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triumphamment acoustre, autour de luy estandars, bannieres et guydons desployes, armoyes des nobles fleurs de lis et trompettes et clarons a grant nombre. Apres marcha larriere garde bien ordonne et en bel estat, et estoit chief de larriere garde monseigneur de la Trimouille et monseigneur de Guyse natif de Picardie, qui si porterent si vaillamment que merveilles, en la quelle

qu'avons conquis. Mais tres magnanimes capitaines et vaillans soldats, plus de morts, moins d'ennemys : nous leurs osterons le moyen d'executer ceste furieuse fantasie, je m'asseure que si nous nous joignons aux mains, pied contre pied, jamais ils n'endureront l'impetuosite de vos armes n'y l'ardeur de votre assault. Je n'avoys pas encore eu le moyen de vous recompenser de vos travaux, mais les riches despouilles de l'ennemy satisferont et a mon desir et a mon devoir, les quelles vous raporterez comme vaillans, d'hommes sans vaillance, comme bons soldats de ceulx qui ne scavent que braver en leurs delices. Et qui est celuy qui congnoissant les Francois, ne juge (afin que je ne fasse trop de compte de nostre force) que l'ennemy sera puny de son ambitieuse convoitise et temeraire audace? Ne veoyez vous pas que l'advantage du lieu est nostre, nous ayans les costeaux et collines et le long de la riviere pour les flanqueger et chatouiller a grands coups de canons? Ne vous esjouit il point: et certainement je veoy que sy, que nos freres et allies les Suisses et Allemans ne souhaittent que la bataille? Avons nous point faute de bonne cavalerie? C'est elle qui fait trembler l'ennemy, quelque grand troupe qu'il se veoye : ils marchent trop lentement: ils ont trop peu de gaillardise et fureur aux visages. Cecy me sert d'un presage seur que les miserables se vont ensevelir dans leurs propres armes. Que la multitude ne vous esbahisse point, la quelle bien souvent se deffait de soy mesme: et l'un empechant l'autre prepare la voye de victoire au plus petit nombre. A ceste cause ô soldats magnanimes, marchons hardiment combattons fierement, car vous tenez la proye que vous desirez sur l'ennemy, enclose dans vos paneaux. Poussons vaillament et estonnons ces braves si bien qu'il n'en echappe pas un qui ne soit ou mort ou prins. Nous avons vaincu

estoit les sisles et le guet acoustume. Il fut ordonne avant que partir du camp que tous les bagaiges coffres, bahus, vivres de gens, de cheveaulx, vivandiers et autres gens non armes tant a pied comme a cheval yroient par oultre les greves a main gauche, et en fut baillee la conduicte au cappitaine Oudet qui y fist le possible, mais a grant peine vouloient ils tenir ordre, dont il se courrouca moult fort, car lung vouloit marcher et lautre non, lung vouloit boire, lautre manger, les autres vouloient faire boire et repaistre leurs cheveaulx, et plusieurs autres vouloient aller au logis ou lon disoit que le roy vouloit aller loger qui fut cause de leur perdition, et par eulx mesmes, car en ce faisant ils se mettoient en discorde coup sur coup combien quils fussent grant nombre. Or il est a scavoir que apres que la bataille fut ordonnee et lartillerie mise en son train on commenca a marcher en tel ordre que le cas le requeroit contre les ennemys les quels estoient ja partis de leur camp pour venir combattre,

et vaincu tellement quil ne sera jamais que le vallon de Fornoue ne soit lamentable aux Venitiens, et honorable par sa memoire aux François et peuples de son alliance. Ce bruit et tempeste celeste monstre le courroux du souverain contre ceux qui rompent leur foy: Allons aidez du Ciel et suivis de bonnes fortunes contre ceulx la qui entre nos glaives tranchans ont a combattre contre fortune voire contre leur propre conscience, qui les aiguillone trop vivement sur le record de leur foy violée. Courage donc vaillans chevaliers, courage gentils soldats : faictes sentir a l'ennemy que vault la presence de celuy qui vous prie d'observer la majesté de sa couronne, et de preserver celuy que vous admirez et reverez, comme le prince qui sorty de vous se fie en vos mains, et apres Dieu y commet sa vie, son honneur, fortune et richesses.

