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} paysannes.

MATHURINE,

PIERROT, paysan.

LA STATUE DU COMMANDEUR.

GUSMAN, écuyer d'Elvire,

SGANARELLE,

LA VIOLETTE,

RAGOTIN.

valets de don Juan,

Monsieur DIMANCHE, marchand.
LA RAMEE, spadassin.

UN SPECTRE.

La scène est en Sirie

OU LB

FESTIN DE PIERRE.

ACTE PREMIER.

SCENE 1.

SGANARELLE, GUSMAN.

SGANARELLE, tenant une tabatière.

QUOIQUE puissent dire Aristote et toute la philosophie, il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens; et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non-seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les ames à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu'on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d'en donner à droite et à gauche, partout où l'on se trouve? On n'attend pas même que l'on en demande, et l'on court. au-devant du souhait des gens: tant il est vrai que

inspire des sentiments nonneur et de vertu à tous ceux qui en prennent. Mais c'est assez de cette matière; reprenons un peu notre discours. Si bien done, cher Gusman, que done Elvire ta maîtresse, surprise de notre départ, s'est mise en campagne après nous; et son cœur, que mon maître a su toucher trop fortement, n'a pu vivre, lis-tu, sans le venir chercher ici. Veux-tu qu'entre nous je te dise ma pensée? J'ai peur qu'elle ne soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville ne produise peu de fruif, et que vous n'eussiez autant gagné à ne bouger de là.

GUSMAN.

Et la raison encore? Dis-moi, je te prie, Sgana-* relle, qui peut t'inspirer une peur d'un si mauvais augure? Ton maître t'a-t-il ouvert son cœur làdessus? et t'a-t-il dit qu'il eût pour nous quelque froideur qui l'ait obligé à partir?

SGANARELLE.

Non pas; mais, à vue de pays, je connois à peu près le train des choses, et, sans qu'il m'ait encore xien dit, je gagerois presque que l'affaire va là. Je nou is peut-être me tromper; mais enfin, sur de tels sujets, l'expérience m'a pu donner quelques lumières.

GUSMAN.

Quoi! ce départ si peu prévu seroit une inf délité de don Juan? II pourroit faire cette injure aux chastes feux de done Elvire?

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pas

SGANARELLE.

Non; c'est qu'il est jeune encore, et qu'il n'a le courage...

GUSMAN.

Un homme de sa qualité feroit une action si lâche?

SGANARELLE.

Hé! oui, sa qualité! La raison en est belle! et c'est par-là qu'il s'empêcheroit des choses...!

GUSMAN.

Mais les saints nœuds du mariage le tiennent engagé.

SGANARELLE.

Hé! mon pauvre Gusman, mon ami, tu ne sais pas encore, crois-moi, quel homme est don Juan.

GUSMAN.

Je ne sais pas, de vrai, quel homme il peut être, s'il faut qu'il nous ait fait cette perfidie; et je ne comprends point comme, après tant d'amour et tant d'impatience témoignée, tant d'hommages pressants, de voeux, de soupirs et de larmes, tant de lettres passionnées, de protestations ardentes et de serments réitérés, tant de transports enfin et tant d'emportements qu'il a fait paroître, jusqu'à forcer, dans sa passion, l'obstacle sacré d'un couvent pour mettre done Elvire en sa puissance; je ne comprends pas, dis-je, comme, après tout cela, il auroit le cœur de pouvoir manquer à sa parole.

SGANARELLE.

Je n'ai pas grand peine à le comprendre, moi; et

si tu connaissois le pélerin, tu trouverois la chose assez facile pour lui. Je ne dis pas qu'il ait changé de sentiments pour done Elvire, je n'en ai point de certitude encore. Tu sais que, par son ordre, je partis avant lui; et, depuis son arrivée, il ne m'a point entretenu : mais, par précaution, je t'apprends, inter nos, que tu vois en don Juan mon maître le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un démon, un Turc, un hérétique qui ne croit ni ciel, ni enfer, ni diable, qui passe cette vie en véritable bête brute, un pourceau d'Epicure, un vrai Sardanaple, qui ferme l'oreille à toutes les remontrances qu'on lui peut faire, et traite de billeversées tout ce que nous croyons. Tu me dis qu'il a épousé ta maîtresse; crois qu'il auroit plus fait pour sa passion, et qu'avec elle il auroit encore épousé toi, son chien et son chat. Un mariage ne lui coûte rien à contracter; il ne se sert point d'autres piéges pour attraper les belles, et c'est un épouseur à toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui; et si je te disois le nom de toutes celles qu'il a épousées en divers lieux, ce seroit un chapitre à durer jusqu'au soir. Tu demeures surpris, et changes de couleur à ce discours : ce n'est là qu'une ébauche du personnage; et, pour en achever le portrait, il faudrait bien d'autres coups de pinceau. Sufit qu'il fant que le courroux du ciel l'accable quelque jour; qu'il me vaudroit bien mieux d'être au diable que d'être à lui; et qu'il me fait voir fant d'honneurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je

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