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M. Pottier, ne seront pas cachetées en cire, elles seront pour vous seul 1.

Dites-moi donc à l'oreille quel est le secrétaire de votre comité. J'ai vu hier une lettre qu'il adresse à M. Gournay, au sujet de M. Cliquot et de sa résurrection. Je ne sais quelle idée le secrétaire se forme du ton de fermeté, souvent convenable à un corps de citoyens, mais je crois que celui-là s'élève au-dessus et qu'il passe à pieds joints sur les bornes que trace le bon droit et la manière de le défendre. Nous ne sommes point du tout consentans à aller nous faire mal accueillir en présentant la lettre qui a été adressée à cet effet à M. Gournay. La responsabilité des ministres n'en fait pas des gens qu'on puisse se permettre de malmener, quand ils ne disent ny ne provoquent aucune attaque qui ne serait point motivée. Gournay doit avoir fait la lettre et nous la présenter demain à signer, pour engager le comité à en adresser une autre dans des termes plus ménagés. Il y a de la marge entre le ton suppliant qu'il convient de bannir et le ton de dureté, que ne doit jamais prendre un corps qui n'a point d'injustice à reprocher. Nous profiterons de cette seconde circonstance pour nous venger un peu de la première, qui nous étoit personnelle, et je crois bien que Gournay profitera de l'occasion. Il doit dire un mot dans sa lettre de la division projetée et des obstacles redoutés. Je lui ai remis le double de l'arrêté, pris vendredy chez M. de Praslin, par lequel je me suis fait donner acte de notre prétention contre Laval.

Je n'ai point reçu aujourd'hui la lettre du comité que vous m'aviez annoncée; au surplus je ne suis point pressé, peut-être l'aura-t-on adressée à M. le Chevalier ou à M. Gournay. Il faut partager ses faveurs. Je n'ai pas du tout connu qui vous vouliez me dépeindre dans votre avant dernière par le président éloquent et savant. Il n'y a que le mot président à me dérouter.

1. Cette lettre est en effet adressée, de même que la suivante, à M. Pottier, château des Buttes, à Mayenne.

Je crois que parfois il serait bon de glisser à quelques membres des réflexions sur les suites de leur prévention contre Laval. En voilà un que me fournit la préférence qu'un membre du comité semblait donner plutost au Mans, tant nous aveuglent les préventions. Si le département était au Mans, ils feroient bien plus leurs efforts pour nous enlever dans la division des justices la partie de Villaines, Pré-en-Pail. Laval au contraire, par sa position, ne peut jamais prétendre passer sur notre dos pour aller faire venir ces paroisses à son siège. Mayenne est sûr d'une justice et sa position lui assure toute la partie nord, que la position du Mans peut lui enlever, tandis que Laval ne peut y prétendre. Glissez cela à nos notaires et je crois bien qu'il saisiront promptement cette idée qui les intéressera plus que le département, qu'ils n'ont redouté voir établi à Laval que par la crainte que la justice n'en fût une suite.

Tout est apaisé au Mans. Le serment a été prêté à Laval. M. de la Roche a tancé ses compatriotes qui ont eu le bon esprit de voir qu'ils s'étaient trompés dans leur manière de voir. Tout le monde ne peut pas avoir la même prépondérance. M. de la Roche est malade dans ce moment et je crains bien que sa maladie ne devienne sérieuse. Ne dites rien, crainte qu'on ne s'effraye. Lasnier et du Cléré 2 sont avec lui et il en reçoit tous les soins. C'est une fièvre lente qui ne le quitte point. La tête et la poitrine sont affectées à la fois, suite de notre long séjour dans un air réellement méphitique. Le thermomètre y monte à 26 degrés. On ouvre bien les fenêtres, que l'air passant et froid fait ensuite refermer promptement, avant qu'il soit purifié.

1. Les gardes nationaux du Mans, réunis le 15 novembre pour prêter le serment de fidélité à la Nation, au roi et à la loi, conformément au décret du 10 août précédent, s'y étaient refusés en partie et s'étaient joints à la populace pour réclamer la mise en liberté des prisonniers de Ballon, c'est-à-dire des assassins de MM. Cureau et de Montesson. La sédition fut apaisée dans la soirée et le serment fut prêté quelques jours. plus tard, le 20 novembre. (Voy. R. Triger, L'année 1789 au Mans et dans le Haut-Maine, pages 275 et suivantes).

2. François Paillard-Ducléré, notaire et fermier des octrois de Laval.

LXI

Sans date.

J'ai reçu votre lettre du 22 et celle très honnête du comité.

Vous avez donc provisoirement fait un règlement qui authorise le changement fréquent du comité, puisque le voilà encore changé.

Gournay n'apporta ny avant-hier, ny hier, la lettre qu'il devait faire. Il ne l'apportera peut-être pas plus aujourd'hui. Il est à Paris comme à Mayenne, promettant et tenant peu. Il est vrai qu'il est entouré aussi à Paris comme à Mayenne et, avant qu'il puisse s'isoler pour travailler, il faut qu'il fasse des efforts. Cette raison est une de celles qui m'ont empêché de prendre mon logement chez mon frère, où j'aurais difficilement trouvé le moment de me mettre au travail.

