Des remarques de Daniel Severin Scultet, sur le nouveau livre de Pierre Jurieu, touchant l'union de l'Eglise évangélique et réformée. A Hambourg, l'an 1687, dans les articles dogmatiques de cette sainte union, art. 15, pag. 170. 1. Notre-Seigneur Jésus-Christ, après avoir béni, dit à ses disciples: Prenez ce pain, mangez-le, car ce que je vous présente avec ce pain est mon corps. 2. Cela étant très-véritable, il est certain que le pain béni de cette sainte table est le symbole joint avec le corps de Jésus-Christ, d'une manière toutefois inexplicable; et en ce sens il est appelé par l'Apôtre la communion du corps de Christ. 3. Notre-Seigneur donc par ces signes et ces sceaux si excellents, d'une nourriture et breuvage céleste, donne à ceux qui sont à sa table son corps et son sang avec ce pain et ce sang béni. 4. Mais il le donne d'une manière que Dieu ne nous a jamais révélée nulle part, et qu'il n'a jamais voulu nous expliquer et nous faire savoir, et que partant nul homme mortel ne peut ni comprendre, ni expli quer. Et plus bas, 12. Au reste, ce pain et ce vin doivent être traités sur cette sainte table d'une manière qu'on ne déshonore pas ce royal banquet par des paroles indécentes, ni par aucun geste déraisonnable. 13. En dernier lieu il ne faut pas que ceux qui fréquentent la cène du Seigneur fléchissent les genoux, ni se répandent en prières devant ce pain et ce vin béni, en l'honneur de la substance qui se cache sous leurs espèces. Extrait des articles de réunion entre les protestants et les réformés. A Rotterdam chez Abraham Acher, 1687. Avertissement. Le désir que l'on a de voir cesser cette malheureuse désunion qui règne depuis la réformation entre les protestants, appelés luthériens, et ceux qui s'appellent réformés, est si juste qu'on n'en doit pas faire un mystère. On ne doit pas nier non plus que plusieurs personnes ne travaillent aujourd'hui à réunir ces deux partis divisés, et qu'il n'y ait même des grands du premier ordre à qui Dieu a inspiré ce pieux dessein. Pendant que la paix n'est souhaitée que par l'une des parties qui sont en guerre, il est malaisé qu'elle se fasse, et que les négociations aient du succès. Et c'est peut-être la raison pourquoi tant de personnes pieuses, depuis cent cinquante ans, ont tant de fois inutilement tenté de faire cette réunion que nous souhaitons si fort aujourd'hui Il est donc utile de faire savoir aux vrais chrétiens que ce désir de la paix commence à être réciproque. On le verra par les articles qui nous ont été envoyés par un très-habile théologien de la confession Augsbourg, avec prière de les rendre publics en plus d'une langue. On le fait avec plaisir: ce n'est pas qu'on ne soit assuré que Slusieurs choses dans ce projet ne plairont pas trop à une partie des réformés; car, en -ffet, il semble que l'auteur qui a fait ce proet, ne veuille rien du tout rabattre pour son parti; puisqu'il nous propose comme des articles de foi jusqu'aux moins importantes controverses qui sont entre son école et la nôtre. Mais il n'en faut pas juger ainsi : il faut considérer que ce théologien est dans le fond très-bien intentionné pour la paix, et ticulier, et qui par conséquent ne se juge pas qu'il la souhaite sérieusement. C'est un parassez autorisé pour de lui-même et de lui seul dogmes de sa communion. Mais il y a lieu rogner et tailler, relâcher et abandonner les d'espérer que si les autres théologiens du même parti entrent dans un esprit de paix comme celui-ci y est déjà, ils se souviendront de la manière dont tous les traités de paix se font: c'est que les deux partis relâchent de leurs droits et de leurs prétentions. Car si un parti dans les démêlés de religion voulait obliger l'autre à souscrire à tous ses dogmes particuliers, ce ne serait pas une réunion, ce serait une abjuration de ses premiers sentiments, ce serait rentrer dans l'autre religion. Et c'est précisément la manière dont le paprotestants à l'Eglise romaine. Grâces à Dieu, pisme en France veut faire la réunion des les controverses qui nous séparent d'avec nos frères