(Belleforest, p. 39.)

les quels eulx venus en place avanlaigeuse pour eulx a faire ce quils avoient entreprins ils commencerent a deslacher une grosse piece dartillerie vers le quartier de lavant garde, et venoient du coste ou estoient les sommiers, dont plusieurs furent blesses, mais ce ne fut rien, et ne fut lavant garde en rien deschampee par lartillerie des ennemys, car tousjours elle passoit oultre. Tantost apres eut quelque grant coup dartillerie rue par les ennemy s incontinent que les maistres canonniers du roy peurent choisir de lœil icelle ils affuterent ung gros canon a tout une grosse boule de fonte en telle maniere que du second coup quil deslascha il rompit et mist en plus de mille pieces les bastons que ainsi fort tyroient contre les Francois, et fut tue ung de leurs principaulx canonniers ainsi quil fut sceu par une des trompettes des ennemys qui fut prinse tantost apres. Tant continuerent les dicts Francois canonniers a tirer si tres impetueusement que les autres furent contrains deulx retirer autre part. Et en ces entrefaictes les ungs sur les autres se commencerent a escarmouscher ca et la, mais lavant garde en seurete et certaine ordre marchoit pas a pas, ensemble lartillerie apres icelle bien acompaigne dung coste et dautres des Suysses et Alemans. En ceste facon et maniere, bon ordre, vertueuse et virile hardyesse toute larmee entierement marcha avant, environ demye lieue de France. Et au regard des sommiers, bagaiges et autres gens de suyte, pour ce quils se mirent en desordre malheur en print, car les ennemys voyant la bataille marcher et estre en conduicte de toute perfection ne bougeoient, mais regardoient comment ils pourroient

trouver le moyen de la desreigler et mettre hors de son train. A quoy faire ils envoyerent une grant quantite dEstradiots, Albanois et autres manieres de gens du coste devers la montaigne en passant par devers Fornoue, les quels frapperent sur le bagaige, tellement que les ennemys pensoient que la bataille se descamperoit et mettroit en desarroy en confermant et adjoustant foy a ce que par autre fois ils avoient ouy dire des Francois. Cest a scavoir que les Francois tenoient aux champs le plus mauvais ordre que toutes les nations du monde, mais on leur donna bien a congnoistre le contraire car jamais meilleure ordre ne fut tenue en bataille du monde ne de si bonne sorte au prouffit et honneur du roy et de son royaulme tant que tous ceulx qui la estoient monstrerent avoir çueur franc, amour loyal et vouloir entier. Et croy certainement quil nest si dur cueur au monde ou au moins du zele et de la qualite aux amoureux de la fleur bienheuree qui lors eust veu et ymagine le port de lardant desir que les vertueux et nobles gens darmes qui la estoient, avoient de servir leur vray roy, prince et Seigneur veu le dangier merveilleux ou ils estoient qui neust este commue et provoque a larmes de piteuse compassion. Et semblablement sil eust veu le tres vertueux roy attendu le lieu ou il estoit soy mettre avant si vaillament comme il faisoit, non pas seulement par la force et puissance qui estoit en sa personne, estoit la prouesse deffort certain quen luy pouvoit avoir. Considere son jeune aage et la corpullence de luy avec ce en maniere, contenance, geste, faconde, delibere en parolle, en conseils et en demandes courageuses, les quels il

faisoit a ses familliers et principaulx amys, les quelles estoient telles ou semblables.

Que dites vous Messeigneurs nestes vous pas deliberes de bien me servir aujourdhuy. Ne voulez vous pas vivre et mourir avec moy. Las deffendons la noble couronne de France que on veult aujourdhuy disciper et derompre, monstrons que France est vigoureuse, hardye, et sur toutes nations chevalereuse. Nayez point de paour mes amys. Je scay de vray quils sont dix fois autant que nous, mais ne vous chaille Dieu nous a ayde jusques icy. Il ma fait la garde de vous avoir menes et conduits jusques a Naples ou jay eu victoire sur tous mes adversaires, et depuis Naples je vous ai amenes jusques icy sans oppression ne esclandre vilaine. Et si son bon plaisir est je vous rameneray encore en France a lhonneur et gloire de nous tous et de notre royaulme. Et pourtant mes amys ayez couraige, nous som mes en bonne querelle, Dieu est pour nous, et Dieu bataillera pour nous. Dieu veult aujourdhui monstrer la bonne amour, la dilection et la charite singuliere que il a aux bons et loyaulx Francois, parquoy je vous prie que chascun se fie plus en luy et en son ayde que en la force de soy mesme. En ce faisant ne doubtez point quil nous donnera faculte et victorieuse vengeance de nos ennemys et gloire bienheuree. De ces propres mots ou autres termes en subtance semblables le tres preux et couraigeux roy consoloit et encouragoit ses gens les quels estoient au lieu de paour, chemin de paour et voye de crainte mortelle. Les ennemys voyant tenir si bonne ordre aux Francois sans eulx esbranler ne muer pour chose que on leur sceust faire, et pour ce quils ne scavoient pas bonnement

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