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lence illicite (sedes impedita), non exclusive de l'esprit et du droit de retour (postliminium. Voir livre II. § 185 et suivants ci-après). Les convenances seules peuvent guider les autres souverains quand il s'agit de savoir s'ils doivent continuer à accorder au souverain déchu les titres et les honneurs précédents, tandis qu'ils ne doivent pas le refuser au souverain empêché temporairement dans l'exercice du pouvoir, alors surtout qu'ils reconnaissent expressément ses droits d'y rentrer. L'histoire fournit des exemples nombreux de souverains auxquels des honneurs royaux ont continué à être accordés, même après leur abdication: citons celui de la reine Christine de Suède (1655 -89) qui, pendant son séjour en France, réclamait non-seulement le droit d'exterritorialité, mais aussi celui de juridiction; 1 ensuite celui du roi Stanislas Lescinski (1709-1766), tandis que d'autres, p. ex. le roi Charles IV d'Espagne (depuis 1808), Gustave IV de Suède, enfin le roi Louis de Hollande se sont retirés tout-à-fait dans la vie privée.

Il est inutile d'ailleurs d'observer que dans les relations internationales les actes souverains du prédécesseur, rendus conformément aux lois fondamentales du pays, obligent ses successeurs. 2

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SECTION III.

L'HOMME DANS SES RAPPORTS INTERNATIONAUX.

§ 58. Suivant Aristote l'homme est né pour la société et pour l'État; mais il n'est pas toujours sous l'empire de ce dernier; il peut exister sans l'État, et l'État n'est pas le même partout: il y en a des espèces fort différentes d'après l'esprit les moeurs, la religion des peuples et par suite de la nature du sol. En conséquence aussi le droit n'est pas le même partout et pour tous.

1 V. Bynkershoek, De jud. legat. chap. III, 4 et 16. de Martens, Nouv. Causes célèbres. t. II. Append. no. IV.

2 Comparez les écrits où cette question est traitée dans toute son étendue et qui sont indiqués par Zachariae, Das Staats- und Bundesrecht. § 58.

Assurément, s'il y a certains droits primordiaux auxquels l'homme peut prétendre par cela seul qu'il existe, ces droits devront être également respectés par tous, sans distinction à quelle nation l'individu appartient, les nations n'étant ellesmêmes que des personnalités collectives du genre humain. En effet, on n'a pas seulement enseigné l'existence de droits de l'homme en général, mais on a tâché même de les formuler légalement dans quelques pays, principalement en France. Si d'un autre côté on a nié la force obligatoire et universelle de ces prétendus droits primordiaux, il faudra admettre néanmoins qu'ils sont une norme pour les États qui ont adopté pour règle de leur conduite les lois de la morale naturelle.

Les exigences communes à tous les individus se résument dans l'idée de la liberté personnelle. L'homme étant appelé à se développer physiquement et moralement en tout ce dont la nature humaine est capable, l'État, qui n'est lui-même qu'une portion de l'humanité, loin de troubler ou d'entraver ce développement libre, doit au contraire le favoriser par tous les moyens. En vertu de sa haute mission l'État doit en outre prêter son assistance aux membres qui, passagèrement ou d'une manière permanente, sont empêchés de jouir de la liberté commune. En leur fournissant les choses les plus nécessaires à leurs besoins, il tâche en même temps de les élever au niveau moral de la société.

En conséquence du même principe l'homme ne peut pas être la propriété d'un autre ni de l'État lui-même. Aucune nation qui se dirige d'après les préceptes de l'humanité ne doit donc tolérer l'esclavage ni admettre sur son territoire les conséquences qui en découlent. L'esclave et le serf étranger seront pour l'État des hommes libres. A la vérité ce principe que l'air rend libre a été proclamé en France déjà par le roi Louis X (Ordonn. V, 1. p. 1311); il l'a été également en Angleterre, en Prusse et ailleurs. L'acte du Parlement anglais 3. 4, Will. 4, chap. 73, publié le premier août 1834, a inauguré une nouvelle ère par l'abolition de l'esclavage dans les colonies; et la guerre civile dans le Nord de l'Amérique vient d'achever la victoire du système abolitioniste. Bien peu s'en faut-il encore pour

qu'on puisse enrégistrer au droit européen le principe qu'il n'y a plus d'esclavage.1

§ 58. L'analyse de la liberté individuelle nous fait distinguer les droits élémentaires suivants, savoir:

Premièrement le choix libre d'une résidence dans un pays quelconque où l'homme croit pouvoir vivre le plus librement et à son aise. Aucun individu n'est attaché irrévocablement à la glėbe de l'État, qui l'a vu naître ou qui l'a protégé quelque temps. La terre est la patrie commune de tous les hommes, et pour sauvegarder sa liberté il faut avoir la faculté de chercher une nouvelle patrie dans une autre partie du globe. Le droit d'émigration est donc un droit imprescriptible, limité seulement par des engagements volontaires ou légaux auxquels les hommes ont été soumis dans les temps passés. L'ancienne théorie de même que l'ancienne pratique des États n'avaient qu'une intelligence très-imparfaite d'un principe qui aujourd'hui ne fait plus l'objet d'aucun doute. M. de Haller même a admis le droit d'émigration comme un droit fondamental.2 Quant aux restrictions particulières de ce droit, nous les examinerons au § 59 ci-après.