de la confession d'Augsbourg ne sont pas assez importantes pour qu'on ne puisse trouver une voie d'accommodement. On pourrait au moins les passer sous silence, et s'entre tolérer en attendant réunisse en tout. Les questions controversées que Dieu nous entre eux et nous sont la plupart si métaphysiques, qu'enfin on comprendra qu'il n'est pas raisonnable de les regarder comme des affaires capitales. L'article de la cène du Seigneur, qui est le principal de ceux qui nous séparent d'avec nos frères de la confession d'Augsbourg, est ici touché avec tant de modération et de sagesse, que tout le monde, comme j'espère, en sera content. Si l'on y trouve quelques propositions auxquelles on ferait quelque difficulté de donner les mains, elles sont en petit nombre et peu importantes, et je ne doute pas que ces messieurs n'aient de la disposition à contenter leurs frères là-dessus. Il y a lieu de croire qu'ils auront le même esprit d'équité sur les autres articles que sur celui-ci : c'est-à-dire qu'ils voudront bien les tourner de manière qu'en y exprimant leurs sentiments, ils ne condamnent pas formellement les nôtres. Ce qui est nécessaire pour amener les gens à une souscription. Car comme on ne croit pas ce qu'on veut, on ne souscrit pas aussi ce qu'on veut quand on a de la délicatesse de conscience; et il n'est pas honnête de demander à quelqu'un une souscription contre ce qu'il croit. Quoi qu'il en soit, on expose ces articles aux yeux du public, afin que chacun, selon ses lumières, y fasse ses réflexions, et contribue de sa part à ce grand ouvrage d'une réunion qui serait assurément la ruine de l'antichristianisme. Cat Dieu ne manquerait jamais de bénir les vœux et les efforts de ses serviteurs, quand ils travailleraient dans une parfaite intelligence entre eux à établir le règne de Jésus-Christ sur la ruine de celui de ses ennemis. reste, le pain et le vin doivent être maniés à la sainte table, de telle sorte qu'on ne profane point ce festin royal et qu'on ne le déshonore point par des paroles et par des gestes ridicules. 13. Enfin il ne faut point que ceux qui participent à la table du Seigneur fléchissent les genoux et fassent des prières devant le pain et le vin bénis, à l'honneur de la substance cachée sous les espèces, car les saintes Ecritures ne nous enseignent nulle part qu'il y ait rien autre chose d'enclos et de renfermé dans ces accidents que la substance terrestre du pain et du vin, laquelle, si quelqu'un adorait comme le Fils unique de Dieu, ce serait pour certain une très-méchante et très-criminelle idolâtrie. 14. Cependant ce que les protestants, qui participent à la table du Seigneur Jésus pour la gloire de Jésus-Christ seul, témoignent leur respect dans ce précieux festin, selon les diverses coutumes reçues en chaque Eglise, cela ne peut être désagréable à Dieu, les autres choses étant égales; car la raison pourquoi Dieu a élevé Jésus-Christ, c'est afin qu'au nom de Jésus, c'est-à-dire à la gloire de notre Sauveur, tout genou se ploye de ceux qui sont au ciel et en la terre et dessous la terre. Du livre de M. Jurieu, intitulé : Consultation pour faire un accord entre les protestants, imprimé à Utrecht chez François Halma, 1688, pag. 240. Extrait des mêmes conditions d'union, p. 14, art. 15. 1. Notre-Seigneur Jésus-Christ, ayant fait précéder la bénédiction, dit à ses disciples: « Prenez ce pain; mangez-le, car ce que je vous présente avec ce pain ici est mon corps. » 2. Ces choses étant très-véritables, certainement le pain de la cène étant béni est le symbole très-conjoint avec le corps de Christ, toutefois d'une manière inexplicable, auquel sens il est appelé par l'Apôtre la communion au corps de Christ. 3. Notre-Seigneur donne donc à tous ceux qui communient à sa table sacrée son corps et son sang avec les excellents signes et sceaux de cette viande et de ce breuvage céleste, avec le pain, dis-je, et le vin bénis. 4. Mais il les donne en une manière que Dieu ne nous a jamais révélée nulle part, laquelle par conséquent il n'a pas voulu que nous sussions et que nous définissions, et conséquemment nul des mortels ne le peut comprendre ni expliquer. 