nale, et a pour but d'empêcher que l'air extérieur n'enfonce | sont en dehors du tube; quand le chariot est en bas et atta- | réussissent, renverseront complétement le système actuel. la bande de cuir dans le tube quand le vide s'opère; la plaque inférieure remplit la rainure lorsque la soupape est fermée, et en terminant ainsi le cylindre dans sa partie supérieure, empêche que l'air ne dépasse le piston. La figure 6 représente une section transversale du tube de propulsion dans un point où la soupape longitudinale est fermée et immédiatement après le passage de la tige de propulsion; R représente le rouleau qui marche en avant du tube N, et qui ferme la soupape après le passage de la tige. N est le tube rempli de charbons incandescents destinés à fondre la composition de cire et de suif placée en F (fig. 5); I est la couverture soulevée; MM est le manchon d'assemblage des deux tubes consécutifs, o o les oreilles au moyen desquelles le tube est fixé sur les traverses de la voie. La figure 7 représente la coupe transversale du tube au moment du passage de la tige verticale C. On voit quelle est la forme donnée à cette tige. V est le système d'attache de la tige au chariot de tête; pp sont les plaques de fer qui lient ensemble le piston, la tige et le contrepoids, et qui soutiennent les galets H H. Une seule chose nous reste à expliquer, c'est comment le piston peut s'insérer dans le tube de propulsion, sans permettre à l'air extérieur d'entrer en même temps que lui, et comment il peut quitter le tube et le refermer après en être sorti. Les méthodes employées pour parvenir à ces deux résultats ne sont pas les parties les moins ingénieuses du système que nous examinons. Le tube (fig. 2) est terminé en entonnoir, et à quelque distance de son extrémité se trouve une soupape f. A cet endroit et sur le côté est un espace demi-circulaire qui renferme une autre soupape plus grande que f, et reliée à la première au moyen d'une branche recourbée: ce système peut tourner autour d'une charnière. Quand on fait le vide, la soupape f est pressée sur une de ses faces par la pression atmosphérique qui tend à l'ouvrir, mais elle est retenue par l'autre soupape qui, étant plus grande qu'elle, oppose à l'ouverture une résistance proportionnelle à sa surface. Sur le haut de l'espace demi-circulaire, on pratique deux trous, un de chaque côté de la plus grande des deux soupapes: ces deux trous peuvent être couverts par une boîte à coulisse. Pendant que le vide s'opère, on ne couvre qu'un des trous, qui est ainsi en communication avec la partie où s'opère le vide, et l'autre reste ouvert à l'air extérieur. Mais, quand le convoi s'avance, il pousse la boîte à coulisse qui, recouvrant alors les deux trous, les met en communication, la pression sur la grande soupape diminue, puisque ses deux faces sont maintenant en communication avec la partie où l'on a opéré le vide, et la soupape f, soumise maintenant à une pression prépondérante, peut tourner autour de son axe et donner passage au piston. Pour la sortie, la manœuvre est plus simple encore; le tuyau d'aspiration qui communique avec la machine pneumatique s'embranche sur le tube de propulsion à 4 ou 5 mètres de l'extrémité de ce tube, en sorte que, dès que le piston a dépassé le point d'embranchement, il accumule l'air qui se trouve à l'extrémité du tube et qui, pressant sur la soupape, la force à s'ouvrir en tournant autour d'une simple charnière; elle tombe sur un levier à deux branches, dont l'une, choquée aussitôt après la sortie du piston par une tige attenante au convoi, relève la soupape et l'applique de nouveau contre le tube, où elle est maintenue par la raréfaction de l'air, qu'on recommence immédiatement. Le piston est un simple rouleau de fonte d'un diamètre inférieur à celui du tube, armé à ses deux extrémités d'une mâchoire pinçant une lame de cuir: il est placé à 1m 40 en avant de la tige de connexion. Le piston est donc flexible; la pression de l'air qui s'exerce sur lui force les lames de cuir dont il se compose à s'appliquer exactement sur les parois du tube, rend le contact parfait, quelles que soient les défectuosités de forme de ce tube, et prévient la rentrée de l'air. On conçoit très-bien que si le tube était aussi hermétiquement fermé que nous l'avons supposé, si l'air ne pouvait s'introduire en avant du piston ni par les interstices de la soupape longitudinale ni par ceux des lames de cuir du piston, une seule machine à vapeur suffirait pour faire un vide parfait sur une longueur de tube illimitée, et même que, dès que le piston aurait commencé son voyage, cette machine devrait rester en repos; mais il n'en est pas ainsi dans la pratique: à chaque instant l'air extérieur doit trouver et trouve, en effet, des interstices par lesquels il rentre. L'action de l'appareil pneumatique doit donc à la fois contre-balancer l'effet de ces prises d'air et enlever successivement l'air primitivement contenu dans le tube pour produire le mouvement. Une même machine ne peut donc desservir qu'une longueur de tube limitée. Du reste, ce projet n'est pas à l'état d'utopie; il est en exécution depuis plusieurs années. Tout l'appareil que nous venons de décrire marche régulièrement, non pas sur un modèle en petit (depuis longtemps on sait que ces modèles, exécutés avec une précision mathématique et entretenus avec soin, ne prouvent rien et induisent même en erreur sur les résultats de l'application en grand), mais sur un chemin de fer de dimensions ordinaires de 800 mètres de longueur, qui, depuis quatre ans, sert à toutes les expériences qu'a suggérées aux ingénieurs le désir d'étudier sous toutes ses faces ce nouvean système. Il est établi à Wormwood-Scrubs près de Londres, et on atteint régulièrement des vitesses de 36 kilomètres à l'heure avec une charge de 15 tonnes, dans une partie de railway en courbe de 1,600 mètres de rayon et sur une pente ascendante de 8 millimètres et demi. La machine à vapeur qui met en mouvement l'appareil pneumatique a une force de 16 chevaux-vapeur, mais ne déploie ordinairement que les deux tiers ou les trois quarts de cette puissance. Le tube a un diamètre de 22 cent. 85. Quand on veut faire fonctionner l'appareil, on laisse descendre le chariot par l'action de la gravité: pour cette manœuvre, la tige métallique et le chassis armé du piston, du contrepoids et des galets, qui peuvent se déplacer horizontalement, vernement, engagé par la loi du 11 juin 1842 dans les dépenses considérables d'exécution du grand réseau des chemins de fer, concentre son attention sur les essais du chemin de Kingstown à Dalkey, fasse suivre les expériences