COLLÉGE ROYAL DE FRANCE. CHAIRE De médeciNE. M. MAGENDIE. Professeur. (Second trimestre de 1832.) Dans la dernière séance, nous avons abordé plusieurs questions du plus grand intérêt touchant le sujet qui nous occupe. Des expériences faites sous vos yeux ont démontré que la rougeur des intestins. de cholériques morts durant le froid est différente de celle qui est propre à l'inflammation, tellement différente, que si le phénomène est étudié avec soin, au lieu de se contenter de la simple vue, comme pourrait le faire un observateur superficiel, le soupçon qu'il existe une inflammation ne vient même pas à l'esprit. Voilà ce qui résulte de faits nombreux, d'anato V LEÇON. 10 mie, de physiologie et d'observations directes et multipliées sur les cadavres des individus qui ont succombé à l'épidémie. Plus tard, en étudiant le canal intestinal chez les individus morts dans la période de réaction, nous discuterons la couleur qui se trouve dans le canal intestinal. Mais j'insiste sur cette vérité, que chez les individus inorts durant la période algide, aucun médecin éclairé ne peut soupçonner inflammation du canal intestinal. C'est, je le répète, ce que vous avez reconnu par l'expérience que j'ai faite dans la séance dernière, et dont le résultat peut encore vous être montré; voici l'intestin aujourd'hui desséché : il est partagé par une ligature; d'un côté vous voyez une rougeur prononcée, une stagnation de sang; de l'autre côté que nous avons lavé, injecté avec de l'eau, il n'y a plus aucune trace de la rougeur antécédente. Il vous a été ainsi démontré qu'une simple rougeur devait être distinguée d'une inflammation, qui est une modification grave du système capillaire, avec diffusion, épanchement des éléments du sang dans les parenchymes et les tissus. Nous nous sommes occupés aussi de l'état de quelques fonctions chez les cholériques, particulièrement de l'absorption intestinale. Nous avons cherché à reconnaître si cette fonction s'exerce; nous avons reconnu qu'elle a lieu dans le froid assez prononcé; mais nous n'avons pu assurer qu'elle ait lieu dans le froid porté à son maximum, lorsque par exemple les battements de l'artère aorte sont insensibles. Je n'ai pas encore fait d'expérience à ce sujet. Cette question était importante, car le médecin qui donne des médicaments à un cholérique, doit savoir de quelle manière l'absorption s'opère afin de régler ses prescriptions. Nous avons aussi parlé du système chylifère, des ganglions mésentériques, des vaisseaux lactés et du canal thoracique. Nous avons dit qu'ils ne subissaient pas d'altération, qu'ils étaient sains, mais vides, ne contenant pas de trace de chyle ni de lymphe. Nous avons enfin parlé de la respiration, de cette fonction vitale qui paraît troublée d'une manière si grave dans le cholera. Il est impossible en effet, soit qu'on fasse attention à la couleur du sang, soit qu'on ait égard à la température du corps, de ne pas supposer que l'acte respiratoire est grandement lésé. Mais il faudrait le savoir, d'une manière positive et par des résultats d'expériences directes; malheureusement je n'ai pas pu vous rapporter des faits assez certains à ce sujet. Je vous ai fait connaître les expériences de personnes de mérite, celles de M. Jonh Davy, qui assure que dans l'Inde la respiration des cholériques durant le froid a donné une moindre absorption d'oxigène, et par conséquent une moindre production d'acide carbonique; celles de M. Baruel, à Paris, qui a déclaré que l'air introduit dans les poumons des cholériques ne subissait pas d'altération, et sortait comme il était entré. Voilà des expériences sur lesquelles nous ne pouvons rien affirmer; mais M. Baruel est un chimiste habile, accoutumé à faire des expériences sur l'air; j'en ai même fait avec lui autrefois; il est digne de toute confiance. Je rapporte ce résultat tel que je l'ai appris de M. Leroy d'Étiole, qui a fourni l'air analysé. J'aurais voulu vous présenter des analyses faites sous mes yeux; malheureusement un de mes préparateurs, M. Nonat, est tombé malade de la cholérine hier; je ne le crois pas gravement malade, pourtant il est assez indisposé pour avoir été obligé de suspendre tout travail. Nous allons nous occuper aujourd'hui d'une question importante, capitale; je veux parler du sang des cholériques. Il est d'autant plus nécessaire de se fixer sur ses caractères physiques et chimiques que plusieurs systèmes de traitement rationnels en apparence ont été fondés sur sa nature, Nous devons donc, non-seulement sous le rapport physiologique, mais sous le rapport clinique, être au fait de tout ce que la science possède sur le sang cholérique. Nous avons dit, dans la séance dernière, qu'on ne pouvait pas douter que le sang chez les cholériques ne passat librement dans la plupart des circonstances à travers les pounions; nous avons dit qu'on entendait distinctement la respiration des cholériques, qu'il est certain que l'air arrive jusqu'aux dernières vésicules. A l'aide du stethoscope on entend la respiration, on l'entend même encore très-distinctement peu d'instants avant la mort. Quelques personnes m'ont dit n'avoir entendu que le bruit bronchique, et non l'expansion pulmonaire. J'ai examiné avec soin et j'ai entendu nettement la respiration dans toutes les parties du poumon. Déjà j'avais fait cette expérience en Angleterre, j'en avais été frappé ; je l'ai répétée ici, et je ne doute pas que l'air n'entre librement dans les poumons des cholériques. Si l'air entre librement dans les poumons, le sang y peut librement communiquer du système veineux avec le système artériel. Le sang doit nécessairement passer durant la vie, puisqu'une injection peut passer même après la mort. Sous ce rapport, les poumons de cholériques ne semblent différer en rien de ceux d'un homme en santé. Ainsi donc si la respiration des cholériques est altérée, ce n'est pas par obstacle physique au cours du sang à travers le poumon. II y a des variations considérables dans le nombre des inspirations dans un temps donné ; ce nombre va quelquefois à trente, quarante par minute, quelquefois il descend au-dessous de vingt. Dans les derniers temps de la vie, il y a une sorte de lutte entre l'inspiration et l'expiration, d'où il résulte compression des poumons, et bientôt emphysème de cet organe. Mais c'est plutôt là l'effet des convul |