HONNI SOIT QUI MAL Y PENSE.
AIR: Dans cette retraite à quinze ans. (Des Visit.)
Sur le monde en jetant les yeux, Sans doute il est permis d'en rire; J'aime assez les propos joyeux Qu'assaisonne un grain de satire. Quelques tableaux, point de portraits, Je déteste la médisance:
Sans amertume, sans apprêts
J'esquisse au hasard quelques traits; Honni soit qui mal y pense.
Sous les regards de ses parents, Laure, élevée avec décence, Ne reçoit pas de jeunes gens, Excepté son maître de danse. Cependant son cœur est atteint D'un mal qui croît dans le silence; L'éclat de ses yeux, de son teint Depuis deux ou trois mois s'éteint; Honni soit qui mal y pense.
Dans un Caton de vingt-cinq ans La sagesse est chose bien fade;
J'aime mieux les défauts brillants
Du séduisant Alcibiade.
La Grèce entière qu'il charma Eut pour lui la même indulgence; Le divin Socrate l'aima,
Il l'instruisit, il le forma; Honni soit qui mal y pense.
On se plaint de ces écrivains Qui, dans leur rage famélique, Versent sur des talents divins Les flots d'une amère critique. Les insectes au meilleur fruit
Donnent toujours la préférence. Gloire à l'instinct qui les conduit, Gloire à la main qui les détruit ; Honni soit qui mal y pense.
Verseuil est tout surpris
Qu'à son retour d'un long voyage Sa femme lui présente un fils. Très gravement il l'envisage. Laissez-moi compter par mes doigts, Dit-il, la chose est d'importance. Je suis parti depuis vingt mois, Le cher enfant n'en a que trois; Honni soit qui mal y pense.
Vêtu d'un justaucorps mesquin, Paul vient à pied de son village;
Je vis arriver mon faquin,
En sautoir portant son bagage.
Il a des terres, des châteaux;
D'où lui vient donc tant d'opulence? Il a fourni les hôpitaux,
Il a prêté ses capitaux;
Honni soit qui mal y pense.
Vantez-nous ce globe maudit, S'écrie Alceste qui l'abhorre; L'hiver, le froid nous engourdit, L'été, le soleil nous dévore; Pour la vertu sont les revers, Le vice prospère, on l'encense. Mais dans ce maudit univers, On fait l'amour, on fait des vers; Honni soit qui mal y pense.
AIR: Aux soins que je prends de ma gloire.
Je fais par-delà les croisades
Remonter mes nobles aïeux;
Sur ce point vous devez m'en croire, Je cite les temps et les faits; Rapportez-vous-en à l'histoire...., A l'histoire que je vous fais.
Si dans mes plaintes éternelles, Regrettant mes anciens châteaux, Je soutiens que les lois nouvelles M'enlèvent mes droits féodaux;
De la vanité la plus pure
Tenez-moi bien pour convaincu;
Les malheurs du temps, je vous jure,
Ne m'ont pas fait perdre un écu.
Si, par une risible audace, Auteur de quelques madrigaux, Je prétends siéger au Parnasse, Entre Voltaire et Despréaux; consens que l'on me bafoue, Et qu'on montre au doigt le dindon Qui se gonfle en faisant la roue Auprès des oiseaux de Junon.
Si de cent maîtresses fidèles J'affiche par-tout les faveurs, On voudra connaître les belles Dont l'amour m'a soumis les cœurs : Que ces recherches importunes Ne hâtent pas votre réveil.
Plusieurs de mes bonnes fortunes
Sont le secret de mon sommeil.
Si du carrosse où je m'élance, A l'exemple de bien des gens, Je jette un regard d'insolence Sur de vieux amis indigents; En voyant ma sotte figure, Dites, en riant de pitié:
Ce n'est qu'un faquin en voiture; Il valait beaucoup mieux à pié.
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