falloit gravir. Arrivé sur le sommet, le 1148-49. général, ne trouvant niveau, ni fourrage, attiré d'ailleurs par l'aspect riant d'un vallon qui s'étend sous ses pieds, y descend tranquillement. Les Sarrasins sortent aussitôt de leurs retraites, s'emparent du poste que l'imprudent avoit abandonné, fondent avec impétuosité sur l'arrière-garde qui montoit, et renversent les soldats les uns sur les autres. Dans ce désordre le roi est séparé des siens, et poursuivi par un groupe d'ennemis qui s'attachent à lui. Il s'adosse contre un arbre, et reçoit la décharge de leurs traits, que la bonté de son armure rend inutiles. Dans un moment de relâche il trouve même la facilité de monter sur cet arbre. Là, comme dans un donjon, il repousse avec son bouclier ceux qui tentoient de l'escalader, et fait voler à grands coups de cimeterre les mains, les bras, les têtes des plus avancés. Las de sa résistance, et ne le connoissant pas, les assaillans l'abandonnent. Il descend de son arbre rencontre un cheval sans maître, s'en saisit, erre toute la nuit dans les détours de la montagne, et arrive enfin au point du jour à son armée qui s'étoit réunie. 11,8-49. Après bien des marches et contre Les Français à Anticche. roi. Retur du marches dont on attribue les erreurs à la trahison des guides que les Grecs fournissoient, les Français arrivent dans la Pamphilie, près d'une petite ville sur la mer, appartenant à l'empereur Manuel. Le gouverneur conseille au roi d'achever son voyage par mer, et lui offre des vaisseaux; mais quand il fallut s'embarquer, il ne s'en trouva pas assez. Louis fut obligé de laisser une grande partie de ses troupes qui le rejoignirent par terre, et arrivèrent fort harrassées et très diminuées à Antioche. L'armée campa hors de la ville. Le prince qui y régnoit se nommoit Raymond de Poitiers; il étoit oncle de la reine Eléonore, bien fait, spirituel, et point encore éloigné de l'âge qui permet la galanterie. La réception fut brillante, accompagnée des démonstrations les plus flatteuses d'estime et de reconnoissance: telle qu'elle devoit être pour un monarque qui venoit de si loin visiter les fils, les frères, les parens, les alliés des anciens vassaux de sa couronne. On pourroit trouver le fond d'un roman dans le peu que l'on sait de ce qui se passa à Antioche pendant quelques mois de séjour; la reine Eléonore en seroit l'héroïne. Elle y des soupçons. Le prince d'Antioche 1 court 1104-6. 1149-50. autant de gloire qu'on peut en acqué-rir dans une expédition très-malheureuse: telle en a été la conduite militaire. Croisés. Par ce qui vient d'être dit, on peut Conduite juger quelle a été la conduite morale. Les relations du temps nous apprennent que peu de croisés eurent des intentions purement religieuses; ou s'ils en eurent, elles se corrompirent en route. Il n'y a point de crimes atroces, de brigandages, d'actions honteuses qu'on ne leur reproche. Saint Bernard, qui avoit promis des succès, s'appuya sur les témoignages de cette dissolution trop connue, pour se disculper des revers; il en prit même occasion d'exhorter les peuples à se rendre, par la réforme des mœurs, dignes d'une autre croisade. Louis trouva son royaume en bon état, grâces aux soins de Suger abbé de Saint-Denys. On croit qu'il avoit présidé à l'éducation du roi dans ce monastère. Il conserva toujours auprès de lui un crédit mérité, et s'opposa fortement à la croisade, ou du moins à ce que le roi s'y engageât luimême; mais le goût du temps, le souvenir déchirant du massacre de Vassy, et l'éloquence de saint Bernard l'emportèrent, pu deux St. Bernard et Abailard. Il y avoit alors deux hommes, qui5-52. de leurs disciples auroient former une armée, saint Bernard et Abailard. Le premier, outre les cents moines rassemblés dans les déserts de Clairveaux, pouvoit mettre sur pied tous ceux dont le nombre n'est pas connu, habitans de cent soixante monastères répandus tant en France qu'en Allemagne, qu'il vit élever sous ses yeux. Abailard compta à Paris jusqu'à deux mille disciples, et étoit souvent accompagné d'une multitude peu inférieure dans les autres lieux où ses malheurs le conduisirent. Il enseignoit la dialectique avec des subtilités et des raffinemens qui parurent porter atteinte à la pureté des dogmes de la religion. Plusieurs conciles le condamnèrent sur la dénonciation de saint Bernard. Heureusement ces deux hommes, qui auroient pu armer tant de mains, se contentèrent de combattre par des argumens. On connoît les amours infortunés d'Abailard et d'Héloïse qui se retira comme lui dans un monastère. Il mourut dans un âge avancé. Son corps fut porté au Paraclet, dont Héloïse étoit abbesse le même tombeau a renfermé les deux amans. et |