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(Extrait d'un rapport fait par l'administration du timbre). L'augmentation considérable qu'on remarque dans le nombre des timhres employés par le Bon sens, d'une année à l'autre, provient de ce que ce journal, qui n'était d'abord qu'hebdomadaire, est devenu quotidien.

NOTE

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES ARTS ET DES LETTRES

EN 1834.

SALON DE 1834.

Ce qui fait l'éclat et la gloire d'un salon, ce sont ordinairement quatre ou cinq ouvrages qui éveillent l'attention avec force et persévérance, pour lesquels le public se passionne, et dont vous entendez dire pendant tout le cours de l'exposition: «Avezvous vu tel tableau? Allez donc voir tel tableau. » Or, c'est là précisément ce qui manquait au salon de 1833, remarquable d'ailleurs par un bon nombre d'excellentes productions d'un ordre secondaire; et si, sous ce rapport, le salon de cette année a été mieux partagé que le précédent, il le doit uniquement à deux tableaux, complétement opposés de style, de caractère, de but, de conception et d'exécution, fort diversement jugés, mais auxquels les élèves, les maîtres, les connaisseurs, les critiques se sont attachés avec une telle exclusion, qu'on cût dit d'abord que l'exposition ne se composait que de ces deux tableaux : l'un, de M. Ingres, représente le Martyr de Symphorien; l'autre, de M. Delaroche, l'Exécution de Jane Gray.

Le tableau de M. Ingres n'a pas eu auprès du public autant de succès qu'il a fait de bruit; la cause principale en est dans une ordonnance qui ne permet pas au spectateur de s'y reconnaitre facilement : le jeune Symphorien, qui a refusé d'adorer les faux dieux, cst conduit hors des murs d'Autun, pour être mis à mort;

au moment où il sort des portes de la ville, sa mère, du haut des murailles, encourage son fils de la voix et du geste, en lui rappelant la récompense que Dieu lui destine dans le ciel; le jeune martyr se retourne vers elle pour lui dire un dernier adieu et lui montrer qu'il est prêt à braver tous les tourmens. Cependant le gouverneur romain fait signe aux licteurs d'avancer et semble désigner le lieu du supplice. Tels sont les trois principaux acteurs de cette scène : ils sont accompagnés d'une foule d'autres personnages secondaires, dont la multiplicité est l'un des plus grands défauts de cette composition : l'air y manque beaucoup trop, de sorte qu'on n'y distingue aucun plan, et toutes ces figures superposées comme autant de corps adhérens l'un à l'autre, produisent une si grande confusion que l'on ne parvient pas sans une assez longue étude à guider son esprit dans ce chaos. Cette étude faite, on s'aperçoit que plusieurs de ces personnages secondaires nuisent à l'effet que devraient plus exclusivement produire le saint, sa mère et le gouverneur. Les deux soldats qui portent, celui-ci l'enseigne, celui-là l'édit de Dioclétien contre les chrétiens, attirent trop les yeux et par l'espace qu'ils occupent et par l'etrangeté de leur aspect. Il faut en dire autant des licteurs qui entrainent le jeune martyr, et dont la conformation singulière, dans la préoccupation qu'elle cause, est un

sujet d'étonnement plutôt que de plaisir. Il y a dans ces licteurs une exagération des effets visibles du jeu musculaire, un luxe de détails anatomiques, un gonflement des veines que rien n'explique et qui passe toutes les bornes. M. Ingres et assurément un dessinateur savant et consciencieux, et toutefois on ne peut s'empêcher de trouver ici plus d'une main, plus d'un bras, plus d'une jambe, dont la forme n'est pas irréprochable, dont l'attitude est cruellement tourmentée.

Dans cette masse de choses pénibles à voir, quelques parties sont remarquablement belles on peut citer sous ce rapport, une mère qui presse son enfant contre son sein, comme une figure du dessin le plus fini et le plus étudié, du goût le plus suave et le plus gracieux; un homme du peuple qui, à l'aspect du martyr calme et plein de courage, se sent pénétré par la foi; un cavalier qui regarde d'un air menaçant la mère de Symphorien, et enfin un adolescent qui s'apprête à lui jeter une pierre. Ces deux dernières figures sont pleines de passion et d'énergie. Quant à la mère de Symphorien, il nous semble que la façon dont l'artiste l'a représentée, allongeant le bras et fermant le poing avec une sorte de fureur, ne convient pas au caractère d'une piété fervente, mais calme; à une âme courageuse, mais résignée et pleine de confiance en Dieu, telle que l'histoire les attribue à cette femme chrétienne. Le martyr mérite de grands éloges: on lit dans ses traits de la fermeté sans ostentation, et le saint enthousiasme d'un homme courageux convaincu qu'il marche à la gloire et au bonheur éternel, en marchant à la mort: sa pose est aussi simple que noble; son expression est admirable: c'est un type de la douceur et de la force évangéliques, combinées de la manière la plus heureuse. Cependant ces quelques belles parties, outre des lignes savantes, des têtes fortement caractérisées, des draperies assez bien jetées, ne paraissent pas avoir compensé suffisamment aux yeux du public la

mauvaise disposition de la scène, l'agglomération confuse des personnages, la saillie outrée au-delà de toute expression des muscles et des veines, et surtout le ton uniformément gris et blafard, terne et sans illusion de la couleur générale. A la vérité, ce ton est à peine un défaut dans le système de M. Ingres; système qui consiste à viser à l'idéal, à exprimer par les formes une pensée sublime dont l'imagination de l'artiste est avant tout préoccupée.

