CARITIDÈS. Le voici. Mais au moins oyez-en la lecture, Non... ERASTE. CARITIDÈS. C'est pour être instruit, monsieur: je vous conjure PLACET AU ROI. SIKE, << Votre très humble, très obéissant, très fidèle et «< très savant sujet et serviteur Caritidès, François de « nation, Grec de profession, ayant considéré les " grands et notables abus qui se commettent aux in«scriptions des enseignes des maisons, boutiques, «cabarets, jeux de boule, et autres lieux de votre « bonne ville de Paris, en ce que certains ignorants, compositeurs desdites inscriptions, renversent par « une barbare, pernicieuse et détestable orthographe, << toute sorte de sens et de raison, sans aucun égard << d'étymologie, analogie, énergie, ni allégorie quel« conque, au grand scandale de la république des « lettres, et de la nation françoise, qui se décrie et «< se déshonore, par lesdits abus et fautes grossières, « envers les étrangers, notamment envers les Allemands, curieux lecteurs et spectateurs desdites « inscriptions... " ÉRASTE. Ce placet est fort long, et pourroit bien fâcher. CARITIDÈS. Ah! monsieur, pas un mot ne s'en peut retrancher. (Il continue.) " supplie humblement votre majesté de créer, pour le bien de son état et la gloire de son empire, une «< charge de contrôleur, intendant, correcteur, révi« seur et restaurateur général desdites inscriptions, « et d'icelle honorer le suppliant, tant en considération de son rare et éminent savoir, que des grands «<et signalés services qu'il a rendus à l'état et à votre majesté, en faisant l'anagramme de votre dite ma«jesté, en françois, latin, grec, hébreu, syriaque, chaldéen, arabe... » " ÉRASTE, l'interrompant. Fort bien. Donnez-le vite, et faites la retraite: CARITIDÈS. Hélas! monsieur, c'est tout que montrer mon placet. Dans les deux bouts du vers, et dans chaque hémistiche. ERASTE. Oui, vous l'aurez demain, monsieur Caritidès. (seul.) Ma foi, de tels savants sont des ânes bien faits: SCÈNE III. ORMIN, ÉRASTE. ORMIN. Bien qu'une grande affaire en ce lieu me conduise, J'ai voulu qu'il sortît avant que vous parler. ÉRASTE. Fort bien. Mais dépêchons; car je veux m'en aller. ORMIN. Je me doute à-peu-près que l'homme qui vous quitte Et des gens comme vous doivent fuir l'entretien ÉRASTE, bas, à part. Voici quelque souffleur, de ces gens qui n'ont rien, Et nous viennent toujours promettre tant de bien. (haut.) Vous avez fait, monsieur, cette bénite pierre Qui peut seule enrichir tous les rois de la terre? ORMIN. La plaisante pensée, hélas! où vous voilà! Et sans fouler le peuple en aucune façon; Soit, nous en parlerons. Je suis un peu pressé. ORMIN. Si vous me promettiez de garder le silence, ÉRASTE. Non, non, je ne veux point savoir votre secret. ORMIN. Monsieur, pour le trahir je vous crois trop discret, Et veux avec franchise en deux mots vous l'apprendre. Il faut voir si quelqu'un ne peut point nous entendre. { Après avoir regardé si personne ne l'écoute, il s'approche de l'oreille d'Éraste.) Cet avis merveilleux dont je suis l'inventeur Est que... ÉRASTE. D'un peu plus loin, et pour cause, monsieur, ORMIN. Vous voyez le grand gain, sans qu'il faille le dire, Est qu'il faut de la France, et c'est un coup aisé, ÉRASTE. L'avis est bon, et plaira fort au roi. Adieu. Nous nous verrons. Si vous vouliez me prêter deux pistoles, Que vous reprendriez sur le droit de l'avis, Monsieur... ÉRASTE. (Il donne deux louis à Ormin.) (seul.) Oui, volontiers. Plût à Dieu qu'à ce prix De tous les importuns je pusse me voir quitte! |