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cipale caufe de leur infériorité littéraire doit être
cherchée dans la bizarre conformation du langage
ou de Pécriture. Leurs caractères trop compliqués
et trop nombreux ôtent à l'imprimerie fon plus grand,
avantage, celui de concentrer dans un petit espace ·
un grand nombre d'idées. Il faut s'être exercé dans
de longues études, fi l'on veut être en état de con-
cevoir quelques unes des clefs dont leur langue écri-
te dépend. Peu d'individus favent lire complète.
ment. A quoi leur fervent donc les livres ? Leur in-
fluence est détruite, et leur effet doit être infiniment
plus borné que chez nous.

Peut-être, à l'avenir, une forte de révolution viendra-t-elle disfiper ces entraves. Depuis l'inva fion des Tartares Mantchous (en 1644), un autre langage s'est fait jour dans le Céleste Empire: depuis plufieurs années on a commencé de traduire dans l'idiome Mantchou, qui devient de plus en plus vulgaire, les productions littéraires, jusque là la proie exclufive des Mandarins (1).

Cette obfervation m'indique un premier moyen d'augmenter l'action favorable de cet art, ce ferait de perfectionner davantage les fignes du langage. I! y a encore chez nous trop de caractères parasites. Les

(1) Voyez la préface devant Alphabet Mantchoy publié en 1807 Paris par M. Langlès. Quant à l'histoire de cet idiome et à l'ufage que les Chinois en ont déjà fait, on peut confulter les détails confignés par M. Julius von Klaproth, Reife in den Kaukafus und nach Georgien, (Halle und Berlin 1814) T.2. P: $47, et fuiv,

1

Les études feraient de grands pås en avant, fi on fe déterminait à adopter une concentration de fignes, enforte qu'un coup d'oeil transmit ausfi chaque fois une penfée.

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Cet expédient pourrait être réalifé, fi on appli quait aux articulations de la parole un procédé à peu près pareil à celui qu'on emploie dans la notation muficale.

Qu'on m'entende bien! je ne fouhaite pas de faire. revivre le rêve, qui a vainement fatigué d'illustres génies, - une langue univerfelle fubftituée à nos idiomes ufuels. Je hafarde une propofition d'un au tre genre. Je voudrais qu'on fimplifiat les caractères et l'orthographe, qu'on confervat les fons mais qu'on adoptât une voie moins longue pour les

noter.

Une méthode abbréviative est posfible. On parcourrait un volume avec moins de contention; et par la réduction de cette longue férie de lettres adoptée pour former des mots potre courte vie fuffirait à parcourir la portion de livres qu'il ferait nécesfaire de connaître.

Une pareille méthode devrait fe garder de multiplier les fignes, ou d'en asfigner un chaque à mot. On reviendrait à la mauvaife coûtume des Chinois, chez qui plufieurs favans meurent fans avoir pu finir le pénible apprentisfage de leur langue, Il s'a git de conferver notre prononciation et nos moyens ufuels de communication: il importe feulement d'abréger la marche fuivie à préfent par l'organe de la H 5

vue.

vue. Loin d'être une chimère, cette idée a déjà été réalifée avec quelque fuccès dans l'Okygraphie de Mr. Blanc (3).

S. 3.

Le moraliste prononce une objection infiniment plus grave contre l'invention de Koster.

Entre d'imprudentes mains elle fut un inftrument de démoralifation. Sappant les fondemens de l'ordre focial, elle a foulevé les peuples, femé la discorde, attifé la révolte. Dans les tems moder nes, fon abus a pour beaucoup contribué à transformer un pays, jadis le centre de la civllifation et de l'urbanité, féjour paifible des arts et de la mollesfe, en un vaste theâtre de crimes et de désor◄ dres, dont la postérité aura peine à concevoir l'a trocité, parce qu'elle fe défiera toujours d'un tableau ausfi déshonorant pour l'humanité.

L'imprimerie, dit-on, place un poignard de plus entre les mains de la calomnie. Ses menfonges frappent avec la promptitude de l'éclair; fes odieu

fes

(1) Paris 1808. On est furpris qu'après les éloges mérités, donnés à l'auteur de cette ingénieuse conception par l'Empereur de Rusfie, par les gouvernemens de Sardaigne, d'Autriche, d'Etrurie, de France, comme par les journaux Français et Anglais (voyez la préface) ce procédé n'ait pas obtenu un encouragement plus univerfel.

fes inculpations réfistent au tems; confignées dans des monumens durables, les préventions fe perpé. tuent; fouvent elles entourent les cendres de l'homme de génie, et flétrisfent des noms respectables jusque chez la postérité.

Cet art est donc pernicieux à l'ordre moral, com me à la paix des Etats. Et, peut être, ignorons nous encore quels coups cette arme terrible est en état de lancer? peut être dans l'avenir parviendrat-elle à bouleverser l'Europe civilifée !

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Il ferait aifé de remplir des pages entières avec de telles déclamations: et, par là, on ne refute rait pas les effe:s démontrés dans notre 2 partie. Cette invention a fubi la destinée de tout ce qui excelle parmi les hommes; elle n'a point dû échaper à la contagion de leur faiblesfe. Or l'abus ne disfuade point du légitime ufage d'unc invention humaine, à moins que l'abus ne furpasfe les bienfaits en force, et furtout en durée. Appliquez cette restriction à la typographie, et les réfultats feront ils douteux? Je ne le crois pas. La longue férie de bons effets qu'elle eut pour l'industrie et la culture humaine excède le petit nombre de désordres; I dont elle fut l'occafion et non la caufe; désordres ausfi inféparables du langage et de l'écriture, que de l'invention qu'on vient de citer en accufation.

Je fais un pas de plus, et, plongeant dans l'avenir, j'ose affirmer que jamais l'abus de l'imprimerie ne distillera dorénavant un poifon ausfi terri ble dans fes réfultats. Du moins il dépendra des

gou

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gouvernemens modernes d'en neutralifer la violence.

Si je remonte à l'origine des abus de l'imprime. rie dans notre fiècle, je trouve que fes dangers po litiques naquirent des chaînes, qui tenaient autrefois les presfes asfervies fous le double empire de la fuperftition et du despotisme. Lorsque ces chatnes furent tout à coup rompues, femblable à un resfort détendu la libre publication des penfées agit avec une impétuofité effrayante fur tous les genres d'opinions. Religion, Gouvernement, moeurs, rien ne fut épargné, parce qu'on n'était pas àccoû tumé à la faculté illimitée d'écrire à fon gré. L'Angleterre au XVIIe fiècle, et la France vers la fin du XVIIIe font les garans de ce que j'avance. La licence de la presfe ne devint là ausfi pernicieufe que parce qu'on avait en une fois ôté les reftrictions, qui la gênaient quelques années auparavant. Quand les esprits font habitués à être libres, l'é lan des opinions n'est plus à craindre.

La Nation Anglaise, depuis près de deux fiècles en posfesfion du privilège de publier les écrits, fans autre restriction que celle qu'apportent les lois rénales contre la calomnie en général, n'appréhende pas que cet ufage bouleverfe la Monarchie; au contraire la libéralité de fon gouverne ment l'agarantie de la tourmente révolutionaire des derniers tems. Cette liberté a été le palladium de fon indépendance: et, nulle part, la théorie et l'application des principes de la fcience politi

que

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