M. Delaroche ne tend pas au même but; il s'arrête au vrai, il se borne à l'imitation d'une réalité choisie: M. Ingres veut être un poète, M. Delaroche un historien: il est glorieux de réussir à l'un comme à l'autre de ces deux titres: la Mort d'Elisabeth, les Enfans d'Edouard, Cromwell avaient déjà placé haut M. Delaroche comme peintre d'histoire, et le voici qui s'élève encore dans son tableau de Jane Gray.

La mort cruelle de cette jeune femme si douce, si intéressante, si belle, qui expia sur l'échafaud des intriguesdont elle était complétement innocente, bien qu'elles tendissent à lui mettre la couronne d'Angleterre sur la tête, offrait à M. Delaroche un de ces sujets qu'il affectionne, parce qu'ils excitent un puissant întérêt dramatique, dès qu'ils sont présentés avec cet art, ce goût, cette habileté dont il a donné de si brillantes preaves. Jane Gray, les yeux couverts d'un mouchoir, est à genoux et cherche en étendant les bras en avant, le billot où elle doit poser sa tête ; un vieillard l'assiste à ses derniers momens: deux de ses femmes l'ont aidée jusqu'alors; mais vaincues par la douleur, l'une s'est évanouie, l'autre s'appuie le visage contre la muraille pour ne pas voir l'affreuse catastrophe qui se prépare : l'exécuteur, debout, immobile, attend en silence et avec une sorte de respect mêlé de pitié, que la tête soit placée sur le billot, prêt à saisir la hache de sa main gauche. C'est là toute la composition de M. Delaroche, composition élégante, châtiée, harmonieuse, touchante comme

une

tragédie de Racine. Sans doute elle
n'est pas exempte de tout reproche :
il y a là des formes un peu grêles, le
ton de la couleur dans certaines
parties est un peu sourd, quelques
contours pourraient se faire mieux
sentir; mais combien de beautés du
premier ordre rachètent ces légères
imperfections! Où trouver une scène
dont toutes les circonstances soient
expliquées avec une clarté plus par-
faite? Que ce spectacle, qui semblait
ne pouvoir être qu'horrible, émeut
et pénètre profondément! Rien de
mieux rendu que ce mélange de force
d'âme et de défaillance corporelle
que demandaient le caractère connu
de Jane Gray et la faiblesse de son
âge et de son sexe. Le désespoir des
suivantes est exprimé avec simplicité
et précision, sans contorsions, sans
cris sans grimaces. Le vieillard
placé auprès de Jane Gray et le
bourreau sont deux figures égale-
ment admirables. Aucun épisode
superflu, aucun appareil théâtral,
et l'on est d'autant plus touché que
chaque personnage offre le degré
d'expression le plus simple, le plus
convenable. Quant aux difficultés
matérielles de l'art, on sait avec quel
talent le peintre en triomphe; nous
n'étonnerons donc personne en di-
sant que la lumière, conduite avec
une adresse infinie, frappe, glisse et
se perd sur tous les person pages, de
manière que chacun d'eux n'attire
l'oeil du spectateur qu'autan' qu'il
doit l'intéresser; que le dessin est
remarquable de pureté et d'élégance;
que la touche est exempte d'aspérités
et d'épaisseur, quoique large et fa-
cile; que les étoffes et les carnations
sont traitées avec une habileté de
pinceau qui rappelle les grands co-
loristes; que l'harmonie du ton gé-
néral et l'aspect du tout ensemble
nę laissent rien à désirer. En un
mot, dans cette production, où tout,
les caractères, les poses, les détails
accessoires, concourt au grand inté-
rêt du sujet, l'artiste a trouvé le
secret de captiver à la fois les savans
et les ignorans, d'être populaire et
de se maintenir dans une sphère d'i-

dées d'un ordre élevé.

Un tableau qui a mérité d'attirer presque aussi vivement l'attention générale que le précédent, bien que par ses dimensions et la familiarité du style, il n'appartînt pas au genre historique, c'est celui dans lequel M. Granet a représenté Le Poussin recevant, avant d'expirer, les soins du cardinal Massimo et les secours de la religion. On est d'abord frappé, en contemplant cette production, de la manière savante et habile avec laquelle elle est composée; de la simplicité, de la vérité, de la grandeur qui se font remarquer dans son exécution. Sans doute le pinceau libre et expéditif de l'artiste ne lui permet pas toujours d'étudier assez son dessin, de préciser scrupuleusement ses contours; mais à la distance où ses ouvrages doivent être regardés, ces imperfections disparaissent, et l'on n'aperçoit plus que l'extrême naïveté du coloris des chairs et de tous les les objets ; que l'heureuse distribution de la lumière qui pénètre partout avec discrétion, et fait, du premier coup, reconnaître le peintre consommé dans l'entente du clair obscur.

