t Les saints et les corbeaux ORSQUE saint Lambert était jeune, il voulut un jour accompagner ses parents qui allaient aux noces. Mais ceux-ci n'y consentirent pas, et le chargèrent de garder leur froment que les corneilles auraient pu manger. Saint Lambert fit un miracle, et toutes les corneilles des alentours vinrent dans la grange, dont il ferma la porte. Il alla aux noces sans en prévenir personne. Ses parents l'ayant reconnu au milieu de la foule, lui demandèrent pourquoi il n'était pas resté à garder le froment: Je n'ai pas besoin de le garder, répondit-il ; toutes les corneilles sont dans la grange. Les paysans des alentours de la chapelle SaintLambert, commune de Saint-Vran, assurent que les corneilles ne causent aucun dégât sur le territoire de la commune. (Recueilli à Penguilly vers 1880). La chapelle de saint Lambert existe encore à Saint-Vran, on y dit la messe une fois par an, lors de la fête du saint; aux environs de Moncontour, ce saint est invoqué pour la santé des cochons. Un jour, saint Maurice étudiait en plein champ. On était en automne et les cris des corbeaux importunaient le jeune clerc. Il s'interrompt, leur parle, les appelle, les réunit, leur ordonne de le suivre et les conduit à la grange de son père. Il ferme la grange, se remet à l'étude, et ne délivre les corbeaux qu'après avoir fini sa tâche du jour. Le narrateur ajoutera: c'est pour cela qu'il n'y a plus de corbeaux autour du village de Saint-Maurice, dans les champs que cultivaient ses parents. (R. ONEIX, Bretagne et Bretons, p. 60). Saint Maurice, abbé de Carnoët, XIIe siècle (5 octobre), invoqué pour la guérison de la fièvre, est le deuxième patron de Loudéac, et il a des chapelles à Clohars-Carnoët et à Plédran. On raconte à Pleurtuit que dans sa jeunesse saint Guillaume allait aux champs travailler avec son père; lorsqu'il voyait les corbeaux manger le grain qu'on venait de semer, il priait le Seigneur et commandait en son nom à ces bêtes rapaces de se retirer, ce qu'elles faisaient aussitôt. (GUILLOTIN DE CORSON, Semaine religieuse de Rennes, 6 mai 1871). Pourquoi les veuves de Landebia Ly avait une fois à Landebia une jeune veuve qui avait un petit garçon d'une dizaine d'années. Elle était recherchée en mariage par un jeune homme qui souvent venait lui faire la cour. Son enfant lui faisait des reproches et lui disait : Si tu te maries à cet homme-là, jamais je ne l'appellerai mon père et quand je serai grand, je te quitterai. Mais la veuve continuait à recevoir les visites de son galant: un jour qu'elle savait qu'il devait venir, elle envoya son enfant dans un champ qu'elle possédait à quelques centaines de mètres de chez elle, et elle lui dit qu'il fallait empêcher les corbeaux de manger le blé qui s'y trouvait. Il y avait à peu près une demi-heure que le petit garçon y était, lorsqu'un homme se présenta tout à coup devant lui, sans qu'il l'entendît venir, parce qu'il était occupé à surveiller les corbeaux; aussi eut-il bien peur en l'apercevant. L'homme lui dit d'un air doux: - Que fais-tu là, mon petit gars? - Je suis à garder mon blé pour que les corbeaux ne viennent pas le manger. Tu es surpris de ma présence, dit l'homme; mais ne crains rien; je suis un saint et Dieu m'envoie pour empêcher les corbeaux de faire aucun dégât sur le territoire de Landebia; je vais garder ton blé, et les corbeaux ne pourront lui nuire. Toi, va-t'en bien vite pour préserver ta mère de celui qui veut te l'enlever; car si elle se remariait, tu y perdrais plus que si les corbeaux mangeaient tout ton blé. Si tu arrives à la maison avant que le galant de ta mère soit parti, tu peux être sûr qu'il ne se mariera pas avec elle. Après avoir dit cela, le saint disparut. L'enfant courut à la maison, et y trouva sa mère en compagnie de son bon ami. Elle n'était pas contente de le voir rentrer, et elle lui dit : Tu reviens de bien bonne heure, je croyais t'avoir envoyé garder notre blé ! J'y suis allé aussi, répondit l'enfant; j'ai vu dans notre champ un homme qui m'a dit être un saint envoyé par Dieu pour empêcher les corbeaux de ravager la récolte sur notre paroisse; il m'a promis de veiller à notre blé, et que les corbeaux ne lui feraient aucun mal. Il m'a dit aussi de revenir à la maison pour te garder de celui qui voudrait te ravir à mon affection. A ces mots, la veuve fit la grimace, et son futur se contenta de hausser les épaules, puis il s'en alla en promettant de revenir le lendemain. Mais il mourut dans la nuit ; la veuve le pleura, mais elle ne chercha pas à se remarier et elle resta avec son enfant. Son exemple a été suivi par les autres veuves de cette paroisse qui, à ce qu'on assure, ne se remarient jamais. Les corbeaux quittèrent depuis lors Landebia, et si par hasard, il en passe quelquesuns, on ne les voit jamais endommager la récolte; c'est depuis ce temps qu'on dit en proverbe : Ou bien: A Landebia jamais Jamais corbeau ne grattera, Ni veuve se remariera Dans la commune de Landebia. (Recueilli en 1893, par M. F. Marguer). M. l'abbé Fouéré-Macé, recteur de Léhon, ancien vicaire à Saint-Potan, paroisse voisine de Lande |