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Plus de soins, plus d'assauts, et presque plus de temps,
Que n'en coûte à son bras l'empire des Persans.
Ennemis du repos qui perdit ces infâmes,

L'or qui naît sous nos pas ne corrompt point nos ames :
La gloire est le seul bien qui nous puisse tenter,
Et le seul que mon cœur cherche à lui disputer;
C'est elle....

ÉPHESTION, en se levant.

Et c'est aussi ce que cherche Alexandre :

A de moindres objets son cœur ne peut descendre.
C'est ce qui, l'arrachant du sein de ses états,
Au trône de Cyrus lui fit porter ses pas,

Et, du plus ferme empire ébranlant les colonnes,
Attaquer, conquérir, et donner les couronnes.
Et puisque votre orgueil ose lui disputer
La gloire du pardon qu'il vous fait présenter,
Vos yeux, dès aujourd'hui témoins de sa victoire,
Verront de quelle ardeur il combat pour la gloire :
Bientôt le fer en main vous le verrez marcher.

PORUS.

Allez donc je l'attends, ou je le vais chercher.

SCÈNE III.

PORUS, TAXILE.

TAXILE.

Quoi! vous voulez au gré de votre impatience.....

PORUS.

Non, je ne prétends point troubler votre alliance :

Ephestion, aigri seulement contre moi,
De vos soumissions rendra compte à son roi.
Les troupes d'Axiane, à me suivre engagées,
Attendent le combat sous mes drapeaux rangées;
De son trône et du mien je soutiendrai l'éclat ;
Et vous serez, seigneur, le juge du combat :
A moins que votre cœur, animé d'un beau zèle,
De vos nouveaux amis n'embrasse la querelle.

AH!

SCÈNE IV.

AXIANE, PORUS, TAXILE.

AXIANE, à Taxile.

que dit-on de vous, seigneur! Nos ennemis Se vantent que Taxile est à moitié soumis;

Qu'il ne marchera point contre un roi qu'il respecte.

TAXILE.

La foi d'un ennemi doit être un peu suspecte, Madame; avec le temps ils me connoîtront mieux.

AXIANE.

Démentez donc, seigneur, ce bruit injurieux ;
De ceux qui l'ont semé confondez l'insolence;
Allez, comme Porus, les forcer au silence,
Et leur faire sentir, par un juste courroux,
Qu'ils n'ont point d'ennemi plus funeste que vous.

TAXILE.

Madame, je m'en vais disposer mon armée.
Écoutez moins ce bruit qui vous tient alarmée :

Porus fait son devoir; et je ferai le mien.

SCENE V.

AXIANE, PORUS.

AXIANE.

CETTE Sombre froideur ne m'en dit pourtant rien,
Lâche! et ce n'est point là, pour me le faire croire,
La démarche d'un roi qui court à la victoire.
Il n'en faut plus douter, et nous sommes trahis :
Il immole à sa sœur sa gloire et son pays;

Et sa haine, seigneur, qui cherche à vous abattre,
Attend pour éclater que vous alliez combattre.

PORUS.

Madame, en le perdant je perds un foible appui
Je le connoissois trop pour m'assurer sur lui.
Mes yeux sans se troubler ont vu son inconstance :
Je craignois beaucoup plus sa molle résistance.

Un traître, en nous quittant pour complaire à sa sœur,
Nous affoiblit bien moins qu'un lâche défenseur.

AXIANE.

Et cependant, seigneur, qu'allez-vous entreprendre? Vous marchez sans compter les forces d'Alexandre; Et, courant presque seul au-devant de leurs coups, Contre tant d'ennemis vous n'opposez que vous.

PORUS.

Hé quoi! voudriez-vous qu'à l'exemple d'un traître
Ma frayeur conspirât à vous donner un maître ;
Que Porus, dans un camp se laissant arrêter,
Refusât le combat qu'il vient de présenter ?

Non, non, je n'en crois rien. Je connois mieux, madame,
Le beau feu que la gloire allume dans votre ame:

C'est vous,
je m'en souviens, dont les puissants appas
Excitoient tous nos rois, les traînoient aux combats;
Et de qui la fierté, refusant de se rendre,

Ne vouloit pour amant qu'un vainqueur d'Alexandre.
Il faut vaincre ; et j'y cours, bien moins pour éviter
Le titre de captif, que pour le mériter.

Oui, madame, je vais, dans l'ardeur qui m'entraîne,
Victorieux ou mort mériter votre chaîne ;

Et puisque mes soupirs s'expliquoient vainement
A ce coeur que la gloire occupe seulement,
Je m'en vais, par l'éclat qu'une victoire donne,
Attacher de si près la gloire à ma personne,
Que je pourrai peut-être amener votre cœur
De l'amour de la gloire à l'amour du vainqueur.

AXIANE.

Hé bien, seigneur, allez. Taxile aura peut-être
Des sujets dans son camp plus braves que leur maître ;
Je vais les exciter par un dernier effort:

Après, dans votre camp j'attendrai votre sort.
Ne vous informez point de l'état de mon ame :
Triomphez, et vivez.

PORUS.

Qu'attendez-vous, madame?

Pourquoi dès ce moment ne puis-je pas savoir
Si mes tristes soupirs ont pu vous émouvoir ?
Voulez-vous, car le sort, adorable Axiane,
A ne vous plus revoir peut-être me condamne;

Voulez-vous qu'en mourant un prince infortuné
Ignore à quelle gloire il étoit destiné ?

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Si vous sentiez pour moi quelque heureuse foiblesse,
Ce cœur qui me promet tant d'estime en ce jour,
Me pourroit bien encor promettre un peu d'amour.
Contre tant de soupirs peut-il bien se défendre?

Peut-il....

AXIANE.

Allez, seigneur, marchez contre Alexandre,

La victoire est à vous, si ce fameux vainqueur
Ne se défend pas mieux contre vous que mon cœur.

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