par une commission expérimentée; et si le système atmosphérique présente tous les avantages que nous avons signalés, son devoir et son intérêt seront d'entrer franchement dans cette nouvelle voie, qui épargnera à la France, déjà obérée, des ché au train, l'appareil pneumatique se met en mouvement Quant à nous, nous ne formons qu'un vœu: c'est que le gou- Il est évident que la force de l'appareil pneumatique et de la machine à vapeur qui le fait agir doivent avoir, avec la longueur et le diamètre du tube de propulsion ainsi qu'avec la vitesse que l'on veut obtenir, un rapport que le calcul peut indiquer. Plus le tube de propulsion est long, plus la rentrée d'air par la soupape longitudinale est importante; on trouve que le nombre de coups de piston nécessaires pour enlever cet air est le tiers du nombre total des coups nécessaires pour faire un vide convenable. Il paraît certain qu'une machine de cinquante chevaux-vapeur serait plus que suffisante pour opérer et maintenir le le vide dans un tube de 8 kilomètres de longueur. (Les lecteurs de l'Illustration comprendront que nous ne pouvons entrer ici dans tous les calculs relatifs aux propriétés de cet appareil ingénieux, et que nous devons nous borner à indiquer des résultats.) La pression atmosphérique a, dans l'appareil, à vaincre des frottements considérables qui diminuent d'autant son effet utile; ainsi le frottement du piston absorbe 5 pour 100 de la force motrice, le soulèvement de la soupape longitudinale et sa compression 6 pour 100 environ, et la couverture 4 pour 100, quantité énorme quand on songe à l'utilité restreinte ce dernier appareil. de M. Teisserenc, qui avait reçu de M. le ministre des Travaux publics la mission d'aller étudier l'appareil atmosphérique sur les lieux, et dont le rapport nous a été fort utile pour la description que nous venons de faire, s'est livré à une série d'expériences sur ce chemin de fer, desquelles il a déduit certains principes assez curieux. Ainsi, 1o il l y a économie relative à employer des tuyaux de plus grand diamètre; 2o sur les grandes longueurs, le travail est d'autant plus économique qu'il s'effectue sous de moindres pressions; mais alors, peur arriver à des vitesses égales, le tube doit avoir un diamètre plus grand. Il nous reste maintenant à comparer ce système à celui des locomotives, et nous avouons que nous craignons qu'on ne nous accuse d'engouement pour la chose nouvelle, si nous disons qu'il nous paraît supérieur à ce dernier sous le triple point de vue des dépenses de construction et d'exploitation, de la vitesse et de la sécurité. Pour la construction, on peut aborder des pentes infranchissables aux locomotives, et pour ainsi dire aux voitures tirées par des chevaux; les courbes à petit rayon n'ont plus d'importance, l'absence de locomotive permet de diminuer le poids poids des des rails, la hauteur des tunnels, la solidité des ponts et viaducs. On peut se borner à une seule voie sans que le service en souffre, puisqu'il n'y a pas de collision possible, un piston ne recevant de l'impulsion par l'air extérieur que si le vide existe devant lui, et ce vide n'existant plus dès qu'un autre piston voyage déjà dans le tube. Il y a donc économie sur tous ces objets; le pouvoir moteur seul est plus cher. En effet, on calcule que, pour assurer un bon service sur nos chemins de fer, il faut par kilomètre un tiers de locomotive, on 15,000 francs environ, tandis que, sur le chemin atmosphérique, l'appareil complet, tube et machine, est évalué à 100,000 francs. Malgré le prix plus élevé du pouvoir moteur, il y aura cependant une économie considérable dont les détails ne peuvent pas entrer dans cet article, mais que nous ne craignons pas de porter à 50 pour 100. Pour les dépenses d'exploitation, les frais généraux restant les mêmes dans les deux systèmes, les frais variables seront bien moindres dans le système atmosphérique; en effet, les dépenses de combustible et de réparation des locomotives varient proportionnellement aux distances parcourues; les mêmes frais avec les machines fixes ne dépendent que du temps pendant lequel l'appareil est chauffé, et ils décroissent relativement avec la quantité d'ouvrage effectuée dans ce temps. La vitesse peut être indéfiniment augmentée avec le diamètre du cylindre de la pompe pneumatique. Pour les locomotives, on ne peut dépasser certaines vitesses; à 80 kilomètres à l'heure, ces machines ne peuvent plus remorquer aucune charge. Enfin, au point de vue de la sécurité, outre que les collisions, coinme nous l'avons dit, sont impossibles, le convoi ne pent pas dérailler, le piston le maintient toujours sur la voie; la rupture des essieux de locomotives, qui est la source de tant de graves accidents, disparaît. Le chemin pouvant se modeler sur le terrain et aborder les pentes naturelles du sol, on n'a plus à craindre les éboulements des grandes tranchées; l'incendie, les scènes affreuses du 8 mai sur la rive gauche ne peuvent plus se présenter dans ce système. Les ingénieurs anglais qui, s'ils ont de la persévérance à poursuivre une idée quand ils la trouvent bonne, sont toujours en défiance contre les nouveautés quand il s'agit de les mettre en pratique, ont visité avec un puissant intérêt le railway atmosphérique de Wormwood-Scrubs, et attendent le résultat de l'épreuve qu'on va tenter en Irlande sur le chemin de Dublin à Dalkey, entre Kingstown et Dalkey, sur une longueur de 2,722 mètres. MM. Clegg et Samuda établissent en ce point une machine de la force de 100 chevaux; ils ont adopté cette puissante machine, parce que, si le succès est complet, on étendra le tube jusqu'à Dublin d'une part, et la longueur desservie par la machine serait de 12 kilomètres et demi, et jusqu'à Bray de l'autre, et cette machine desservirait alors 22 kilomètres. On conçoit quel intérêt s'attache à ces essais, qui, s'ils Mœurs parisiennes. CE QU'IL Y A DANS UNE GOUTTE D'HUILE. L'infortuné dandy dont nous avons raconté les succès et les revers sous ce titre: L'Habit et le Moine, le pseudolion Roger de Cancale, jeune employé au Mont-de-Piété qui veut trancher, comme quelques-uns de nos lecteurs s'en souviennent peut-être, du millionnaire et du marquis, eut un jour une de ces heureuses chances qui ne se présentent, dit-on, qu'une seule fois dans la vie d'un homme. Il faillit réaliser la chimère, le rêve de son existence tout entière, devenir ce que, depuis dix ans, il s'efforce si laborieusement de paraître, c'est-à-dire posséder des rentes, de vrais chevaux, un hôtel non imaginaire, des laquais poudrés et galonnés, des châteaux, des parcs, des métairies et une loge à