5. C'est donc le devoir de tous les conviés que, dans l'usage du sacré repas, ils rappellent dans leurs esprits avec confiance, avec un désir de la grâce et avec prière, que le corps et le sang du Seigneur leur sont communiqués comme un souverain trésor avec les éléments visibles d'une manière ineffable, afin aussi qu'ils célèbrent la mort du Seigneur avec action de grâces. 6. Quiconque lors oublierait d'avoir un pieux souvenir de la mort de Jésus-Christ serait coupable éternellement pour avoir pris indignement les symboles de ce très-précieux trésor. Quiconque aussi tient le calice du Seigneur pour une augmentation superflue, l'usage duquel il est permis de négliger sans aucun péril de tomber dans la violation, à cause de l'interdiction que les hommes en ont faite et du péril de l'effusion; 7. Quiconque aussi, pour cette persuasion et pour toutes ces raisons, s'abstient du sacré calice se rend coupable d'un honteux mépris et d'une inexcusable négligence. 8. Or, comme le pain de la sainte table employé contre ou outre l'institution de Christ n'est pas la communion du corps du Seigneur, et n'est point fait tel en sa bénédiction, ainsi l'eau n'est point le lavement de régénération quand on en arrose les cloches et les fenêtres au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. 9. Au reste, faire servir ce pain et ce vin sacrés et bénis à des usages purement arbitraires, c'est un abus très-honteux qui ne doit nullement être souffert dans l'Eglise de Dieu; car tu ne feras point ce qui te semble bon devant tes yeux. 10. Même quiconque consacre le pain et le vin, le mange et le boit dans la vue que Notre-Seigneur Jésus-Christ soit sous les accidents du pain et du vin, et s'immole réelle ment et de fait à Dieu le Père; celui-là est coupable d'un attentat horrible, superbe et très-criminel. 11. Quiconque consacre le pain et le vin, le mange et le boit, afin de représen ter à Dieu la mort de Jésus-Christ par la consécration et consomption des symboles, celui là agit très-follement, car il n'y a nulle simiJitude entre la passion du Sauveur et la bénédiction et participation des symboles. 12 Au 1 Le dernier argument à persuader une mutuelle tolérance est, pour moi, que les réformés n'exigent rien qu'ils n'offrent. Nous demandons une tolérance pour notre dogme que vous appelez le particularisme: proprement une tolérance n'est pas due à la vérité, mais un consentement. Mais posé que le particularisme soit une erreur, nous vous of frons une tolérance pour des erreurs beaucoup plus grandes. Je mets l'article de la cène du Seigneur et de la manière de la présence du corps de Christ dans le pain. Les vôtres appellent cette présence réelle, charnelle, corporelle; or déjà, outre plusieurs absurdités philosophiques, quelles conséquences en naissent? Ceux qui aujourd'hui et depuis plusieurs années souffrent en France la persecution des papistes le savent. On leur inculque sans cesse: N'est-ce pas une très-grande et invincible obstination de ne vouloir pas participer aux sacrements des catholiques, quand vous offrez la paix aux luthériens, qui sont de même sentiment que nous sur la présence réelle et charnelle? Les nôtres répondent Les luthériens n'offrent pas la substance du pain, ils n'adorent pas le sacrement de l'eucharistie, ils ne sacrifient point, ils ne refusent pas la coupe aux laïques. Mais, disent les papistes, en cela les luthériens pèchent et errent par conséquent; car si le corps de Christ est réellement et charnellement present dans l'eucharistie, il y doit être adoré; s'il est présent, il peut être offert à Dieu le Père; s'il est présent, il est tout entier en chaque partie; donc celui qui est privé de la coupe a toutefois Christ tout entier. D'où il s'ensuit que l'Eglise, sans faire aucun fort aux particuliers, peut ôter la coupe aux lat ques pour le danger du scandale et de l'effusion. Ne dites pas que ces conséquences à l'égard du sacrement de l'eucharistie ne se peuvent pas bien