Images de page
PDF
ePub

doit s'en fier au rapport qu'on vient de lui faire; elle ne sait pas en un mot, à quoi se déterminer. Elle envoie chercher le comte de Morray, qui vient de dérouler aux yeux de Neucastel la trame de ses odieux projets. Morray se rend auprès de la reine, et soufle, dans son âme, le venin de la jalousie, en lui apprenant la passion du duc de Norfolc pour Marie; passion que, dans cette pièce, elle ne partage point, puisque jusqu'ici le Duc n'a point osé lui en faire l'aveu. Dans la tragédie de Renaud, au contraire, Marie connaît l'amour du Duc, et le partage. Dans celle-ci, Elizabeth veut punir sa rivale et épargner la tête de son ́amant, tel coupable qu'il lui paroisse. Dans celle-là, elle veut se venger de l'un et de l'autre. Cependant, à l'heure indiquée pour leur départ, le duc de Norfolc et Marie se trouvent au rendez-vous, et sont arrêtés. Cette scène se passe sous les yeux d'Elizabeth, qui exhale le couroux que lui inspire leur dessein, et ordonne à Euric, qui vient de trahir le Duc pour elle, de faire assembler les Pairs, pour juger et l'ingrat qui l'outrage et la rivale que lui préfère le duc de Norfolc. Mais, qu'une amante est faible lorsqu'il s'agit de frapper une tête si chère ! Élizabeth, veut revoir le Duc. Qu'il lui serait aisé de se justifier! mais il ne le fera point aux dépens de l'honneur ; et, lorsque la reine hui ordonne, sous peine de la vie, de signer l'arrêt de mort de Marie Stuart, il n'hésite pas un instant, et préfère la mort. Élizabeth commande qu'on la lui donne; mais un instant après elle révoque son ordre, ou du moins elle veut en suspendre l'exécution.

Quand un roi veut le crime, il est trop obéi.

[ocr errors]

Il n'est plus tems. Morray, l'odieux Morray a déjà fait trancher et la tête du duc de Norfolc et celle de sa sœur.

Le barbare! il vient lui demander le salaire de ses crimes, et lui proposer de remplacer le Duc dans son cœur! Elizabeth, alors, voit toute la profondeur de l'abîme où l'on vient de la plonger. A l'instant, elle fait venir le comte de Neucastel qui confesse son crime et celui de Morray : celui-ci vient à son tour déclarer à Elizabeth que c'est lui qui a fait empoisonner le roi d'Ecosse, époux de Marie Stuart, sa sœur; et que, fier de ce premier crime et s'en reposant sur elle, il avait conçu le projet de faire périr sa sœur. Laissons-le parler lui-même ;

La mort qu'elle a soufferte, est mon dernier ouvrage ;

Et son fils, à son tour, eût assouvi ma rage:
J'en avais donné l'ordre, et j'allais être Roi,
Si le sort inconstant ne m'eut manqué de foi.
Vos droits à l'Angleterre étant peu légitimes,
Et les miens, à l'Écosse, étant crimes sur crimes,
Pour les mieux affermir, je cherchais les moyens,
D'unir mon sceptre au vôtre, et vos crimes aux miens.

Enfin, il profite d'un poignard qu'on lui a laissé, et se l'enfonce dans le cœur. Ainsi ce monstre échappe à la mort ignominieuse qui l'attendait; mort trop belle, s'il est permis de s'exprimer ainsi, et mille fois trop douce pour ses forfaits. Cette tragédie offre des situations très-dramatiques, et des caractères tracés avec beaucoup d'énergie; elle n'eût aucun succès, et fut pourtant très-profitable à son auteur. En effet, Boursault la dédia à M. le duc de SaintAignan, qui lui fit présent de cent louis ; il commença par lui en compter vingt, et acheva la somme en quatre mois, en lui en faisant porter vingt par un gentilhomme, à chaque premier jour du mois.

MARIGNIER a fait jouer à la foire Saint-Germain, en 1730, la Pantoufle et Lydippe, opéra-comiques; et, en société avec Pannard et Ponteau, au même théâtre, Argénie, opéra en un acte.

MARIN (LOUIS-FRANÇOIS-CLAUDE), né à la Ciotat en Provence, censeur royal, a donné les pièces suivantes : Julie, ou le Triomphe de l'Amitié; la Fleur d'Agathon; 'Heureux Mensonge; Fédine et les Grâces de l'Ingénuité. Toutes ces pièces sont imprimées et réunies dans un volume,

MARINS (les), comédie en cinq actes, en vers, par M. *** au théâtre Français, 1783.

Liancourt et Gerseuil, revenus d'un long voyage dans le même vaisseau, recherchent en mariage Amélie. Liancourt, brave et honnête, a pour lui Amélie et sa mère. Gerseuil, lâche et intéressé, est protégé par le père. Liancourt, pour terminer le différent, propose à son rival de s'en rapporter au sort. Celui-ci y consent d'abord; mais bientôt il s'y refuse, en apprenant qu'il s'agit du sort des armes.

