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Mais si par l'aveugle déesse
Je ne suis jamais visité,
Si par humeur elle me laisse
Dans mon heureuse obscurité;
A me passer de ses largesses
Sans le moindre effort je consens,
Puisqu'il faut payer les richesses
De la perte de son bon sens.

ADIEUX A SOPHIE.

ROMANCE. (1786.)

Air: O toi qui n'eus jamais dû naître.

O toi que j'aime avec ivresse,
Pour qui je voulais exister!

C'en est fait, l'illusion cesse,
L'honneur parle, il faut te quitter.
Gloire frivole,

Trompeuse idole,

C'est au cœur à t'apprécier.

O ma Sophie!

Tu m'es ravie,

Et l'on me parle de laurier.

Mais déja la barque fatale
Sillonne l'humide élément,
Et loin de la rive natale

Les vents entraînent ton amant.

Il ne me reste

(Trésor funeste)

Du bonheur que le souvenir,

L'horreur présente

Qui me tourmente,

Et des larmes pour l'avenir.

Des mers la vaste solitude

Nourrit et flatte ma douleur;
Seul avec mon inquiétude,

J'y retrouve toujours mon cœur.
Si la tempête

Vient sur ma tête

Balancer ses traits suspendus;

D'un regard ferme,

Je vois le terme

Des jours que tu n'embellis plus.

Adieu pour jamais, ma Sophie;
Adieu sans espoir de retour.
Le rêve trop long de la vie
Doit finir où finit l'amour.

De l'existence,

L'indifférence

Peut traîner le poids sans gémir;

J'ai vu tes charmes,

J'ai vu tes larmes,

Je te perds, il faut bien mourir.

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(bis.)

C'EST TROP FORT.

Air: Ça n'se peut pas.

De deux amants en tête-à-tête
Hier j'ai surpris l'entretien,
Et de cette aventure honnête
Je veux être l'historien.

Contons la chose avec franchise;
Qu'on nous entende sans effort;

Mais craignons pourtant qu'on ne dise:

Ah! c'est trop fort!

Dans le fond d'un boudoir, qu'éclaire
Le plus aimable demi-jour,

Ursule voit entrer Valère;

Son cœur bat d'espoir et d'amour.

Enfin à mes vœux tout conspire,

Et l'Amour me conduit au port;
Depuis deux grands mois je soupire;
Ah! c'est trop fort!

Tout en disant ces mots Valère
S'avance et tombe à ses genoux.
Ursule prend un ton sévère,
Que dément un regard plus doux.
-Ce début me semble un peu leste;

POÉSIES LÉGÈRES.

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Entre nous tout n'est pas d'accord:
Mais sur-tout, monsieur, point de geste!
Ah! c'est trop fort!

C'est donc en vain que je me fâche?
Ah! n'accusez que VOS appas.
Non, vous poursuivez sans relâche
Un but que vous n'atteindrez pas.
Contre une sagesse invincible
Qu'attendez-vous d'un vain transport?
Vous le voyez, c'est impossible:
Ah! c'est trop fort!

-Je prétends faire ce miracle;
Espérez tout de mon ardeur:
Je m'irrite contre l'obstacle
Que franchit toujours un grand cœur.
Desir naît et pudeur s'oublie;
Ursule, en accusant le sort,

Disait d'une voix affaiblie :

Ah! c'est trop fort!

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On a bien tort de s'y fier;

Le vainqueur dans un champ fertile
Ne moissonne qu'un seul laurier;
Et de cette aventure unique

La belle, confuse d'abord,

Murmurait d'un ton ironique :

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