déduire de votre opinion; car elles coulent bien mieux et plus facilement de votre dogme que ces horribles conséquences que vous attribuez au nôtre, comme nécessairement dérivées du particularisme. I est certain que ce sentiment que vous avez de la cène du Seigneur a été le premier degré à l'erreur; de là est né ce monstre de la transsubstantiation. Là où il a passé pour certain que le corps de Christ était réellement présent, ç'a été un penchant à des hommes téméraires pour déterminer la manière de cette présence. La transsubstantiation déterminée, même auparavant qu'elle le fût, il a été aisé d'ordonner l'adoration du sacrement, où l'on assure et où l'on croit que Christ est corporellement et charnellement présent. Il n'est pas aisé de chercher ce commandement, car la raison humaine se porte d'elle-même à cela qu'il faut adorer le corps de Christ où il est, non que cette raison soit bonne partout; Dieu est dans le bois et dans la pierre, et toutefois la pierre ne doit pas être adorée; mais pourtant l'esprit est emporté là comme par son propre poids, et au contraire il faut s'efforcer à empêcher qu'il ne tombe dans ce précipice. Je ne doute pas que les ignorants parmi vous ne s'y laissassent aller, si une dispute continuelle avec les papistes ne les en empêchait. Ce n'est donc pas un petit danger, selon votre opinion, de retomber dans l'idolâtrie du pain; et ce danger est de beaucoup plus grand que celui qui vient de quelques questions abstraites qui surpassent la capacité du vulgaire, qui sont plus philosophiques que théologiques, et qui n'influent aucun mal contre les mœurs ni contre le culte. C'est pourquoi, si nous vous offrons de la tolérance sur ceci, vous ne devez pas nous la refuser sur cela; car nous vous relâchons beaucoup plus de notre droit en ces choses-ci que vous du vôtre en celles-là. Mais je ne veux pas traiter cela plus amplement ni avec plus de passion, pour ne pas rouvrir une plaie dont je songe plutôt à fermer la cicatrice. La même page 269. chap. 3, du livre de M. Ju rieu. Qu'il n'est pas nécessaire d'une confession commune différente de la confession d'Augsbourg; que tous les réformés peuvent souscrire cette confession. pas fondamental à ne s'en pouvoir éloigner tant soit peu sans risque du salut, toutefois l'esprit humain volage et inconstant est retenu par ces attaches; autrement il tourne-{ rait sans cesse, il n'y aurait rien de certain dans la religion; une démangeaison de penser et de parler diversement déshonorerait vilainement la face de l'Eglise. Il est mieux que des esprits inquiets soient occupés au dehors qu'au dedans. Il ne faut pas toutefois regarder ces formulaires comme s'ils étaient divisés, en telle sorte que vous traitiez ces sociétés comme hors de l'Eglise : qu'ils se servent d'autres formulaires un peu différents des nôtres, pourvu qu'ils conviennent en choses essentielles et fondamentales. Il faut encore remarquer que la prudence ne persuade pas que ces formulaires, qu'on appelle confession de foi, embrassent plusieurs choses également et descendent aux plus petites. J'avoue que l'esprit doit être retenu, et qu'il faut lui jeter un frein: mais il ne faut pas le captiver et le renfermer dans des bornes trop étroites; que les choses les plus générales et les plus nécessaires à croire soient présentées et approuvées de la main et du sceau. Il est entièrement impossible de conserver l'unité de la foi, si elle n'est serrée comme par un lien, par un formulaire et confession de foi. C'est pourquoi nous condamnons avec raison les hérétiques et sectaires de notre temps qui détestent tous les formulaires de foi, comme si c'étaient des fers aux pieds et des signes de la captivité des esprits, s'attachant si fort à la lettre et aux paroles de l'Ecriture, qu'ils ne veulent admettre aucune explication comme divine. Car encore que tout ce qui est dans ces formulaires ne soit pas d'une égale nécessité, et que tout ne soit DEMONST. EVANG. III. Après avoir fait ces petites observations, je ne désapprouve pas qu'un personnage très-docte tende à unir