Si l'on remarque, dans cette pièce, un grand nombre d'incidens peu motivés et sans vraisemblance, on y trouve aussi Ides situations neuves et des détails heureux.

MARION (PIERRE-XAVIER), jésuite, né à Marseille en 1704, est auteur d'une tragédie d'Absalon et de la Mort de Cromwel.

MARIONNETTES (les), comédie en cinq actes, en prose, par M. Picard, au théâtre de Louvois, 1806.

Pour ne point être accusé de juger M. Picard avec prévention, et de présenter ses ouvrages sous leur aspect le plus

défavorable, nous allons donner de cette pièce l'analyse qu'en a faite un sévère critique, qui s'est plu à en porter un jugement très-avantageux. Mais si nous empruntons l'analyse de ce critique habile, nous n'emprunterons pas son opinion, puisque nous en avons conçu une toute contraire à la sienne. Ce préambule qui doit rassurer le public sur notre impartialité, doit aussi prouver à M. Picard que si pous blâmons souvent ses comédies, nous avons du moins le désir d'en dire du bien. Voici l'analyse de M. Geoffroy.

Un Magister de village, nommé Marcellin, espèce de philosophe qui affecte de mépriser ce qu'il ne peut posséder, hérite tout-à-coup d'un certain Ducoudrai, son cousingermain, qui lui laisse cinquante mille écus de rente, M. Dorville, seigneur du même village, éprouve une banqueroute qui tout-à-coup détruit toute sa fortune. Le maître d'école est prêt à mourir de joie ; le seigneur est en proie au plus affreux désespoir ; l'un et l'autre ne tardent pas à s'arranger d'après leur situation nouvelle. Marcellin achète le château de M. Dorvillé. Celui-ci veut faire épouser sa sœur à Marçellin, qui, dans ce moment, a bien d'autres affaires.

A côté de ces deux principales Marionnettes de l'homme enrichi, et de l'homme ruiné, qui toutes deux sont d'un grand mouvement, on en voit une troisième de moindre grandeur, et très-subalterne: c'est un plat-pied et un fourbe en sous-ordre, nommé Valberg, créature de M. Dorville, qui lui a fait avoir un petit emploi de receveur de l'enregistrement. C'est un pédant sentimental, une espèce de tartuffe, affichant les plus belles maximes d'honneur et de probité, au fond lâche, égoïste, vil flatteur de l'opulence. M.Picard s'est donné la peine de bien établir ce caractère, mais il agit pen dans la pièce, et ne produit rien. A peine instruit de la disgrâce de Dorville, il se tourne vers l'acquéreur du

[ocr errors]

château; et, sachant que M. Dorville a des vues pour marier sa sœur au nouveau riche, il va aussi chercher la sienne, qui est plus jeune et plus jolie, et se flatte de la préférence.

Ainsi Marcellin se trouve entre deux femmes qui lui font la cour, et dont il ne se soucie guères ; et en outre, il est tourmenté par la fille du jardinier nommée Georgette, qu'il aimait avant sa fortune, et qu'il n'aime plus guères. Il ne sait à laquelle entendre; aucune femme ne veut du pauvre, toutes veulent du riche. C'est donc le riche qui en mariage est le plus embarrasé.

Marcellin ne songe point à se marier; son premier désir est d'aller se faire voir à Paris ; ce désir le presse pendant toute la pièce, et il ne l'exécute point; on y met bon ordre.

,

Ce parvenu a un ami, un camarade d'étude qui fait métier de montrer des Marionnettes; et, ce qui est fort audessus de son métier, qui raisonne sur les Marionnettes en philosophe, et qui ne voit dans tous les hommes que des marionnettes. Cet ami qui s'appelle Gaspard, rougit de voir Marcellin comme une marionnette entre trois femmes qui le font tourner à droite et à gauche. Sa philosophie lui dit que Marcellin doit épouser l'innocente et naïve Georgette, son premier amour. Mais comment faire consentir un nouveau riche à épouser une paysanne? En sa qualité de riche, Marcellin n'est plus philosophe; il n'a plus besoin de l'être, puisque la philosophie d'aujourd'hui n'est bonne que pour s'enrichir, et ne vaut rien dès qu'on est riche.

Gaspard imagine donc un tour de passe - passe, digne d'un directeur de Marionnettes. Il commence par faire tourner a son gré le notaire du village, honnête mais imbécille, lequel lui remet une lettre trouvée dans les papiers du cousin Ducoudrai, Dans cette lettre le cousin ne paraît pas trop content d'avoir Marcellin pour héritier. Muni d'une pareille

« PrécédentContinuer »