Deuxièmement, conservation, défense et développement de la personnalité physique dans les limites de la nécessité et sans lésion d'autrui. De là découlent la faculté d'assujettir la nature aux besoins matériels de la vie, la propriété, sa conservation et son accroissement par le libre échange, le mariage comme moyen de réproduction de l'espèce humaine, tous ces droits contenus dans les limites tracées par la loi morale.

Troisièmemeut, droit d'existence et de libre développement de la personnalité morale et par suite faculté d'acquérir

1 Parmi les écrits qui ont traité ce grand sujet nous nous bornerous à citer Biot, L'abolition de l'esclavage ancien. Paris 1841. Agenor de Gasparin, Esclavage et traite des noirs. Paris 1838. Foelix, dans la Revue étrangère. t. IV et V. Phillimore I, 316.

2 V. sur l'ancienne théorie les écrits indiqués par de Kamptz § 122. V. sur M. de Haller le compte-rendu dans la Revue critique de législation t. VII. (1855) p. 478. Il appelle le droit d'émigration,, flebile beneficium." Comparez aussi Merlin, Répert. m. Souveraineté. § 14. Zachariae, 40 Bücher vom Staat. IV, 1, 258.

et de développer des connaissances par un libre échange intellectuel; faculté enfin de se former des convictions religieuses sur le monde invisible et d'y conformer sa conduite.

Tels sont les droits primordiaux et privés de tous les hommes, droits qu'on ne doit pas confondre avec les droits politiques ou de citoyen. A l'égard de ces derniers il n'existe aucun principe uniforme et généralement admis par toutes les nations. Leurs formes et leurs modifications dépendent de la condition du pouvoir et de l'esprit publics. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, placée en tête de la constitution française du 3 septembre 1791, avait tâché de les réunir ensemble.

C'est à l'État à prescrire les formes ou les modes d'expression de ces droits qui existent indépendamment de lui, à en tracer l'ordre et les limites, et à fournir les moyens de les réaliser. C'est par là qu'ils entrent dans le domaine de la législation intérieure de chaque État. Mais le concert commun de l'Europe a consacré le principe qu'il n'y a plus de personnes ou nationalités proscrites et hors de loi, comme il y en avait jadis, p. e. celle des nommés Égyptiens ou Bohémiens (Cingari), et qu'il faut accorder à toute personne une protection de sa vie et de ses biens. Il y a encore plus. L'esprit cosmopolitique des États modernes fait jouir les étrangers presque partout des mêmes droits privés que les regnicoles, ainsi qu'il sera dit au § 60 ci-après. Les régulations particulières ne concernent que l'étendue de cette concession et constituent cette partie de la jurisprudence que l'on appelle habituellement le droit international des étrangers, ou droit international privé, et que l'on pourrait nommer aussi bien le droit international de l'homme.

Les regnicoles et sujets des États.

§ 59. Constatons d'abord le caractère distinctif de la sujétion, c'est-à-dire de la dépendance personnelle d'un certain État.

1 Comparez déjà de Réal, Science du Gouvernem. IV, 7, 1, 1. Vattel Droit des gens. II, 1, 19. 6, 17. Günther II, 344.

Sont considérés comme membres ou sujets de l'État, d'après le droit international:

1° Les regnicoles, c'est-à-dire tous ceux qui sont établis dans le territoire d'un État à demeure perpétuelle, peu importe qu'ils y soient nés ou qu'ils y aient fixé leur domicile;

2o les personnes qui, d'une manière définitive, y sont entrées en service, soit dans les armées de terre ou de mer, soit dans l'administration civile;

3o les femmes de ces personnes, de même que les enfants légitimes d'un père, les enfants naturels d'une mère, et les enfants nés à l'étranger de parents regnicoles, tant qu'ils n'ont pas la capacité civile nécessaire pour choisir leur domicile et avant d'en avoir profité.1 Jusqu'alors l'enfant doit être regardé comme étant régi par les lois du pays auquel appartiennent ses parents, quoique les tribunaux du pays où l'enfant réside ne suivent pas partout cette règle;

4° enfin les enfants trouvés dans un pays, à moins que leur origine n'ait pu être constatée.

Le droit public interne indique les droits politiques et civils dont jouissent ces différentes classes de personnes, ainsi qu'il peut admettre, en dehors de ces catégories, encore d'autres aux droits de cité. Néanmoins il est évident que l'extension donnée par les lois ou patentes d'un État à la qualité de sujet, ne peut porter aucun préjudice aux liens de sujétion envers un autre Etat suivant les règles internationales ci-dessus exposées. 2

Sont considérés comme sujets d'un État sous certains rapports seulement (subditi secundum quid) les personnes ci-après dénommées, savoir:

1 Vattel I, 19. § 215. Quant aux enfants nés sur mer v. § 78 ciaprès.

2 Les conflits entre les divers États deviennent de jour en jour plus gênants. L'on ne pourra y remédier que par des traités. Les États-Unis de l'Amérique ont déjà pris ce chemin. Comp.,,Conventions regulating Nationality." 1868. Comparez encore Westlake dans la Revue du droit intern. 1869. p. 102.

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