l'Opéra. Toutes ces splendeurs brillèrent un instant à ses yeux, et puis s'évanouirent sans retour. Tant d'opulence tint pour lui à un fil, ou pour mieux dire à une..... mais n'anticipons pas sur les événements. Vous saurez donc que notre vicomte avait eu naguère l'heur extrême de séduire une riche veuve, la charmante baronne Dorliska de la Fenouillère, qui, avec son cœur et sa main, devait lui apporter une dot de cinquante mille écus de rente amassés par le défunt baron, munitionnaire sous l'Empire, et transformé en gentilhomme sous le règne de la branche aînée, moyennant une somme ronde de dix mille francs, qui était alors le prix-courant des lettres de noblesse. D'ailleurs, comme le disait le financier Zamet, l'ami de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, l'homme qui est seigneur de trois millions ne saurait être un roturier. - Comment Cancale s'y était pris pour opérer cette conquête, nous ne saurions trop vous le dire: mille causes avaient concouru à ce capital résultat. Le nœud gordien de sa cravate y était certainement pour quelque chose. Les bottes vernies dans lesquelles se mirait ce nouveau Narcisse pouvaient aussi revendiquer une part dans ce brillant succes. Son gilet extravagant ne pouvait manquer de charmer la plus folle de toutes les baronnes. Son aplomb, sa fatuité, l'assurance avec laquelle il parlait de ses terres, de ses gens et de ses poneys, les quelques relations aristocratiques sous le protectorat desquelles il avait soin de se produire, n'avaient pas moins contribué à fasciner cette dernière dont le cœur ressemblait beaucoup à la noblesse, c'est-à-dire qu'il n'était pas de roche. Bref, dans le tourbillon d'une valse à deux temps exécutée l'hiver dernier au bal de M. de Rambuteau, le vicomte, qui était de première force à cet exercice gymnastique cher à la nouvelle jeunesse dorée, avait osé risquer une déclaration en forme que sa Françoise de Rimini, entraînée avec lui dans l'espace, avait accueillie en souriant. Au bout de la spirale, tout était dit: ils s'étaient avoué leur mutuel amour. On va si vite quand on valse! Au samedi suivant, on donna libre cours à de timides souhaits trop longtemps comprimés, et il fut convenu qu'on s'épouserait aussitôt le printemps venu. Le vicomte était trop habile pour se permettre de brûler du moindre feu illégitime. Mais, hélas! au moment où luisait déjà pour lui le chaste flambeau de l'hyménée, un quinquet jaloux versa une larme, et cette larme (de combien d'autres pleurs ne devait-elle pas être suivie!) vint tomber juste sur le collet du futur époux de Dorliska. Le lendemain, celui-ci, en passant d'un œil plein de sollicitude l'inspection de sa chère toilette, complice de son glorieux succès, et comme il chantonnait dans ses dents le refrain du grand poëte national : Ah! mon habit, que je vous remercie! elbeuf numéro un. son En aperçut avec épouvante une odieuse tache qui se prélassait, s'épanouissait la cime de sur vain il regratta, frictionna, brossa la place où l'horrible stigmate avait fait élection de domicile, il ne réussit qu'à le rendre un peu plus visible à l'œil nu. L'huile est de ces forbans avides qui n'abandonnent pas facilement leur proie, et c'était merveille de voir comme elle s'étendait à la ronde, imprégnant la trame moelleuse et rongeant de ses tons livides la fraîche teinte du tissu. Or, Cancale devait, le jour même, faire sa cour à la baronne qui, la veille, en prenant congé de lui, avait languissamment laissé tomber de sa bouche cette suave parole: «A demain! >> Manquer à cette invitation, à cet ordre, c'eût été se perdre, se suicider, matrimonialement parlant. Dans son désespoir, le vicomte songea d'abord au dégraisseur; mais, outre que cet industriel vend ses services au poids de l'or (deux franes cinquante centimes, prix net d'une paire de gants blancs), il était trop tard pour qu'il pût recourir à son ministère. L'heure pressait. Le vicomte, en proie à de sombres réflexions, endossa machinalement son frac terni, prit son chapeau, et descendant les cinq étages qui conduisaient à sa mansarde de la rue Jean-Pain-Mollet, gagna le quai, dont il suivit mélancoliquement le trottoir, qu'ombragent Tout à coup cette dernière se manifesta à lui sous la forme d'un quidam, porteur d'un chapeau jadis blanc, penché comme la tour de Pise, d'une énorme paire de favoris, d'une cravate rouge et d'une ample redingote de castorine. Ce personnage, qui se tenait adossé au parapet sur lequel on voyait étalée près de lui une petite boîte de fer-blanc, bondit à l'aspect du vicomte, et s'élançant au-devant de lui: de jeunes fagots d'épines décorés du nom de tilleuls par l'au- | portant tous ses rêves dorés, il demeura immobile, sans hatorité municipale. Les mains dans ses poches, le nez au vent, il semblait chercher au ciel une inspiration et implorer la Providence. << Dieu! la belle tache! s'écria-t-il; ah! monsieur, pour l'amour de l'art, souffrez qu'on vous en débarrasse! >>> En même temps il saisit le collet de Cancale et commença à le frotter vigoureusement d'une sorte de substance bleuâtre qu'il tenait dans l'une de ses mains, et qui ressemblait à s'y méprendre à du savon dit de lessive. Le vicomte ouvrit de grands yeux, et, tiré en sursaut de sa rêverie, crut voir un ange libérateur dans le rébarbatif Bohémien qui venait de lui barrer le passage. « Qui donc êtes-vous? demanda-t-il. -Qui je suis? répondit l'homme à la castorine; vous voyez devant vous, monsieur, l'inventeur breveté du célèbre savon oléagineux-végétal, le fruit de mes explorations dans toutes les parties du monde, y compris la Polynésie et l'archipel des îles Marquises. A l'aide de ce savon, monsieur, composé de simples recueillies sur les plus hautes montagnes du globe, j'enlève toutes les taches qui veulent bien m'honorer de leur confiance. Il n'est pas d'habit si graisseux, de paletot si maculé, d'étoffe généralement quelconque si outrageusement souillée, que je ne rende en peu de minutes propre, nette, resplendissante comme une pièce de six liards; et tout cela, monsieur, tout cela pour la modique bagatelle de dix centimes, deux sous, vieux style! » En prononçant ces mots, l'industriel en plein vent, dont la propre redingote témoignait par écrit du cas qu'il faisait de son savon, substance si précieuse à ses yeux qu'il n'osait s'en servir pour lui-même; l'industriel, dis-je, continuait d'empâter avec une ardeur sans pareille le collet du vicomte. Séduit leine, sans voix, comme s'il eût éprouvé soudain le sort de la trop curieuse femme de Loth. L'inventeur breveté du célèbre savon oléagineux-végétal le tira de sa léthargie en lui disant : << C'est