. Mony ho! ho mony disait l'Ange, dont les convulsions ne cessaient pas.

Il y a ici quelque chose d'étrange, reprit le grand-prêtre, mais un de nos frères est inspiré à son tour, nous

allons voir ce que c'est.

Alors un des frères prenant la parole a dit : « L'Esprit-Saint me révèle la cause du peu de succès de notre assemblée. Il nous retire ses faveurs en cessant d'inspirer notre Ange, parce qu'il vient de se passer dans notre congrégation une chose épouvantable: c'est l'abomination de la désolation! Apprenez que l'un de nous a'en même temps pour maitresses les deux sœurs. » A ces mots l'indignation la plus vive éclate dans l'assemblée; l'Ange s'écrie Zoros! zoro! toro tone! Tous les assistans répétent les mêmes paroles, dont le grand-prêtre leur fait ensuite connaitre la signification. Cela veut dire que chacun doit réparer ses péchés, et que celui de leurs frères qui a commis la faute d'aimer les deux sœurs doit sur-le-champ, épouser l'une d'elles, l'aînée ou la cadette à son choix.

10. Paris. Election académique. -M. le professeur Roux a été nommé aujourd'hui membre de l'Académie des Sciences; les suffrages se sont partagés de la manière suivante : 55 membres étant présens, la majorité était de 28. M. Roux a obtenu précisément ce nombre de voix; M. Breschet en a obtenu 26, et M. Lisfranc une.

10. Académie des Sciences. M. Becquerel, qui s'occupe d'un grand travail ayant pour objet de déterminer l'influence que peut exer cer l'électricité sur la végétation, présente aujourd'hui un fait isolé, mais bien tranché, qu'il était important de montrer pendant que les plantes soumises à l'expérience sont dans toute la force de la végétation.

M. Becquerel a mis dans un vase contenant de l'eau avec un millième de sel marin, quatre ognons parfaitement semblables. Deux de ces ognons ont été abandonnés aux conditions ordinaires; le troisième a été mis en communication avec le pôle positif d'une très-faible pile, et le quatrième a été mis en communication avec le pôle négatif.

Les deux premiers ognons sont encore peu avancés dans leur végétation, le troisième ne l'est guère davantage, tandis que le quatrième est bientôt prêt à donner des fleurs; c'est donc le pôle négatif qui semblerait le plus propre à activer la végétation; on remarquera que c'est aussi le pôle où se produit de l'al'cali: est-ce à cette dernière circonstance seulement ou bien à l'électricité elle-même qu'il faut attribuer l'effet que nous signalons? C'est ce que la science décidera plus tard.

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13. Cour d'assises de la Seine. -Proces de M. de Kergorlay et de la Quotidienne. Une nombreuse af fluence de dames élégantes remplit les banquettes réservées dans l'au ditoire.

nus devant la cour d'assises pour attaques contre les droits que le roi tient du vœu de la nation française, exprimé dans la déclaration du 7 août et de la charte constitutionnelle.

Les articles inculpés sont au nom. bre de deux, et renfermés dans le même numéro de la Quotidienne, en date du 12 novembre dernier.

Le premier article est une lettre adressée à M. le président de l'assemblée électorale convoquée à Méru (Oise), signée comte Florian de Kergorlay, électeur. Le second article est la relation d'un voyage à Prague.

M. le président : M. de Kergorlay, vous reconnaissez-vous l'auteur de la lettre dont il s'agit?

M. de Kergorlay: J'en suis auteur, et j'en ai demandé l'insertion. M. Aylies, substitut du procureur général Nous requérons la

lecture des articles.

M. Berryer, avocat de la Quoti dienne: Je préférerais les lire moimême.

M le président: lisez-les.

M. Berryer lit avec accent la lettre insérée dans le N° du 12 novembre. Elle est adressée à M. le président de l'assemblée électorale chargée de l'élection des membres du conseil-général du département de l'Oise, convoquée à Meru pour le 10 novembre 1833. En voici les principaux passages:

« Le légitime successeur de nos rois légitimes est Henri V: par l'abdication de son aïeul et de son oncle, il est devenu, le 2 août 1830, le roi légitime de tous les Français fidèles à la loi fondamentale de leur pays.

