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Passe.

DON JUAN.

LEPORELLO.

« Miss Julia Pipty. »

DON JUAN.

Charmante fille! elle était bête comme une oie.

LEPORELLO.

« Jeanne trois étoiles. >>

DON JUAN.

C'était un lundi gras.

LEPORELLO.

«La marquise de la terrasse des Feuillants. »

DON JUAN.

Ses yeux étaient transparents comme des larmes. Quand on valsait avec elle, on avait peur de la casser; pauvre enfant! Elle ne m'avait coûté qu'un bouquet.

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La petite fringante.

DON JUAN.

LEPORELLO.

« La grande bavarde à la bague bleue. »

DON JUAN.

Quel nez elle avait! mais j'aimais son esprit.

LEPORELLO.

«La baronne de... Il y a un pâté. »

Passe.

DON JUAN.

LEPORELLO.

«Trois figurantes; Emma, modiste; une sœur de charité, inconnue. »

Et

DON JUAN.

que te reste-t-il pour avoir voulu te désaltérer tant de fois? Une soif ardente, ô mon Dieu!

Leporello laisse tomber la liste. D's musiciens entrent dans la cour et font un tapage horrible. Leporello se lève et va à la fenêtre,

LEPORELLO.

Ah! monsieur, que de monde! Vieilles et jeunes, dévotes et fillettes, tout se presse, caquette et sautille.

DON JUAN.

Viens ici, prends une plume, et écris.

J'attends.

LEPORELLO.

DON JUAN.

« Si un malheureux qui vous adore peut mériter

votre pitié, ô charmante inconnue, vous vous retournerez à la messe. >>

C'est fait.

LEPORELLO.

DON JUAN.

<< Et vous suivrez le confident discret qui se trouvera derrière votre chaise, ma très-chère vie, idole de mon âme. » Plie et mets le cachet.

Et puis.

LEPORELLO.

DON JUAN.

Prends-le, butor, bien délicatement avec tes doigts de serrurier; suspend le poulet au-dessus de la fenêtre; et, puisque tu vois tant de beautés, laisse-le tomber sur le plus petit pied que tu apercevras.

LEPORELLO, à la fenêtre.

Voici une grosse, ronde, rebondie poulette; son œil babille, son chien frétille, son bonnet rond s'envole au

vent.

DON JUAN.

Hélas! je vous connais, mesdemoiselles. Ne làche pas le billet, Leporello.

LEPORELLO.

Voici une petite cendrillon qui trottine à côté d'un chanoine; il y a écrit sur sa modestie qu'elle est nièce d'un curé. Ses mains sont bien gantées, sa jupe la pince, elle est habillée tout à neuf.

DON JUAN.

Tiens ferme.

LEPORELLO.

Mais monsieur ne trouvera rien qui lui plaise.

DON JUAN.

Peut-être.

LEPORELLO.

Levez-vous donc alors et regardez vous-même.

DON JUAN.

Non, je connais la fortune, laisse-moi attendre au lit cette belle prostituée.

LEPORELLO.

Voici une duchesse d'antichambre, escortée de son duc, laquais et petit chien assortissants.

DON JUAN.

Comme les polissons s'accrochent aux carrosses de louage qui passent, c'est ainsi que les gens de cour s'agrippent aux hommes en faveur. Triste engeance! Je n'en aime rien, Leporello, pas même les femmes...

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J'aperçois un pâle narcisse, la démarche à l'anglaise yeux battus.

et les

DON JUAN.

Pas davantage; celui qui sent son corps brûler par

les ardeurs de l'été doit plonger sa tète dans une source plus pure et plus fraiche que le cristal; passe, Leporello; j'aime assez en hiver la neige où personne n'a marché.

LEPORELLO.

Voici donc une jeune fille bien élevée, dûment talonnée par une gouvernante pourvue de lunettes bleues.

DON JUAN.

Oh! c'est trop long, il faut des quinze jours à ces scrupules-là.

LEPORELLO.

Que dites-vous d'une doucereuse momie qui joue la poitrinaire? Elle tousse à petit bruit comme un académicien qui va lire une complainte de réception.

DON JUAN, bâillant.

Ah! ah! tiens, Leporello, déchire le billet.

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A propos du plus petit pied que j'aie encore vu; la demoiselle, du reste, est voilée; je lui donne bien quinze ans. La voilà qui se baisse et ramasse. — Elle lit. Oh! quels yeux noirs! Sa gouvernante n'a rien vu, grâce à Dieu.

Et qu'en dit-elle?

DON JUAN.

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