fait, bourgeois! vous voilà maintenant propre comme cinq sous. C'est dix centimes que vous me devez pour vous avoir enlevé votre tache... - Misérable! mais ce n'est pas ma tache, c'est ma maitresse que tu m'as enlevée! s'écria d'une voix de tonnerre le malheureux vicomte, rappelé par cette interpellation au triste sentiment de l'horrible réalité. - Qu'est-ce qu'il me chante donc-là, ce moderne? reprit l'homme à la cravate rouge; est-ce que je ne vous ai pas dégraissé, par hasard? mes deux ronds tout de suite, ou sinon... >>> L'infortuné Cancale paya et s'éloigna la mort dans l'âme, conservant, toutefois, encore une parcelle de ce vague espoir qui n'abandonne jamais l'homme au milieu des plus grands revers. Cette dernière planche de salut ne tarda pas à lui manquer. Le soir même, il reçut par la poste, à son domicile d'emprunt, une petite lettre ainsi conçue; <<< Monsieur, « Il est inutile de vous présenter chez moi, comme vous aviez dessein de le faire. Je ne pourrais jamais m'attacher à nn homme qui se fait détacher dans la rue. << Signé baronne D.... de la F.......... » Toute brève qu'elle fût, cette épître renfermait deux inexactitudes que notre qualité d'historien nous fait un devoir de relever. D'abord, ce n'était pas dans la rue, mais sur le quai que le malencontreux dandy avait été pris en flagrant délit de contrebande lionine; ensuite, il ne s'était nullement fait détacher, comme le supposait la baronne; car, dès le lendemain, la tache reparut plus florissante que jamais. Depuis ce jour elle a résisté à l'emploi de tous les caustiques et n'a par l'éloquente tirade ci-dessus, celui-ci (leflaissait faire et cessé de progresser; si bien que le vicomte peut parodier le attendait avec confiance le résultat de l'opération. En ce moment fatal, le bruit d'une voiture se fit entendre. Une brillante calèche, traînée par deux chevaux dépareillés, s'avançait au milieu de la chaussée. Cancale y jeta les yeux et reconnut..... quel coup de théâtre! j'en frémis encore quand j'y pense..... dans la belle dame assise au fond de l'équipage, la prétendue, la divine baronne Dorliska de la Fenouillère. Quel génie malfaisant, quel démon vomi par l'enfer, pouvait l'attirer à cette heure sur l'excentrique et antifashionable quai désigné sous le nom de Pelletier? Pénètre qui pourra le mystère! Ce qu'il y a de certain, c'est que Cancale, médusé à l'aspect de son amante, perdit, en cet instant critique, toute présence d'esprit au point de la saluer gauchement, se coupant ainsi toute retraite, toute dénégation ultérieure, et constatant lui-même sa triste, sa déplorable identité. Le vertige qui parfois nous saisit aux heures de péril extrême peut seul expliquer cette lourde, cette inqualifiable aberration. La baronne, qui jusqu'à ce moment n'avait point aperçu Cancale, devint pourpre de confusion et de colère en reconnaissant, dans le cavalier qui lui tirait son chapeau si maladroitement, le radieux vicomte aux prises avec l'industriel à la mine équivoque que nous venons de vous dépeindre. Elle s'agita convulsivement sur son siége en se mordant les lèvres, donna ordre à son cocher de fouetter, et s'éloigna emportée par ses rapides normands, non sans avoir lancé au malheureux dandy un regard de mépris souverain et de foudroyante ironie. Atterré, écrasé, stupéfié, celui-ci sentit une sueur froide lui ruisseler par toutle corps. La bouche béante, le jarret tendu, 'œil instinctivement fixé sur la calèche qui s'enfuyait, em mot de ce François Ier sous lequel ses aïeux combattirent, dit-il, à ia bataille de Pavie, et s'écrier, avec beaucoup d'àpropos et de vérité, que «tout est perdu, fors la tache. >>> L'utilité des camps d'instruction pendant la paix ne saurait être révoquée en doute; ce sont les meilleures écoles pour les soldats comme pour les généraux. Là, les uns se préparent à l'exécution simultanée de tout ce qui se pratique en campagne, par des évolutions semblables à celles que nécessite la guerre; les autres apprennent à manier un grand nombre de troupes sur toutes sortes de terrains, et se familiarisent ainsi avec le jeu des divers corps; tous contractent les habitudes de la vie militaire, et le concours des différentes armes, dans les opérations d'une guerre simulée, donne à chacune des idées justes sur la part qu'y prennent toutes les autres. Dans l'histoire des institutions militaires de la France, le plus ancien camp d'exercice paraît remonter au règne de Louis XI. Commines rapporte que ce monarque, sur la fin de son règne, forma à Pont-de-l'Arche, en Normandie, un camp de ce genre où plus de 20,000 hommes furent réunis pendant plusieurs années. Il se composait de 10,000 Français, 10,000 Suisses et 2,000 pionniers. De cette époque, il faut venir jusqu'à Louis XIV pour en trouver un semblable. Comme, d'ailleurs, l'armée française ne manquait pas alors de généraux expérimentés, et que la fréquence des guerres tenait les troupes en haleine, ce n'est que lorsque ce roi voulut initier son fils, le duc de Bourgogne, au commandement, qu'il forma à Mouchy, près de Compiègne, en 1698, un camp de 52 bataillons, de 152 escadrons et de 45 bouches à feu. Les troupes, au nombre d'environ 70,000 hommes, exécutèrent, sous les yeux de Louis XIV, toutes les opérations d'une campagne. Louis XV, pendant les premières années de son règne, ne songea pas d'abord à former des camps. Dans un intervalle de vingt-trois ans, il n'en avait été ordonné qu'un, en 1727, de 20 bataillons et de 20 escadrons; plus, trois petits de cavalerie en 1730, sur la Sambre, la Meuse et la Sarre; enfin, un cinquième de 8 bataillons d'infanterie ne formant pas 5,000 hommes, et d'un bataillon de royal-artillerie, avec 40 pièces de divers calibres et 20 mortiers. On s'y occupa principalement de l'instruction de l'artillerie. Mais après la bataille de Fontenoy, la nécessité fut reconnue de faire faire aux généraux l'apprentissage du commandement, dans des camps installés en 1753, 1754 et 1755, en Alsace et en Lorraine. Les résultats de la guerre de Sept Ans forcèrent à refondre l'organisation de l'armée, et des inspections annuelles en furent passées, de 1764 à 1770, dans les camps de Compiègne et de Fontainebleau. ire fair La position de Compiègne, au confluent de l'Aisne et de l'Oise, sa proximité de la capitale et la topographie de ses environs l'ont fait regarder depuis longtemps comme un lieu favorable à cette destination. Fontainebleau ne présente peutêtre pas au même degré des avantages semblables; malgré le passage de la route de Paris à Bourges, le voisinage de celle de Paris à Orléans et la proximité de la Seine et de l'Essonne, les bois des