» Dès le 9 du même mois, j'eus soin de me déclarer l'un de ces fidèles Français. C'était le jour même où le premier sujet du jeune roi venait de s'asseoir sur son trône. Trouvant accomplie, à l'instant même de mon arrivée à Paris, cette violation du premier des droits publics des Français, je me hâtai de Le greffier donne lecture de l'ar-m'en laver en écrivant aussitôt au rêt de la chambre d'accusation de la président de celle des Chambres lécour royale, qui renvoie les préve- gislatives dont j'étais membre une

Jettre que je me fis un devoir d'adresser également à tous mes concitoyens par la publicité que je lui donnai immédiatement.

"J'y rendais à Henri V l'hommage de fidélité que je lui renouvelle aujourd'hui. Depuis lors, j'ai refusé deux fois, l'une comme membre du conseil général du département de l'Oise, l'autre comme pair de France, le serment qui m'était demandé et qui était réprouvé par ma conscience; ce même serment, je le refuse une troisième fois aujourd'hui comme électeur. >>

Le second article, étranger à M. de Kergorlay, est une lettre de Prague en date du 2 novembre. On y rend compte de l'entrevue qui aurait eu lieu vers la fin de septembre, à Leoben, entre la duchesse de Berry et ses enfans, 'et l'on y rapporte en entier le discours qui aurait été tenu au duc de Bordeaux, au nom d'une prétendue députation de cette ville. L'organe de M. Berryer s'affaiblit par degrés en lisant cette lettre, son émotion redouble et des larmes roulent dans ses yeux lorsqu'il arrive à ce passage:

« Montez donc sur le pavois, rọi de France, marchez à vos hautes destinées! Le Français fidèle vous consacrera de ses vœux et de ses acclamations! Autrefois le palais de vos pères nous eût réunis près d'un trône, peut-être attirés par sa puissance ou séduits par son éclat. Sire, sur cette terre que vous foulez, nous sommes plus dignes de votre majesté. »

Je ne puis, dit M. Berryer en s'interrompant tout à coup, jetant loin de lui le journal et se rasseyant, le visage caché entre ses mains, je ne puis lire de pareilles choses!

A ces mots, à cette espèce de coup de théâtre, de vifs applaudissemens éclatent au fond de l'auditoire.

M. le président: Je ne puis permettre de pareilles interruptions: j'ordonne que toute la portion de l'auditoire qui est debout, et d'où sont partis les applaudissemens, évacue la salle à l'instant même. Je prendrai la même mesure și, dans

la suite, d'autres marques d'approbation ou d'improbation viennent troubler l'audience.

Les personnes désignées par M. lc président sont conduites hors de la salle, non sans peine, par les huissiers et les sergens de ville. L'audience est reprise après une courte interruption.

M. Aylies, substitut du procureurgénéral, soutient avec force la prévention.

M. de Kergorlay se lève et lit un discours écrit dans lequel il développe les principes de sa lettre. Au moment où il se met en devoir d'établir que Louis-Philippe, en se faisant déclarer roi, a commis un acte déloyal...

M. le président: Vous nuisez par ces déclamations à votre propre défense; je vous invite à tenir un autre langage.

M. de Kergorlay: Il est évident que Louis-Philippe ne doit être regardé que comme un simple particulier, tant que le suffrage universel n'aura pas sanctionné son élévation au trône.

M. le président : Décidément nous ne pouvons vous laisser professer de pareils principes. Ayez la bonté de parler autrement, ou je consulterai la cour pour savoir si la parole doit vous être maintenue.

M. de Kergorlay: On ne peut m'empêcher de protester en faveur de nos droits politiques méconnus.

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Le prévenu continue et arrive aux affaires de la Vendée. Il expose sa théorie sur les réfractaires. Qu'estce qu'un réfractaire? dit-il. C'est tout bonnement un citoyen qui n'a pas été consulté sur le changement de la constitution. (Violens murmures.)