les protestants en leur faisant une confession de foi commune, et qu'il leur ait présenté des conditions de cette pieuse union des Eglises protestantes. Vos conditions ne sont autre chose qu'une confession et formulaire de foi que vous offrez aux protestants pour être approuvée par leur signature. Mais je vous demande pourquoi ce savant homme nous donne une nouvelle confession de foi qu'il a dressée, quand il y en a tant d'autres que plusieurs ont faites, qui sont confirmées et admises: et pour ne rien dire des autres, vous avez la confession d'Augsbourg faite et publiée du consentement de tant de princes et personnes du premier rang, villes, docteurs, théologiens et personnes de tout état, présentée à l'empereur et répandue par tout le monde. C'est votre confession; nous la traitons comme nôtre. Il n'est donc pas besoin d'une nouvelle confession cominune. Nous avons l'ancienne, par laquelle on a suffisamment pris des précautions pour la pureté de la foi : est-ce que depuis il a cru une nouvelle moisson d'articles de foi? Est-ce que nos pères pieux qui ont fait cette confession, avaient moins d'esprit ? qu'ils n'ont pas vu ce qui est nécessaire à salut? et qu'il y a nécessité aujourd'hui d'enchaîner de nouveaux liens les esprits? Cette confession fut honorée par vos auteurs et ancêtres, Luther, Melanchthon, etc.; il ne vous est donc pas permis, ni de la mépriser, ni d'en composer une autre. C'est pourquoi on ne doit pas exiger autre chose des nôtres, qu'une souscription de cette confession. Mais nous sommes tous prêts à la souscrire. J'entends même dire qu'à présent tous les réformés d'Allemagne qui prennent le degré de doctorat, signent cette confession. Que faut-il de (Trente-trois.} plus? La chose est déjà faite, pourvu que par cette souscription vous vouliez nous embrasser de cœur, comme étant déjà unis et d'accord. Il y a seulement trois articles dans cette confession d'Augsbourg, que vous dites aujourd'hui n'avoir point varié, et à laquelle vous vous tenez, en négligeant celle qu'on dit avoir varié. Il y a, dis-je, seulement trois articles qui peuvent jeter du scrupule dans l'esprit des réformés qui les signeraient. Le dixième de la cène du Seigneur: Sur la cène du Seigneur, ils enseignent que le corps et le sang de Jésus-Christ y sont véritablement et se distribuent à ceux qui le mangent dans la cène du Seigneur, et ils désapprouvent ceux qui enseignent autrement. Les Eglises de France disent et enseignent les mêmes choses dans leur catéchisme, sect. 31: Il faut que nous communiquions véritablement au corps et au sang de Christ. Et sect. 52: Le corps de Christ une fois offert pour notre réconciliation nous est donné au sacrement. Le Seigneur Jésus-Christ nous donne son sang à boire. Et sect. 53: Puisque Christ est la vérité même, il ne faut pas douter que les choses qu'il a promises en la cène ne s'accomplissent en la'cène, et que ce qui y est figuré ne soit véritablement donné. C'est pourquoi je ne doute pas que suivant sa promesse il ne nous fasse participants de sa propre substance. Et en l'article 36 de la confession française: Christ une fois mort et ressuscité des morts pour nous, nous nourrit véritablement dans sa sacrée cène, et nous repait de sa chair et de son sang. Et encore bien qu'il soit au ciel jusqu'à ce qu'il revienne pour juger le monde, nous croyons toutefois que par la force secrète et incompréhensible de son Esprit, il nous nourrit et vivifie de la substance de son corps et de son sang. Ces paroles ne signifient pas moins, et ne disent autre chose que l'article de la confession d'Augsbourg. Ceux qui approuvent donc ces choses, ne refuseront pas de donner les mains à la confession d'Augsbourg. Il n'y aura donc nul empêchement à l'accord en cet article. Un corps glorifié comme celui du Sauveur, peut faire émaner de soi autant de divine matière qu'il lui plaît, et où il lui plaît. Car outre que la nature, selon les principes que l'on a prouvés ailleurs, est reproductive d'elle-même à l'infini, personne n'ignore qu'il ne transpire continuellement de nos corps, quelque stériles et lourds qu'ils soient à présent, une infinité d'esprits et de matière la plus subtile, et même la meilleure et la plus élabourée : or il n'y a point d'impossibilité que cela ne s'effectue dans la célébration de l'eucharistie; et tout le monde le peut clairement comprendre. 