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quand tu vas jouir du prix de la tienne? Tu vas mourir, penfes-tu. Non, tu vas vivre ; & c'est alors que je tiendrai tout ce que je t'ai promis.

Si l'Ame eft immatérielle, elle peut furvivre au corps ; & fi elle lui furvit, la Providence eft juftifice. Quand je n'aurois d'autre preuve de l'immortalité de l'Ame, que le triomphe du méchant & l'oppreffion du jufte en ce Monde, cela feul m'empêcheroit d'en douter. Une fi choquante diffonance dans Pharmonie univerfelle me feroit chercher à la réfoudre. Je me dirois: tout ne finit pas pour nous avec la vie, tout rentre dans l'ordre à la mort.

QUAND l'union du corps & de l'ame eft rompue, je conçois que P'un peut fe diffoudre & l'autre fe conferver. Pourquoi la deftruction de l'un entraîneroit-elle la deftruction de l'autre? Au contraire, étant de nature fr différente, ils étoient, par leur union, dans un état violent; & quand cette union ceffe, ils rentrent tous deux dans leur état naturel. La fubftance active regagne Toute la force qu'elle employoit à mouvoir la fubftance paffive & morte. Hélas! je le fens crop par mes vices: l'homme

ne vit qu'à moitié durant fa vie; & la vie de l'ame ne commence qu'à la mort du corps.

DE L'ÉVANGILE.

'ÉVANGILE, ce divin Livre, le feul

L'EVANGILE à ce diviétier, & le plus utile de tous à quiconque ne le feroit pas, n'a befoin que d'être médité, pour porter dans l'ame l'amour de fonAuteur, & la volonté d'accomplir fes préceptes. Jamais la vertu n'a parlé un fi doux langage; jamais la plus profonde fageffe ne s'eft exprimée avec tant d'énergie & de fimplicité.Onn'en quitte point la lecture fans fe fentir meilleur qu'auparavant.

VOYEZ les Livres des Philofophes avec toute leur pompe: qu'ils font petits auprès de celui-là! Se peut-il qu'un Livre, à la fois fi fublime & fi fage foit l'ouvrage des hommes? Se peut-il que celui dont il fait l'hiftoire, ne foit qu'un homme lui-même ? Est-ce là le ton d'un enthousiaste ou d'un ambitieux Sectaire? Quelle douceur, quelle pureté dans fes mœurs ! quelle grace touchante dans fes inftructions! quelle élévation dans fes maximes! quelle profonde fa

geffe dans fes difcours! quelle préfence d'efprit, quelle fineffe & quelle jufteffe dans les réponses! quel empire fur ses paffions! Où eft l'homme, où eft le fage qui fçait agir, fouffrir & mourir fans foibleffe & fans oftentation? Quand Platon peint fon jufte imaginaire, couvert de tout l'opprobre du crime, & digne de tous les prix de la vertu, il peint trait pour trait Jésus-Chrift: la reffemblance eft fi frappante, que tous les Peres l'ont fentie, & qu'il n'eft pas poffible de s'y

tromper.

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QUELS préjugés, quel aveuglement ne faut-il point avoir, pour ofer comparer le fils de Sophronifque au fils de Marie! Quelle distance de l'un à l'autre ! Socrate mourant fans douleur, fans ignominie, foutint aisément jufqu'au bout fon perfonnage; & fi cette facile mort n'eût honoré fa vie, on douteroit fi Socrate, avec tout fon efprit, fut autre chofe qu'un Sophifte. Il inventa, dit-on, la Morale. D'autres avant lui l'avoient mise en pratique; il ne fit que dire ce qu'ils avoient fait; il ne fit que mettre en leçons leurs exemples. Áriftide avoit été jufte avant que Socrate eût dit ce que c'étoit que juftice; Léonidas étoit mort

pour fon pays avant que Socrate eût fait un devoir d'aimer la Patrie; Sparte étoit fobre avant que Socrate eût loué la fobriété, avant qu'il eût loué la vertu, la Grèce abondoit en hommes vertueux : mais où Jéfus avoit-il pris chez les fiens cette Morale élevée & pure, dont lui feul a donné les leçons & l'exemple: Du fein du plus furieux fanatifme la plus haute fageffe fe fit entendre; & la fimplicité des plus héroïques vertus honora le plus vil de tous les peuples. La mort de Socrate philofophant tranquillement avec les amis, eft la plus douce qu'on puiffe defirer; celle de Jéfus, expirant dans les tourmens, injurić, raillé, maudit de tout un peuple, eft la plus horrible qu'on puiffe craindre. Socrate prenant la coupe empoifonnée, bénit celui qui la lui préfente & qui pleure ; Jefus, au milieu d'un fupplice affreux, prie pour les bourreaux acharnés. Oui, fi la vie & la mort de Socrate font d'un Sage, la vie & la mort de Jéfus font d'un Dieu.

DIRONS-NOUS que l'hiftoire de l'Evangile eft inventée à plaifir? Ce n'eft pas ainfi qu'on invente; & les faits de Socrate, dont perfonne ne doute, font: moins atteftés que ceux de Jésus-Chrift.

Au fond, c'eft reculer la difficulté fans la détruire. Il feroit plus inconcevable, que plufieurs hommes d'accord euffent: fabriqué ce Livre, qu'il ne l'eft qu'un feul en ait fourni le fujet. Jamais des Auteurs Juifs n'euffent trouvé ni ce ton, ni cette Morale ; & l'Evangile a des caracteres de vérité fi frappans, fi parfaitement inimitables, que l'inventeur en feroit plus étonnant que le héros.

I

DE LA DEVOTION.

L n'y a rien de bien, qui n'ait un excès blâmable; même la dévotion qui tourne en délire. Sçavez-vous comment viennent les extafes des Afcétiques? En prolongeant le tems qu'on donne à la priere, plus que ne le permet la foibleffe humaine. Alors l'efprit s'épuife, l'imagination s'allume & donne des vifons; on devient infpiré, Prophete; & il n'y a plus ni fens ni génie qui garantifle du fanatifme.

LA dévotion eft un Opium pour Fame: elle égaye, anime & foutient quand on en prend peu; une trop forte dofe endort, ou rend furieux, ou tue.

Si l'on abuse de l'Oraifon, & qu'on

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