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Bien loin de les éteindre aiguillonnait mes feux.
Ma main courait saisir, de transports chatouillée,
Sa tête noblement folâtre, échevelée.

Elle riait; et moi, malgré ses bras jaloux,

J'arrivais à sa bouche, à ses baisers si doux.
J'avais soin de reprendre, utile stratagème!

Les fleurs que sur son sein j'avais mises moi-même;
Et sur ce sein, mes doigts égarés, palpitans,

Les cherchaient, les suivaient, et les ôtaient long-temps.

Ah! je l'aimais alors! Je l'aimerais encore,

Si de tout conquérir la soif qui la dévore
Eût flatté mon orgueil au lieu de l'outrager.
Si mon amour n'avait qu'un outrage à venger;

Si vingt crimes nouveaux n'avaient trop su l'éteindre ;
Şi je ne l'abhorrais. Ah! qu'un cœur est à plaindre
De s'être à son amour long-temps accoutumé,
Quand il faut n'aimer plus ce qu'on a tant aimé!
Pourquoi, grands dieux! pourquoi la fites-vous si belle?
Mais ne me parlez plus, amis, de l'infidèle :
Que m'importe qu'un autre adore ses attraits;
Qu'un autre soit le roi de ses festins secrets;
Que tous deux en riant ils me nomment peut-être,
De ses cheveux épars qu'un autre soit le maître;
Qu'un autre ait ses baisers, son cœur; qu'une autre main
Poursuive lentement des bouquets sur son sein.
Un autre! Ah! je ne puis en souffrir la pensée.
Riez, amis; nommez ma fureur insensée.
Vous n'aimez pas, et j'aime; et je brûle et je pars
Me coucher sur sa porte, implorer ses regards;

Elle entendra mes pleurs, elle verra mes larmes;

Et dans ses yeux divins, pleins de grâces, de charmes
Le sourire ou la haine, arbitres de mon sort,
Vont ou me pardonner ou prononcer ma mort.

ÉLÉGIE XXIII.

O nuit, nuit douloureuse! ô toi, tardive aurore,
Viens-tu? vas-tu venir? es-tu bien loin encore?
Ah! tantôt sur un flanc, puis sur l'autre au hasard,
Je me tourne et m'agite, et ne peux

nulle part
Trouver que l'insomnie amère, impatiente,
Qu'un malaise inquiet et qu'une fièvre ardente.
Tu dors, belle Camille; et c'est toi, mon amour
Qui retient ma paupière ouverte jusqu'au jour.
Si tu l'avais voulu, dieux! Cette nuit cruelle
Aurait pu s'écouler plus rapide et plus belle.
Mon ame comme un songe autour de ton sommeil
Voltige. En me lisant, demain à ton réveil
Tu verras, comme toi, si mon coeur est paisible.
J'ai soulevé, pour toi, sur ma couche pénible,
Ma tête appesantie. Assis, et plein de toi,
Le nocturne flambeau qui luit auprès de moi,
Me voit, en sons plaintifs et mêlés de caresses,

Verser sur le papier mon cœur et mes tendresses.
O Camille, tu dors! tes doux yeux sont fermés.
Ton haleine de rose aux soupirs embaumés
Entr'ouvre mollement tes deux lèvres vermeilles.

129

Mais, si je me trompais! dieux! ô dieux! si tu veilles !
Et lorsque loin de toi j'endure le tourment
D'une insomnie amère, aux bras d'un autre amant,
Pour toi, de cette nuit qui s'échappe trop vite,
Une douce insomnie embellissait la fuite!

Dieu d'oubli, viens fermer mes ye. O dieu de paix!
Sommeil, viens; fallût-il les fermer pour jamais.
Un autre dans ses bras! ô douloureux outrage!
Un autre! O honte! ô mort! ô désespoir! ô rage!
Malheureux insensé! pourquoi, pourquoi les dieux
A juger la beauté formèrent-ils mes yeux?
Pourquoi cette ame faible et si molle aux blessures
De ces regards féconds en douces impostures?
Une amante moins belle aime mieux, et du moins
Humble et timide à plaire, elle est pleine de soins;
Elle est tendre; elle a peur de pleurer votre absence.
Fidèle, peu d'amans attaquent sa constance;
Et son égale humeur, sa facile gaîté,

L'habitude, à son front tiennent lieu de beauté.
Mais celle qui partout fait conquête nouvelle,

Celle qu'on ne voit point sans dire: «Qu'elle est belle! »
Insulte, en son triomphe, aux soupirs de l'amour.
Souveraine au milieu d'une tremblante cour,

Dans son léger caprice, inégale et soudaine,

Tendre et douce aujourd'hui, demain froide et hautaine.

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Soit plutôt que, passant et vallons et rivières,
J'aie au loin parcouru les terres étrangères,

D'un vaste champ de fleurs je tire un peu de miel.
Tout m'enrichit et tout m'appelle; et chaque ciel
M'offrant quelque dépouille utile et précieuse
Je remplis lentement ma ruche industrieuse.

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REINE de mes banquets que Lycoris y vienne;
Que des fleurs de sa tête elle pare la mienne.
Pour enivrer mes sens, que le feu de ses yeux
S'unisse à la vapeur des vins délicieux.
Hâtons-nous; l'heure fuit. Un jour inexorable,
Vénus, qui pour les dieux fit le bonheur durable,
A nos cheveux blanchis refusera des fleurs,
Et le printemps pour nous n'aura plus de couleurs.
Qu'un sein voluptueux, des lèvres demi-closes,
Respirent près de nous leur haleine de roses;
Que Phryné sans réserve abandonne à nos yeux
De ses charmes secrets les contours gracieux.

Quand l'âge aura sur nous mis sa main flétrissante Que pourra la beauté quoique toute-puissante ?

www.

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