Le plan de M. Necker tient des circonstances. C'est la difficulté de donner à des billets de notre création la confiance que leur solde est solide et qu'on peut à toute heure les changer en argent. Le crédit de la Caisse d'escompte est fondé sur un capital suffisant, malgré le dépost par eux fait au Trésor royal, pour rassurer le public. Si au contraire nous n'avons, ny de quoi remplir la Caisse d'escompte de ses avances, ny de quoi assurer au moins le quart en capital et en argent comptant du montant des billets à mettre en circulation, nous créerons du papier, mais sa valeur incertaine ne fera qu'augmenter le discrédit. Voilà l'embarras.

LXII

Paris, 25 novembre.

On nous menaçait pour aujourd'hui, mon ami, de quelque révolution, mais je n'ai jamais craint des projets annoncés à terme fixe et, malgré les frayeurs qu'on a

cherché à répandre, je vois tout tranquille ici et tout disposé à rester dans le calme dont nous jouissons depuis quelques jours.

Je ne pourrai avoir le journal d'hier avant l'heure de la poste. Pour y suppléer, je joins la note de quatre articles de la Constitution décrétés dans la séance de ce matin.

Aujourd'hui nous devons recevoir à l'entrée de la séance les articles du Comité de constitution sur les municipalités du royaume, leur organisation, composition, élection et fonctions, afin de s'en occuper sur le champ et tâcher, dans ces deux jours, de finir cet objet. Les assemblées de districts, de départements, sont fixées dans les objets essentiels. On est à relever les décrets rendus, à les ranger dans un ordre convenable pour les présenter à la sanction et proposer de faire nommer les électeurs, en un mot tâcher de mettre la machine en mouvement. Pendant qu'on s'occupe de cette partie, on avance la division partielle des provinces. Le tour de notre généralité n'est pas encore revenu pour paraitre devant le Comité. Il y a à arrêter définitivement notre division qui n'éprouve de difficultés qu'entre le HautMaine et nous. L'Anjou et la Touraine paraissent d'accord. Nous ne voulons point céder les paroisses au nord-est de Mayenne. Il faudra bien que le Comité nous juge, et j'ai disposé à cet effet une carte qui prouve la justice de notre prétention.

La séance d'hier au soir a été employée à la discussion de l'arrêté pris par la Commission intermédiaire doublée ou Bureau renforcé des États du Cambrésis. On a déclaré que cette Commission n'avait pas le droit de prétendre représenter la province ni exprimer le vœu du peuple; en conséquence, son arrêté nul; que Sa Majesté serait suppliée d'empêcher de pareilles convocations. Au surplus on invitc le peuple du Cambrésis à persister dans la tranquillité et son attachement aux décrets de l'Assemblée nationale 1. Un malheureux ajouté, qu'on

1. Protestation contre les actes de l'Assemblée nationale,

voulut mettre par amendement à ces derniers mots, tint l'opinion de l'Assemblée divisée et fit passer une heure et demie pour en sortir. A 9 heures et demie enfin, l'amendement consistant en ces mots « dont l'arrêté du Bureau tendait à l'élaguer » fut rejeté. Il était trop tard pour prendre la gabelle d'Anjou qu'on avait placée à l'ordre du jour et qui finira par être ajournée probablement avec le plan général des finances.

LXIII

Paris, 27 novembre.

Ci-joint, mon ami, deux journaux qui vous prouveront que si quelquefois nous sommes morisifs (sic), quelque fois aussi nous nous piquons d'activité. Voilà toujours vingt-huit articles décrétés en deux jours.

Le journal d'hier ne vous eût annoncé autre chose, sinon qu'après avoir perdu notre temps à entendre un projet ridicule de restauration du crédit, nous sommes convenus, à près de quatre heures, de traiter demain les moyens de procurer à l'État les 90 millions nécessaires pour finir le service de cette année, et quel sera ce moyen. Les billets de banque ne l'opéreront pas, si vous n'avez derrière vous une masse de capitalistes qui vous les assurent, et croyez que sans la Caisse d'escompte à son sort lié avec l'État, qu'elle n'eût pas accepté le plan de M. Necker. Il n'y a eu que 74 voix contre 66 dans l'assemblée des actionnaires pour accepter le plan, et les autres capitalistes non actionnaires font tous leurs efforts pour que la Nation ne trouve pas un sol nul part. Ce sera encore huit à dix ans à souffrir de l'agiotage. Mais il faut espérer que des circonstances plus heureuses pourront tendre à l'arrêter; le grand objet est la crise actuelle qu'il faut passer et on enlève encore aux ennemis de la restauration le grand moyen sur lequel ils réunissent en ce moment leurs efforts.

Dans la feuille que je ne puis vous envoyer, vous

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