environs se prêtent peu aux hypothèses militaires. Cependant le terrain est sablonneux et très-praticable à toutes les armes, quoique recouvert de genêts et de buissons; le soldat ne glisse pas en marchant sur une terre sablonneuse, et il use peu sa chaussure. L'établissement des camps de plaisance, comme on les appelait, était, sous l'ancien régime, pour le plus grand nombre des généraux, une occasion d'afficher un luxe incompatible avec l'austérité de la vie militaire. Tel colonel qui, pour la première fois, paraissait à la tête de son régiment, dépensait dans cette circonstance, en quelques jours, deux ou trois années d'un immense revenu. Les intrigues de cour, les longs dîners, les soupers interminables, absorbaient presque tous les instants. L'intérieur des marquises (c'est sous ce nom qu'on désignait les tentes des généraux et des officiers supérieurs) offraient toutes les recherches de l'ameublement le plus élégant. Dans ces réunions on s'occupait de tout, excepté de l'art militaire; puis, après une semaine consacrée à ces occupations, les corps rentraient dans leurs garnisons respectives, sans avoir exécuté d'autres manœuvres qu'une grande revue et un défilé général. Ces camps néanmoins eurent parfois pour résultat d'éveiller dans l'armée le goût de l'étude, et si quelques tacticiens, proposant une expérience, une amélioration, furent d'abord traités de rêveurs, de novateurs, sans pouvoir se faire écouter, d'autres réussirent à faire discuter leurs théories. C'est principalement pour examiner celle sur l'ordre profond et l'ordre mince que fut institué, en 1778, le célèbre camp de Vaussieux. On y concentra, sous le commandement du maréchal prince de Broglie, 48 bataillons, 20 escadrons et 40 pièces de canon. En 1779, il y eut à Saint-Omer un nouveau camp de 24 bataillons et 10 escadrons. Depuis cette époque, on rassembla en Lorraine et en Alsace plusieurs autres camps. Les plus considérables furent ceux de SaintOmer et de Frascati sous Metz, en 1788. Dans le premier, on réunit, sous les ordres du prince de Condé, 57 bataille 56 escadrons avec 26 bouches à hes à feu. Le maréchal prince de Broglie commandait le second, fort de 31 bataillons, 62 escadrons et 45 pièces d'artillerie. , Pendant la première période de la Révolution, il n'y eut, à proprement parler, pas de camp d'instruction; car ceux de Maulde, de Famas, de Maubeuge, de Vaux sous Sédan, de Fontoy, de Hesingen, de Saint-Laurent du Var, étaient des camps de guerre en face de l'ennemi; mais lorsque, après la paix de Lunéville, les armées victorieuses de la République rentrèrent en France, le premier consul Bonaparte sentit la nécessité de les faire camper, pour les assujettir à une discipline sévère et mettre de l'uniformité dans leur tenue et leur instruction. Ce fut alors qu'on vit se former les camps de Bruges, de Saint-Omer, de Boulogne, créés par une pensée politique non moins que militaire. Les vétérans de l'armée, commandés par des généraux de la plus haute distinction, furent là réunis sous les yeux de leur général et de leur empereur. Les grands simulacres de guerre, exécutés par eux, dépassèrent de beaucoup tout ce que l'Europe avait vu jusque-là. Toutes les idées connues y furent appliquées sur une échelle inusitée. La science des grandes manœuvres vint s'ajouter à l'expérience de la guerre. Les divisions arrivèrent à mettre dans leurs mouvements une précision telle qu'auparavant on ne l'eût pas attendue d'un bataillon. La tenue, la discipline et l'instruction des troupes ne laissaient rien à désirer. « Que feriez-vous avec une semblable armée, dit un jour Napoléon au maréchal Soult, qui commandait le camp. - La conquête du monde, sire, » répon répondit le maréchal. La courte et mémorable campagne de 1805 justifia pleinement cette prévision. La cérémonie de la distribution des croix de la Légiond'Honneur se fit au camp de Boulogne, en grande pompe, le 16 août 1804. Quatre-vingt mille hommes assistèrent à cette solennité. Napoléon, entouré de ses frères, de ses maréchaux, de ses grands-officiers, prononça le serment de l'ordre : il fut répété par tous les récípendaires, disposés en pelotons à la taillons, 67 escadrons, avec 136 bouches à feu; enfin celui de Wosnesensk, qui réunit, en 1837, 50 escadrons, 28 bataillons, 168 pièces de canon, indépendamment de 24 escadrons et 3 batteries de cantonistes. - Les troupes sardes ont un camp d'instruction à Ciriè, dix-neuf kilomètres nord-ouest de Turin; les troupes austro-italiennes en ont également un permanent, construit à Montechiaro, sur la route de Brescia à Mantoue, par le prince Eugène, quand il était vice-roi d'Italie. Napoléon, peu de jours après son couronnement à Milan, rassembla à Montechiaro, au mois de mai 1805, et fit ma (Tentes de soldats.) nœuvrer 35,000 hommes d'infanterie, 4,500 de cavalerie, avec 10 batteries d'artilleric. (Vue du camp de Plélan, près Rennes. expériences sur le service auquel on destinait le bataillon de tirailleurs; ces expériences satisfaisantes motivèrent la création de neuf autres: ces dix bataillons ont, depuis la mort du prince royal, reçu le nom de chasseurs d'Orléans. En 1842, toutes les dispositions étaient prises pour la formation d'un camp d'opérations sur la Marne. Les officiersgénéraux désignés pour les commandements étaient les suivants: commandant en chef, M. le duc d'Orléans; chef d'état-major-général, M. le maréchal-de-camp Aupick; infanterie, 3 divisions, MM. les lieutenants-généraux de Rumigny, d'Hautpoul, d'Houdetot; cavalerie commandée par M. le duc de Nemours, 3 divisions, MM. les lieutenants-généraux de Lawoestine, Oudinot, Dejean; artillerie, M. le maréchalde-camp de Laplace; génie, M. le maréchal-de-camp de Bellonet; administration militaire, M. l'intendant militaire Evrard de Saint-Jean. Déjà les diverses brigades étaient toutes groupées sur les points de réunion qui leur avaient été assignés; le mouvement de concentration des troupes devait s'effectuer dans la première quinzaine d'août, quand la mort du duc d'Orléans, arrivée au moment même de son départ pour l'inspection des différents corps, fit contremander le rassemblement de troupes précédemment ordonné. Les travaux et manœuvres ont continué séparément aux camps de Saint-Omer, Lunéville et autres lieux, sous le commandement supérieur du duc de Nemours. Les camps d'instruction de) 1843, sous le commandement en chef de M. le duc de Nemours, ayant pour chet d'étatmajor M. le colonel Perrot, sont composés ainsi qu'il suit: CAMP DE LYON: - M. le lieutenant-général baron de Lascours, commandant le camp; M. le colonel Dupouey, chef d'état-major. - Infanterie: 1re