Si maintenant nous revenons aux tableaux qui, sinon par la nature du sujet, par la sévérité et l'élévation du style, du moins par l'étendue du cadre ou la grandeur des figures, peuvent être appelés tableaux d'histoire, nous trouverons çà et là quelques parties dignes d'éloges, mais non

un ouvrage

ne

complet, une composition hors de
ligne. Le Noë maudissant ses fils,
de M. Signol, s'il ne détruit pas les
espérances que l'on a été fondé à
concevoir de cet élève de Rome
les réalise pas non plus ; ce tableau
offre d'ailleurs
une pantomime
théâtrale et une propension à l'exa-
gération dont il importe à M. Signol
de se garder. M. Ziegler, dont on a
justement remarqué le Giotto, l'an-
née dernière, soutient cette année
sa précoce renommée par la Fin du
combat: c'est saint Georges qui a
vaincu Satan sous la forme d'un
dragon; la disposition du dragon,

impression sur le spectateur. Une figure de Medora, de M. Scheffer ainé, se distingue par une grande finesse, par une grande pureté de contours. Ici le voile nuageux que cet artiste a si souvent jeté sur sa toile complétement disparu. Dans une composition de deux fi gures, qui nous montre le vieux comte Eberhard, dit le larmoyeur, pleurant sur son fils mort, le même M. Scheffer a mis ce que son talent sait si bien rendre, une expression vraie, touchante et profonde : les deux têtes sont exécutées avec une rare perfection. Un tableau qu'il est également difficile de contempler sans attendrissement, c'est la Mort de Jean Goujon. Cette composition, bien pensée et pleine d'intérêt, d'un dessin digne d'éloge et d'une couleur vraie, fait honneur à M. Debacq. M. Monvoisin, en peignant Jeanne, reine de Castille, dont la raison s'égare au moment où elle voit expirer son époux, a fait un ouvrage intéressant dans lequel le mérite d'un pinceau ferme et brillant se joint à celui d'une composition simple et vraie. La pantomime de Jeanne est très-dramatique, et l'on démêle bien dans les traits de son fils, qui fut connu plus tard sous le nom de Charles-Quint, toute la sécheresse d'àme du futur empereur.

du saint, et du cheval dont celui-ci vient de descendre, est heureuse; la couleur ne manque ni d'éclat ni de vérité ; l'exécution est énergique et franche; le dessin a de la hardiesse; toutefois, l'auteur du Giotto avait déjà suffisamment prouvé qu'il savait peindre une figure, et il nous devait une composition plus importante. Le Combat de l'Hôtel-de-Ville au 28 juillet 1830, où l'on trouve la touche habile de M. Schnetz, une bonne ordonnance et quelques figures d'une expression remarquable, n'est pas à la hauteur des autres ouvrages de cet artiste. M. Vauchelet a fait preuve d'un talent estimable dans une Assomption de la Vierge. On a pu louer, dans la Tentation de saint Antoine, par M. A. Brune, un dessin ferme et savant, le modelé et l'expression de quelques personnages; mais le jaune et le noir qui dominent ici, et l'effet de lumière, quelque vrai qu'il puisse être, n'ont pas eu tous les suffrages; en somme, ce tableau ne l'emporte pas sur le beau portrait que l'auteur avait exposé au salon précédent. M. Roqueplan n'a pas été non plus très-heureux dans une Scène de la Saint-Barthélemy, dont le roman de M. Mérimée lui a donné l'idée. Outre que le sujet ne s'explique pas facilement, cette production laisse à désirer un faire plus solide, une lumière plus vraie, et une beauté plus gracieuse dans la maîtresse de Mergy. Comme ouvrage du premier peintre qui nous soit venu de la Russie, et comme le plus grand de tous les tableaux de salon, le Dernier jour de Pompei, par M. Bruloff, a quelques droits à notre attention: la composition de cette grande machine n'est pas sans Les compositions d'un genre temmérite; le désordre, l'effroi, le dé- péré, les scènes familières, les susespoir de la population, et tous les jets anecdotiques, abondent comme signes précurseurs de la catastrophe, de coutume au salon de cette année, sont rendus avec sentiment; plu- et c'est encore là que la peinture sieurs figures se recommandent par, française se montre avec le plus d'ala correction des formes : néanmoins le tableau en général manque de caractère et de verve; il est d'une couleur fade, invraisemblable, et ne produit qu'une très-médiocre

Trois tableaux de M. Delacroix, la Bataille de Nancy, l'Intérieur d'un couvent de dominicains à Madrid, des Femmes d'Alger dans leur appartement, ne peuvent donner lieu à aucune remarque nouvelle sur le talent de cet artiste, que des études sérieuses auraient mis sans doute au rang de nos peintres les plus distingués.

vantage. M. Roqueplan a representé avec une grande finesse d'esprit et de pinceau un vieil amateur qui, malade et endormi dans son cabinet, se réveille au bruit que font

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