M. le président: Vous abusez des droits de la défense: je vous en supplie, parlez autrement; le ministère public serait obligé de prendre des

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c'est le grand age du prévenu qui nous empêche de requérir immédiatement sur les délits qu'il s'est permis à l'audience. Nous nous contenterons de joindre nos exhortations et nos supplications à celles de la cour, pour qu'il ait à cesser un pateil scandale.

M. de Kergorlay achève son dis

cours.

M. Battur, avocat de M. le comte de Kergorlay, et M. Berryer, avocat du gérant de la Quotidienne, plaident pour les prévenus.

D'après la déclaration du jury, M. de Kergorlay et M. Dieudé ont été acquittés.

Ia

15. Anvers. Sinistre maritime. Un événement de mer qui a eu les Suites les plus affreuses est ainsi raconté par un journal de cette ville. - Le capitaine Wood, du brick américain le William-Thatcher arrivé en ce port, se trouvant par titude 400 1/2 et longitude 470 20, aperçut, le 18 janvier, la carcasse d'un navire. Immédiatement il fit Voile pour y arriver; il vit bientôt deux hommes luttant contre la mort, et dont il fut assez heureux pour s'approcher avec son canot. Il parvint les sauver et à les conduire à bord de son navire.

Le navire naufragé est le Lucy, de Pasdtow (Cornouailles) parti le 19 décembre dernier du Canada pour Pasdtow avec un équipage de onze hommes; il coutinuait sa route au milieu de tempêtes continuelles, Torsque le 31 il fut renversé par un violent coup de vent.

Le capitaine et un novice furent noyés immédiatement. Les 9 autres marin's se cramponnèrent alors sur le flanc du navire, et ne purent que recommander leur âme à Dieu; ils restèrent près de 24 heures dans cette situation; alors le mât de misaine, le grand hunier et le beaupré se détachant du navire, il se redressa, et les 9 hommes grimpèrent sur le pont, où tout avait été emporté par les lames; la coque du navire était remplie d'eau jusqu'au pont sur le quel ils étaient; ils montèrent sur

le grand mât, qui était encore debout, afin de voir s'il n'y avait pas de navires en vue, mais vainement. Dans cette position, dont l'horreur ne peut s'exprimer, devant l'aspect d'une mort lente et inévitable, ces infortunés eurent recours à la prière et à Dieu; ils n'eurent pendant 11 jours pour toute nourriture qu'un chat, un rat et 6 chandelles; n'ayant pas d'eau fraiche ils furent obligés de boire leur urine. Un peu de pluie recueillie sur la grande voile qui se trouvait encore au mât leur fournit ensuite quelques moyens d'éteindre la soif qui les dévorait. Le 9 janvier à la brune ils aperçurent un troismâts à perte de vue pendant l'espace d'environ dix minutes; ils firent on signal avec un morceau de matelas, mais le navire disparut. Le 11 janvier, à 9 heures du soir, le cuisinier fut emporté par une lame d'eau, n'ayant plus la force de sé soutenir. Depuis le ro, ils étaient sans nourriture aucune, et virent mourir successivement leurs malheureux camărades dans d'horribles convulsions.

Le 15 janvier, le dernier ayant expiré, la fajm força les deux survivans à l'ouvrir avec leurs couteaus de poche et à faire un horrible repas; le temps s'éclaircit, ce fut la seule belle journée qu'ils eurent pendant ce funeste voyage. Le cadavre de leur dernier camarade étant submergé ils ne pouvaient plus s'en servir et la soif qui les dévorait aurait mis fin à leurs tourmens et à leur existence avant la fin de la journée, lorsqu'ils furent secourus.

19. Luxembourg. Suicide. — On lit aujourd'hui dans le journal de Luxembourg: Samedi dernier, vers onze heures du matin, un ancien sous-officier d'artillerie, appartenant à la compagnie dite de garnison (invalides) et faisant le service de garde des fortifications, se rendit dans l'intérieur des casemates du fort le Bouc et chargea d'un boulet de trois livres une

pièce de canon dont la bouche était dirigée sur la ville basse du Grund, à travers une meurtrière fermée de plusieurs barreaux de fer.

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