brigade, M. le maréchal-decamp baron Anthoine de Saint-Joseph; 16° léger, 16° et 19. de ligne; 2 brigade, M. le maréchal-de-camp Loyré d'Arbouville; 20o léger, 34° et 51o de ligne. Cavalerie: M. le maréchal-de-camp comte de Waldener de Freudenstein; une brigade, 12 chasseurs, 5o lanciers, 3 dragons. — Artillerie : état-major, une batterie montée du 11. régiment, une batterie à cheval du 14a régiment, une compagnie du 15 régiment d'artillerie pontonniers, une compagnie du 2o escadron du train des parcs d'artillerie. Génie: une compagnie du 3o régiment. Équipages militaires : un détachement. Gendarmerie: un détachement. CAMP DE BRETAGNE: - M. le lieutenant-général comte de Rumigny, commandant le camp; M. le lieutenant-colonel Teyssières, chef d'état-major. Infanterie: 1re brigade, M. le maréchal-de-camp Boullé; 21 léger, 4o et 30o de ligne; 2a brigade, M. le maréchal-de-camp Neumayer; 59, 60° et 73° de ligne. Cavalerie: M. le maréchal-de-camp de Brémont; une brigade, 5 hussards, 8o chasseurs. - Artillerie:-2 batteries montées du 13o régiment. Génie: militaires: un détachement. une compagnie de sapeurs du 1er régiment. - Équipages Depuis 1835, des camps d'instruction ont été presque annuellement réunis à Lunéville, Compiègne, Saint-Omer, Verdun, Fontainebleau, etc., sous les ordres, soit du duc d'Or-ment. léans, soit du duc de Nemours. Gendarmerie : un détache Dans les deux camps, les régiments d'infanterie ont seuleAu camp de Fontainebleau, en 1839, furent faites des ment 2 bataillons, et ceux de cavalerie 4 escadrons. Les troupe d'infanterie du camp de Lyon, à Villeurbane, sont arrivées sur le terrain du 5 au 7 août; la cavalerie, du 8 au 10; l'artillerie, du 9 au 11. L'infanterie du camp de Bretagne est arrivée du 17 au 22 juillet; la cavalerie, les 24 et 25, et l'artillerie le 26. La durée ordinaire des camps est de deux mois, et en général du 15 août au 15 octobre. Quelquefois le mauvais temps en fait avancer la dissolution. CAMP DE LYON. - Le gros de l'infanterie, composé de 5 régiments à 2 bataillons chacun, a dressé ses tentes à droite et à gauche de la route de Crémieux, en avant de Villeurbane et à 1,500 mètres de la nouvelle église. A gauche de la route, sont les 2 bataillons du 51. de ligne et la compagnie de sa- jour gibe le 16o léger a été installé comme camp avancé. La cavalerie, ❘ sion du ministre de la guerre, une ration de riz par homme | quelque sorte la ville militaire d'un vêtementde brocart d'or dragons, lanciers et chasseurs, est cantonnée à Décine-Charpieux, dans les hameaux et les fermes qui sont entre ce village et le camp principal. Le quartier-général est établi à 700 mètres en arrière du camp, sur la route de Crémieux. Les steppes qui s'étendent le long du Rhône, sur la commune de Vaux-en-Velin, serviront de champ de manœuvres. Les mesures prises par les autorités sont toutes appliquées au bien-être du soldat. Le gouvernement paie aux logeurs des cantonnements 15 cent. par homme, 5 cent. par attache de cheval. Les voituriers des environs ont quadruplé leurs voyages et leurs recettes. Les aubergistes, les jardiniers, les marchands de toute sorte, travaillent au delà de leurs espérances. Les officiers louent à un prix élevé les plus humbles chambres et paient assez cher leurs pensions. Les distributions sont réglées avec exactitude. Les troupes du camp de Lyon, comme de celui de Plélan, ont droit à la et par jour; il pourra aussi leur être fait éventuellement des A chaque pas, en avançant de Décine vers Villeurbane, fourniture du pain; elles recevront en sus, d'après une déci- | toiles blanches reflétant les rayons du soleil, et habillant en et d'argent. Le dimanche surtout la scène s'anime, la foule des visiteurs augmente, la route est tellement embarrassée que les cavaliers envoyés en ordonnance ont grand'peine à s'y faire place. Tous ceux qui ont voiture à Lyon viennent voir le camp: les élégantes en calèche découverte, les jeunes gens à cheval, les modestes fortunes en carriole, les vrais flâneurs et les artisans à pied; c'est comme une promenade de Longchamp. Ce jour-là, les ouvriers ne dînent pas à Lyon, mais au camp; les spectacles de la ville sont abandonnés pour le camp. Là, en effet, se groupent les plaisirs citadins et champêtres: les jeux de quilles, les jeux de boules, les jeux de bagues sont en mouvement perpétuel; des soldats de toutes les armes fraternisent le verre et la chanson aux lèvres; les cafés regorgent à tel point, qu'il est impossible de s'asseoir, et que le promeneur se rafraîchit et consomme debout sur ses deux jambes. Les tréteaux ne font pas faute, pas plus compagnies. que les bals égayés par les éclats d'une joie bruyante, mais | colonels et les officiers couchent sous la tente au milieu des Les tentes des soldats, lieutenants et capitaines sont de toile écrue. Les soldats ont une tente pour seíze hommes; les lieutenants et sous-lieutenants une pour deux officiers, les capitaines et officiers supérieurs chacun la leur. Chaque tente a six mètres de long sur quatre de large, et est soutenue par deux montants de trois mètres de hauteur et trois pouces d'équarrissage, réunis par une traverse horizontale qui forme le faîtage de la tente. Les tentes des officiers supérieurs et des généraux sont d'un autre modèle: elles ont la forme d'une petite maison, dont le toit serait à environ un mètre de la terre; elles sont de différentes grandeurs et faites en coutil bleu, avec double toit; la plupart ont neuf mètres de long et six de large. L'intérieur des tentes, uniforme pour toutes, ne renferme que les objets d'absolue nécessité. Celles des officiers ne contiennent qu'un lit de sangle, un matelas, quelques chaises de paille ou des pliants. Dans celles destinées aux conseils d'administration est une table adaptée aux deux montants qui soutiennent le faîte; celles des soldats renferment, avec le sac à coucher, une planche à pain, quelques fichets pour suspendre le sac et le fourniment, ainsi qu'une collection d'ustensiles et d'outils composée de deux marmites, deux gamelles, deux bidons, deux pelles, Quand le jour baisse, la route s'illumine comme par enchantement, et couronne de feu toutes les têtes de ligne, qui, vues de loin, font un effet magique. Tout à coup les tambours battent, les clairons sonnent, l'heure de la retraite vient surprendre les joyeux convives, les visiteurs, les curieux, les danseurs: il faut partir, il faut se séparer, non sans se promettre de se revoir le dimanche suivant, et de continuer le quadrille interrompu. Au bruit, aux éclats de la gaieté, succède un calme grave, un silence militaire. Les appels se font, les feux sont