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CHAPITRE VI

DE LA NAISSANCE ET DE LA CIRCONCISION DU PRÉCURSEUR DU SAUVEUR

Marie, réfléchissant aux paroles que l'ange lui avait dites touchant sa cousine Élisabeth, alla la visiter pour la féliciter et la servir; car Jésus, que Marie portait dans son sein, voulait sanctifier Jean avant qu'il vînt au monde. Abandonnant donc la vie calme de contemplation qu'elle menait, elle quitta Nazareth, avec la permission de Joseph, pour s'en aller vers le midi, dans les montagnes, car la Judée est située dans les montagnes et au midi, par rapport à la Galilée, d'où partait Marie. C'est dans ce pays que vivait Élisabeth avec Zacharie. Marie partit en toute diligence pour ne pas rester longtemps exposée aux regards du monde; elle nous montre par là que la Vierge ne doit pas se prodiguer en public, ni s'entretenir avec les hommes. Elle vint à Jérusalem, cité de Juda; et remarquons qu'il n'est pas ici question de la tribu, mais du

royaume de Juda; car Jérusalem était dans la tribu de Benjamin, et la Sainte-Vierge l'aurait traversée pour arriver à la ville où habitait Zacharie, et où naquit JeanBaptiste, c'est-à-dire à quatre milles au-delà de Jérusalem, presque à l'occident, en tirant un peu vers le midi.

Mais pourquoi Marie visita-t-elle Élisabeth? Écoutez saint Ambroise qui nous l'apprend: Ne croyez pas, dit ce père, que la Sainte-Vierge n'eût pas foi à l'oracle de l'ange, qu'elle doutât de la réalité de la mission du messager qui lui était envoyé, ou de l'exemple d'Élisabeth, qui lui était donné; non; mais la joie que lui causait l'accomplissement du désir de sa cousine, la satisfaction d'aller la servir, la firent seules se hâter d'aller lui rendre visite. Voyez-la, cette Reine du ciel et de la terre! Elle part, à pied, accompagnée de quelques vierges, ses amies; elle s'aventure dans un voyage aussi long que pénible. Car de Nazareth à Jérusalem, il y a trente-quatre milles, et de Jérusalem jusqu'à la ville de Zacharie, quatre milles environ, c'est-à-dire deux lieues. La réserve dans les paroles et les actions, l'humilité, la pauvreté, toutes les vertus en un mot sont avec elle; que dis-je ? le Dieu des vertus luimême l'accompagne; grand et honorable cortége bien différent de ceux de ce monde, où la pompe le dispute à la vanité. Et Marie n'était pas retardée par le poids du fruit de ses entrailles, comme cela arrive aux autres femmes dans la même position. Oh! que celui-là eût été héureux qui aurait rencontré Marie dans ce voyage, et eût été digne d'être salué par elle !

Et Marie, arrivée au terme de son voyage, entra dans la demeure de Zacharie et d'Élisabeth, sa cousine; elle la

visita, montrant toujours sa douceur et son humilité; elle salua la première Élisabeth et la félicita du don qu'elle avait reçu du ciel. - Mais pourquoi Marie salua-t-elle la première? Il y a de cela deux raisons : une raison d'humi– lité, une raison de condescendance; Marie était plus humble que sa cousine; puis elle était sa supérieure. Ces deux raisons trouvent leur explication dans les mœurs du pays, où les inférieurs saluent les supérieurs, pour leur témoigner leur respect et leur déférence, et les supérieurs saluent les inférieurs pour montrer que toute bénédiction vient d'en haut.

Dans ce voyage et cette visite de Marie, nous trouvons plusieurs applications morales. Marie se lève pour partir : levons-nous pour sortir de notre torpeur et de notre négligence, pour laisser loin de nous les convoitises des choses terrestres, où nous sommes restés comme ensevelis. Marie s'en va dans les montagnes montons, nous aussi, sur la montagne de la vie parfaite, aspirons aux biens célestes, et efforçons-nous de les atteindre. Marie part en toute diligence courons, nous aussi, dans la voie des bonnes œuvres ; ne négligeons rien pour les accomplir, car la vraie ruine de la vie spirituelle, selon saint Chrysostôme, c'est de différer toujours les bonnes œuvres ; ce délai nous fait souvent perdre tous nos biens et nos mérites. On ne doit jamais différer l'exécution d'une bonne œuvre, ajoute un autre auteur, de crainte que si un accident arrive, nous ne puissions l'accomplir. Marie vient dans une ville de Juda entrons, nous aussi, dans la ville de Juda, c'està-dire dans l'Église, pour louer Dieu et lui rendre nos hommages. Entrons dans la Jérusalem céleste, cette cité de contemplation, pour confesser le nom du Seigneur, car

Juda veut dire celui qui confesse. - Marie entra dans la demeure de Zacharie : entrons, nous aussi, dans la maison de Zacharie, c'est-à-dire ne nous attachons pas à de vains désirs, mais pensons plutôt aux préceptes du Seigneur, et accomplissons-les; car Zacharie veut dire celui qui se souvient du Seigneur. -Marie salua Élisabeth: saluons, nous aussi, Élisabeth, c'est-à-dire dégoûtons-nous des créatures et ne cherchons qu'en Dieu la satisfaction de nos vœux; seul il peut rassasier notre cœur, car Élisabeth veut dire : mon Dieu me rassasie.

Mais ce n'est pas assez. Nous avons encore d'autres conclusions à tirer. Nous devons communiquer à notre prochain la grâce que nous avons reçue, comme le fit Marie à l'égard d'Élisabeth et de l'enfant qu'elle portait dans son sein. Car, dès que la Vierge eut salué Élisabeth, saint Jean-Baptiste fut rempli de l'Esprit-Saint, comme l'ange l'avait annoncé. Reconnaissant la présence du Sauveur, Jean tressaillit de joie et d'allégresse dans le sein de sa mère; ce qu'il ne put exprimer de vive voix, il le manifesta par ses mouvements de joie. Il s'agitait comme s'il eût voulu se lever, sortir du sein de sa mère et aller au-devant de son Seigneur. C'est alors que Jésus fit son Précurseur prophète, car, par ses tressaillements, l'enfant annonça l'arrivée du Sauveur et commença son ministère de Précurseur, comme s'il se fût écrié : Voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde. Jésus-Christ, dit ici saint Chrysostôme, fit saluer Élisabeth par Marie afin que la parole qui sortirait de la bouche et de la poitrine de Marie, où habitait le Seigneur, arrivant aux oreilles d'Elisabeth, descendit jusqu'à Jean et le sacrât prophète ; car dès qu'Élisabeth eut entendu les paroles de salutation de

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