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occidentale.

a cent dix lieues d'étendue d'occident en orient, & Tartarie Chinoise foixante-dix du fud au nord. Ce peuple fe divise en fix étendards, qui comprennent cent foixante-feize compagnies de cent cinquante Chefs de famille chacune. Les Ortous font d'un caractere franc, d'une humeur extrêmement enjouée, & jamais mélancolique: on pourroit les appeler les François de la Tartarie.

L'Empereur Kang-hi, dans le cours de fon expédition contre les Eleuthes en 1696, fit quelque féjour parmi les Ortous; voici ce qu'il marquoit fur ce peuple, dans une Lettre écrite au Prince fon fils, resté à Pe-king: » Jusqu'ici,

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dit-il, je n'avois point l'idée qu'on doit fe former des » Ortous; c'est une nation très - policée, & qui n'a rien perdu des anciennes coutumes des vrais Mongous. » Tous leurs Princes vivent entre eux dans une union parfaite, & ne connoiffent point la différence du tien & » du mien. Il eft inoui de trouver un voleur parmi eux, quoiqu'ils ne prennent aucune précaution pour la garde » de leurs chameaux & de leurs chevaux. Si par hafard » un de ces animaux s'égare, celui qui le trouve en prend » foin jufqu'à ce qu'il en ait découvert le propriétaire, » & il le lui rend alors fans le moindre intérêt...... Les » Ortous font intelligens en tout, & principalement dans » la maniere d'élever des beftiaux. La plupart de leurs » chevaux font doux & traitables. Les Tchahar, au nord "des Ortous, ont la réputation de les élever avec beaucoup » de foin & de fuccès; je crois cependant que les Ortous "les furpaffent encore en ce point. Malgré cet avantage, » ils ne font pas, à beaucoup près, auffi riches que les » autres Mongous. Ils manient l'arc avec peu de grace, &

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» en général ils s'acquittent mal de cet exercice; mais leurs » arcs font des plus forts, & ils atteignent le but avec une » adresse merveilleuse. On jouit dans ce pays d'un air fort » fain; les eaux y font excellentes, & les alimens d'un goût exquis «.

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Tartares de Kokonor.

CES Tartares, qui font Eleuthes ou Kallmouks de nation, & qui font aujourd'hui sujets de l'Empereur, occupent un vafte territoire au couchant de la Chine & de la province de Chen-fi, dont ils font féparés par de hautes montagnes. Ils ont pris leur nom d'un lac de leur pays, qu'ils appellent en leur Langue Kokonol ou Kokonor, & qui eft un des plus grands de la Tartarie. Ils obéissent à huit Princes, indépendans les uns des autres, & qui font tous de la race du Kan des Tartares Eleuthes.

Ce peuple tire fa principale richeffe de l'or qui fe trouve mêlé dans le fable de fes rivieres, & fur-tout de celle qu'ils nomment Altang-kol ou riviere d'or. La poudre d'or qu'elle fournit eft un des principaux revenus des Princes de Kokonor, qui occupent pendant l'été leurs vaffaux à la recueillir. Ce travail est d'autant moins pénible, que les eaux de cette riviere font fort basses & n'ont pas plus de trois pieds de profondeur. Un homme, pendant les quatre mois que dure cette recherche de l'or, peut en recueillir jusqu'à dix onces, & même davantage, felon qu'il a plus d'activité, d'adreffe ou de bonheur. La manipulation de ce travail n'eft pas compliquée; les hommes qu'on y emploie enlevent le fable au fond de la riviere, le lavent un peu, & retenant ce qui paroît être de l'or, jettent le refte & fondent

Tartarie Chinoife

occidentale.

occidentale.

l'or dans des creusets. Cet or paffe pour être très-bon ; Tartarie Chinoife cependant ces Tartares ne le vendent que fix fois le poids de l'argent on trouve auffi beaucoup d'or dans plufieurs autres rivieres qui arrofent les États voisins du grand Lama, & l'on en tranfporte une grande quantité à la Chine.

Un des principaux objets de commerce de Kokonor, eft une espece d'étoffe de laine à poil frifé, qu'on nomme Pou-lou; ce font ces Tartares qui la fabriquent, & ils favent la teindre en différentes fortes de couleurs on en fait des habits longs dans le pays, & l'on en couvre les felles à Pe-king. C'eft dans ce coin de la Tartarie que le fameux Hoang-ho ou fleuve Jaune prend fa fource.

Eleuthes récemment foumis.