éteints; le soldat, rentré sous sa tente, prend, par ordre, quelques heures de repos. Et le jour suivant, dès quatre heures du matin, tous ces braves gens, le sac sur le dos, ou le pied à l'étrier, recommenceront leur journée laborieuse et leur rude apprentissage du métier des armes. De nos jours, en effet, les choses ne se passent plus comme sous l'ancien régime. Avant six heures du matin, les brigades occupent le champ de manœuvres. Là, on étudie sérieusement, et l'expérience des chefs agit de la manière la plus heureuse sur les soldats, qui savent que c'est vraiment aujourd'hui que chacun d'eux a le bâton de maréchal dans sa giberne. Au camp, tout a un aspect réellement militaire: les | deux pioches, une hache, une serpe. On doit faire, au camp de Lyon, l'essai d'une nouvelle tente fabriquée en tissu imitant celui des tentes arabes, qui sont généralement en poil de chameau. Celles qui ont été expédiées par l'administration pour le service des deux camps sont au nombre de 2,250, avec 400 manteaux d'armes. Lorsque le temps le permet, les fusils sont formés en faisceaux sur le front de bandière. Les officiers prennent leurs repas en commun; ils se réunissent par grades; la dépense est la même pour tous; les sous-officiers, les soldats, mangent à l'ordinaire. La première réunion des troupes de toutes armes a eu lieu le 15 août dans la plaine connue sous le nom de Grand-Camp, pour la revue du lieutenant-général. CAMP DE PLÉLAN. - Placé à quarante kilomètres de Rennes et à vingt de Ploërmel, près de la route qui conduit de l'une à l'autre de ces deux villes, le camp de Plélan offre l'aspect le plus pittoresque. La vue que nous en publions a été exécutée par M. Jung, dessinateur au dépôt général de la guerre, sur un croquis, pris sur les lieux mêmes, de la la lande du Thélin, à quatre kilomètres du village de Plélan, par M. Soitoux, capitaine au corps royal d'état-major, l'un des officiers chargés de lever le plan du camp. L'infanterie est installée en une seule ligne de quinze cents mètres de développement, dans une vallée traversée par la rivière d'Aff. Le sol, perméable à l'eau, est sec après le moindre coup de soleil. Chaque compagnie occupe une ligne | grâce au prix modeste des dernières places, les soldats eux- | sant en gradins superposés depuis les hauts sommets des de tentes perpendiculaires au front de bandière; en arrière sont les tentes des officiers; plus loin, contre les clôtures des terres cultivées, sont réunies les cantines; les compagnies, les bataillons, les régiments, les brigades, sont séparés par des intervalles de plus en plus grands. Les cuisines, construites en briques et en gazon sur un modèle uniforme, mais dont la décoration varie pour chaque régiment, sont placées entre les tentes des soldats et celles des officiers. Le sol est creusé d'un mètre en avant des fourneaux, pour diminuer la hauteur qu'ils doivent avoir, et ces fourneaux sont abrités par de petits hangars en planches. Il y a une cuisine pour chaque compagnie, et une pour chaque escadron. Les guérites sont de simples abris en paille d'un mètre de diamètre, formées en clayonnage garni de paille, et recouvertes d'un toit en paille. En arrière de l'infanterie, dans la partie nord-ouest de la lande, se trouvent des hauteurs couvertes des plus beaux arbres; à la suite, au milieu de quelques rochers qui les dominent, le lieutenant-général de Rumigny a établi ses tentes, celles des maréchaux-de-camp et de l'état-major. Un ruisseau d'eau limpide et excellente à boire coule au pied du rocher. Sur le bord de ce ruisseau est établie la manutention des vivres. Plus loin, sur le sommet des collines, sont placées les tentes et les baraques de la cavalerie. L'artillerie est campée plus bas, à gauche de l'infanterie. Les sapeurs du génie occupent le centre, entre les brigades des généraux Boullé et Neumayer. A 2,500 mètres environ en avant du camp, sur la gauche, sont les hauteurs du champ de manœuvres, les vastes landes du Coëlquidan. Dans l'ouest de la position occupée par les troupes, on découvre la belle forêt de Paimpont, dont les masses de verdure offrent un magnifique coup d'œil. Plusieurs vastes étangs, bordés par des futaies romantiques, et propres à servir d'école de natation, complètent l'entourage du camp. Les chevaux sont sous des hangars couverts en planches et fermés à leurs pignons seulement. Ces écuries ont sept mètres de largeur. Les chevaux, espacés à un mètre, y sont placés sur deux rangs, tête à tête, et séparés par une cloison longitudinale de deux mètres cinquante centimètres environ de hauteur, le long de laquelle règne un double râtelier. Les fourrages occupent trois magasins, un pour chaque régiment et l'autre pour l'artillerie. Un hangar est disposé pour le bottelage des foins, une baraque pour le dépôt des avoines, une pour le magasin des effets de campement, et quatre autres pour le service des vivres et la boulangerie. L'éloignement de la manutention de Rennes s'opposant à ce que le pain soit envoyé au camp tout fabriqué, il a été expédié de Paris des fours de campagne en tôle déjà éprouvés et garantissant la bonne exécution du service. Ces fours portatifs, dont le prix est d'environ 1,300 fr., se montent en quarante-cinq minutes et cuisent 3,000 rations en vingtquatre heures; leurs produits sont de la meilleure qualité. Comme d'ailleurs les localités n'offrent pas assez de ressources pour permettre aux troupes de se procurer par ellesmêmes le pain de soupe et la viande qui leur sont nécessaires, il a été passé des marchés par adjudication au moyen desquels ces approvisionnements sont assurés à un prix raisonnable. La viande, fournie par un pare établi près de l'Aff, est excellente. Dix puits alimentent d'eau tout le camp. Le service hospitalier est organisé au camp de Plélan comme à celui de Lyon, de manière à suffire aux besoins les plus urgents. L'ambulance se compose d'un aide-major, de trois sous-aides, d'un pharmacien, et de deux officiers d'administration. Les malades seront évacués, s'il y a lieu, sur Lyon et sur Rennes. Le service des transports, au camp de Plélan, est assuré par un détachement du 4o escadron du train des équipages militaires, dont les voitures, de modèles nouveaux, doivent être l'objet d'un examen tout particulier. Trois voitures de transport et une forge, qui n'emploient qu'un seul modèle d'essieu et deux modèles de roues, remplacent en effet aujourd'hui le matériel auparavant si nombreux des équipages militaires. La première de ces voitures, le caisson à roues égales, a été déjà, au camp de Compiègne, en 1841, soumise à dese ssais qui ont complétement réussi. La