9. L'on me dira que cela ne sert tout au plus qu'à expliquer cette manière de la présence réelle qu'on appelle consubstantiation; mais non pas celle qu'on appelle transsubstantiation. Réponse. Je n'ai garde de prétendre qu'on se doive mettre en peine d'une infinité de vétilles et de creuses pensées, que quantité de docteurs particuliers et de disputeurs du siècle (gens pour la plupart plongés dans les ténèbres de l'esprit) ont débitées sur cette matière, comme s'il est vrai que le corps de Jésus-Christ soit présent quant à sa grandeur naturelle, et cela dans un seul point, et une infinité d'autres questions, qui ne méritent, ni qu'on y pense, ni qu'on les décide; je suis assuré que les vrais dévots ne songent pas à ces formalités-là dans leurs pieux exercices et leurs saintes élévations à Dieu. Peut-être que ceux des bons qui ont pu dire que Jésus-Christ tout entier, ou quant à son tout, était présent sous chaque partie du sacrement, l'ont entendu du tout de l'efficace, et qu'ils ont voulu dire qu'une petite partie du corps ou du sang de Jésus-Christ jointe à la grâce, possède et contient l'efficace du tout (l'on dira tantôt ce qu'est cette efficace), les pointilleux peuvent avoir travaillé làdessus à leur ordinaire: mais cela ne mérite pas que les bons s'en mettent en peine; ils peuvent même, pour avoir la paix, si des docteurs opiniâtres et importuns les pressaient sur leurs fictions particulières, faire semblant d'admettre toutes leurs imaginations comme on fait celles des hypocondriaques aux pensées desquels on ne contredit pas pour avoir la paix et pour les guérir, que ne doit-on pas faire par condescendance à l'esprit malade de l'homme corrompu pour le tenir ou le conduire à la charité et à la paix qui sont le remède et l'élément qui doivent le guérir? Le meilleur pour les simples est de ne pas vouloir entrer dans cent sortes de particularités de cette nature, de n'y pas penser, ou d'y donner et dé les laisser passer à la bonne foi et sans y rien comprendre. Ce ne sont que des formalités aussi peu nécessaires que de savoir toutes les manières et les voies particulières par les quelles s'est faite l'incarnation dans le sein de la Vierge, ou comment se feront toutes les circonstances de la résurrection on du jugement dernier. 10. Laissant donc les brouilleries particulières des personnes privées, ne considérons que ce qu'on peut penser de la doctrine com 1035 cela mune de la transsubstantiation. Ceux qui l'ont voulu expliquer par les principes d'Aristote ou de Descartes n'ont absolument rien fait qui vaille: on sait quelles contradictions l'on reproche aux premiers, mais il faut avouer que jamais il n'y eut rien de plus contraire à cela que le cartésianisme a été hautement et universellement reproché à tous les cartésiens de la communion romaine, et ils n'ont pu tenter de s'en laver qu'en se rendant ridicules, ou en niant des conséquences aussi clairement déduites de leurs principes, que le sont les conclusions. d'une démonstration mathématique; et de fait ces deux sortes de philosophes ayant de faux principes, on n'avait garde de réussir, en voulant expliquer par là ce qu'il y a de vrai dans la transsubstantiation, que Dieu opère par sa volonté puissante et par la foi de ceux qui la croient; mais avec des principes plus solides, l'on peut facilement comprendre comment dans l'eucharistie toute la substance du pain et celle du vin peut être changée au corps et au sang du Seigneur, de telle sorte qu'il ne reste plus que les accidents des choses élémentaires. Il faut pour ce sujet, sans se brouiller la 11. Cela étant, il n'y a rien de plus facile à coup plus forte raison quelques émanations 12. On peut, si je ne me trompe, expli- Au moins voilà mes pensées sur la trans- |