LA domination Chinoife vient de s'étendre encore en Tartarie, par la célebre conquête du Royaume des Eleuthes, faite en 1759 par les armes de l'Empereur KIEN-LONG, qui, depuis quarante-fix ans, occupe le Trône de la Chine. Toute la nation des Eleuthes, qu'on connoît en Europe & en Ruffie fous le nom de Kalmoucks, peut fe divifer en trois branches, toutes forties du même tronc. Les plus occidentaux, qui font aujourd'hui les plus puiffans & les plus nombreux, occupent les terres qui fe trouvent renfermées entre la mer Caspienne, la Mofcovie, Samarcand, Cafghar, & qui s'étendent vers l'orient, jusqu'à une grande chaîne de montagnes, qu'on croit être la continuation du Caucase. Chaque année, pendant l'hiver, ces Tartares vont camper fur les bords de la mer Cafpienne, affez près de la ville d'Aftracan, où ils font un

grand commerce. Les feconds Eleuthes habitent à l'orient, depuis la chaîne de montagnes dont on vient de parler, jufqu'à une autre chaîne de montagnes très-élevées, dont la plus confidérable s'appelle Altaï : c'eft de celle-ci que fortent plufieurs grandes rivieres, dont les principales font l'Oby & l'Iris. Le Roi de ces Eleuthes tencit ordinairement la Cour vers la fource de cette derniere riviere. L'étendue de pays que ce peuple occupe eft très-vaste, puifqu'il confine au nord aux terres Mofcovites, & au fud à celles des Tartares Usbecs; c'eft ce peuple que KIEN-LONG vient de foumettre à fa domination. La troifieme branche d'Eleuthes habite à l'occident de la Chine; nous venons d'en parler fous le nom de Tartares de Kokonor, depuis long-temps fujets de l'Empire.

Nous ne nous étendrons point fur l'origine, les progrès & les détails de cette guerre; on peut en voir toute la fuite dans le tome XI de l'Hiftoire générale de la Chine, fous les années 1753-1759: nous nous bornerons à indiquer le réfultat de cette conquête, en faifant connoître la nature des poffeffions nouvelles qu'elle a procurées à l'Empire Chinois. Outre la vafte étendue de pays qui formoit proprement le Royaume des Eleuthes, cet État poffédoit encore plufieurs autres territoires confidérables, qui font également devenus la proie du Conquérant de ce nombre font la petite Boukarie, les villes de Cafghar & d'Yerguen avec toutes leurs dépendances. Les éclairciffemens que nous allons donner fur cette contrée ne peuvent être tirés d'une piece plus authentique : nous rapporterons en partie la Lettre même, dans laquelle le Général Chinois rend compte à l'Empereur de fon

Tartarie Chinoife occidentale.

occidentale,

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expédition." Les habitans de Hashar (*), comme ceux Tartarie Chinoise, d'lerkim, dit ce Général, fe rendirent à nous avec de grandes démonftrations de joie. J'entrai dans la ville » par une porte, & j'en fortis par une autre; ces peuples » me comblerent d'honneurs. Rangés fur deux lignes dans » toutes les rues où je devois paffer, ils étoient à genoux, » & refterent dans cette posture tout le temps de mon paffage. Je leur adreffois de temps en temps quelques paroles d'encouragement & de confolation, & je tâchai » de leur faire envisager le grand bonheurs dont ils alloient jouir déformais, s'ils perfiftoient à être fideles fujets » de Votre Majesté.

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» Votre Majesté attend fans doute de moi une notice » détaillée de tous les pays qu'elle vient de conquérir: je vais la fatisfaire de mon mieux, en attendant que » des hommes plus habiles que moi s'acquittent de ce » devoir (Deux Miffionnaires, Jéfuites Portugais, ont » été envoyés pour lever la Carte de ces pays. ).

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» Outre les villes principales de ce canton Mahometan, qui font Hashar & lerkim, nous fommes encore maîtres » de dix-fept villes, tant grandes que petites, & de » seize mille tant villages que hameaux. Dans tout ce » diftrict de Hashar, il peut y avoir en tout cinquante » à foixante mille familles. J'ai fait examiner & j'ai exa» miné moi-même, avec tout le foin, l'attention &

(*) L'H, dans le mot Hashar, & en général dans tous les mots Chinois ou Tartares Mantcheoux, fe prononce d'une maniere afpirée & forte. Cette ville eft appelée indifféremment Chaghar, Caschgar, Kaskar; & par les Mantcheoux Hasheier de même qu'Ierguen cft appelé tantôt Irguen, tantôt Yarkan, & par les Mantcheoux lerkim,

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l'exactitude

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