seconde est un cha riot destiné à tenir lieu à la fois de l'ancienne prolonge et de l'ancienne fourragère, au moyen d'une transformation facile qui permet de la faire servir indistinctement au transport du gros matériel, des barriques, etc., et à celui des fourrages. La troisième voiture, ou caisson léger, servant aussi au même usage, est cependant plus spécialement affectée au transport des blessés et au service des ambulances. Pour ce dernier emploi, suspendue sur ressorts et composée de deux caisses tout à fait séparées, elle peut contenir dans la caisse principale dix blessés parfaitement assis et à couvert, plus trois autres ou trois infirmiers sur une banquette qui domine la caisse de devant; celle-ci, de la contenance de 200 rations de pain (la grande en contient 800), reste alors disponible pour le placement de médicaments ou de tous autres objets. Comme caisson d'ambulance, cette voiture contient plus d'appareils que trois caissons de l'ancien système. Comparaison faite des objets de même espèce, il a été constaté qu'elle renferme 1,890 pansements au lieu de 1,400. Un grand nombre d'établissements civils sont venus pourvoir aux besoins du camp de Plélan ou en égayer les loisirs. Un restaurateur y a fait établir, dans une position heureusement choisie, une baraque de 50 mètres de longueur, en arrière de laquelle de vastes cuisines fournissent chaque jour à la table de plus de 400 officiers et à de nombreux étrangers. Des boutiques de toute espèce approvisionnent les marchés du camp. A côté des cafés et des restaurants, des spectacles forains offrent de nombreuses distractions. Une mêmes peuvent aller rire aux lazzi des émules d'Odry, d'Ar- Alpes, vient se perdre et s'effacer dans l'interminable plaine Les travaux de première in- gnie, pour faire honneur à son sons. Les manœuvres du camp, tous les corps réunis, ont commencé le 9 août. Les troupes ont marché pendant à peu près sept heures sous un soleil brûlant. Notre gravure (page 409) représente une attaque d'artillerie au centre; d'un côté une charge de cavalerie par escadrons; entre l'artillerie et la cavalerie, l'infanterie en bataille, ayant devant elle des tirailleurs; et, derrière l'infanterie, | gnes du Milanais, d'où surgissent çà et là des hameaux, des des bataillons serrés par divisions. MARGHERITA PUSTERLA. Lecteur, as-tu souffert? Non. n'est pas pour toi. CHAPITRE IV. L'ATTENTAT. Ce livre LERTE! - Prends! Suis!-Laisse!-Ces cris des chasseurs, les hurlements des limiers et des chiens, les fan fares du cor, le rappel des faucous et des éper viers, le piétinement des chevaux et le ta page des palefreniers, le braiement de la monture du bouffon bourgs, des villes très-peuplées, et, plus au centre, la métropole de l'Insubrie, étalant la merveilleuse masse de son dôme, monument de l'originalité et de la puissance des siècles robustes dans la foi; de l'autre côté on admirait un cercle de collines, puis de montagnes superbes, qui, au levant et au couchant, limitaient l'horizon, de formes, de hauteur, de nuances différentes. Les unes verdoyaient aux yeux sous la vigne et les blés qu'on y cultivait; les autres se couvraient d'un manteau de forêts; d'autres encore se dressaient apres et dépouillées, comme la vieillesse d'un homme qui, jeune, a vécu dans le mal. Ce palais, tel qu'il existe aujourd'hui, a été rebâti, par les seigneurs Crivelli, dans le dernier siècle. Vers la fin de cette époque il devint célèbre, lorsque le jeune Bonaparte, ayant passé les Alpes pour asservir la Lombardie, sous prétexte de lui rendre la liberté au nom de la République française, se plut à placer son quartier-général dans le château. Là, autour dú héros, fils de la liberté, et qu'ils croyaient disposé à établir le règne de sa mère, tandis qu'il ne songeait qu'à hériter d'elle, les députés des républiques improvisées de l'Italie accouraient apportant de serviles hommages. Le pouvoir des armes avait restreint augmenté celui de leurs obligations; mais, avec la liberté de payer beaucoup plus d'impôts, il leur avait concédé celle de planter sur leurs places un grand arbre autour duquel ils pouvaient rire, danser et chanter, jusqu'à ce qu'il plût à quelque officier de mauvaise humeur de leur imposer silence. Dans sa villa, Bonaparte riait de ces démonstrations; il riait de la sincérité du petit nombre, et s'aidait de l'astuce de la majorité; cependant il marchandait Venise, et il se préparait à se frayer le chemin du trône, où l'élevèrent ceux qui, après en avoir abattu une autre royauté, avaient annoncé au monde la fin des rois, l'ère de l'égalité et de la liberté, - mais non l'ère de la justice. Ne t'effraie pas, lecteur bénévole; ne crains point que je veuille retracer ici la pente sur laquelle glissa l'Italie pour tomber de la tyrannie des Visconti sous le joug de Napoléon. Si j'en ai fait mention, ce n'est que par une de ces digressions trop communes dans notre récit, et qui avait été amenée par le palais dont nous avions à parler. Peu de temps avant l'époque qui nous occupe, les Pusterla avaient bati Lorsqu'on sort par la porte de Côme, après une marche | cette demeure pour en faire leur villa, et ils y avaient dé breux cortége que le seigneur Luchino menait à la chasse par troupe de de saltimbanques, moyennant une très-modique rétri- de dix milles, on trouve, à main gauche, entre Boisio et Lim ployé une magnificence égale à leurs richesses. On avait mis à l'embellir tout l'art que l'on connaissait alors pour rendre agréable une maison des champs. Les jardins renfermaient toutes sortes de plantes belles et rares, des collines couvertes de vignes; des jets d'eau, des ruisseaux qu'on avait été chercher au loin répandaient une douce fraîcheur. On trouvait dans l'intérieur des appartements toutes les commodités, sans que les dehors du palais perdissent rien de leur solidité et de leur force. Aux quatre angles de la muraille qui l'entourait, quatre tours s'élevaient, capables, à l'occasion, de tenir tête à une de ces attaques imprévues qui, dans ces temps de guerres civiles et de débilité du gouvernement, pouvaient venir ou d'un peuple mutiné, ou d'une bande de brigands, ou des barons ri vaux. bution, procure aux amateurs les amusements les plus variés. Les comédiens de Vannes, jouant le vaudeville, sont venus élever, sur l'une des collines les mieux situées, une salle où, biate, un charmant palais auquel les agréments de son C'était là que s'était retirée Marguerite, lorsque Franciscolo, séduit par la fausse confiance que lui montrait Luchino, avait accepté, malheureusement pour lui, la conduite de l'ambassade envoyée à Mastino della Scalla. Ni les dissua |