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que les hommes de cet état faisoient 1185–86. la plus grande force de ces attroupemens. Ils se rendirent si formidables que le roi même fut obligé d'aller les combattre. Ils se défendirent avec acharnement, mais enfin ils furent dispersés après de grands massacres.

Les seigneurs ne pouvoient pas se cacher que c'étoient les guerres continuelles entre eux, qui occasionnoient tous ces maux. Ils cherchèrent un moyen de les prévenir. Dans le midi de la France, où ces désordres étoient plus fréquens, ils convinrent, sous la foi du serment, entre les mains des évêques, et en se soumettant à l'excommunication , en cas d'infraction, de s'abstenir de guerroyer pendant quatre jours de la seraine. Ces jours étoient le jeudi, à cause de l'institution de l'eucharistie, le vendredi, en mémoire de la mort de Jésus-Christ, le samedi, à cause de son repos dans le tombeau, et le dimanche, pour célébrer sa résurrection. Cette convention fut appelée la paix

de Dieu.

La paix

de Dieu.

Une effervescence de religion vint à Confrarie l'appui de cette institution. Un char- pour la paix. pentier du Puy-en-Velay, nommé Durand, homme simple, dit-on, mais qui, comme on verra, n'oublioit pas

1185-86. ses intérêts, publia que Dieu lui avoit parlé et commandé de prêcher la paix. Il apportoit, pour preuve de sa mission une petite image de la Vierge qu'il disoit lui avoir été indiquée, cachée dans le tronc d'un arbre, d'où il l'avoit enlevée. Il fabriqua sur ce modèle des images qu'il vendoit, et dont il tira un assez gros profit, parce que la dévotion de la porter devint presque générale, après une assemblée de gentilshommes, de seigneurs et d'évêques, qui se tint au Puy, le jour de l'Assomption. On y régla les conditions de cette confrairie dont le but étoit de procurer une paix permanente, et l'on convint du costume des confrères. Ils devoient porter sur la poitrine cette image, et sur la tête un capuchon de linge blanc. Le charpentier Durand vendoit aussi ces coiffures.

Avec ces marques un homme étoit non-seulement en sûreté, mais en vénération même, au milieu de ses ennemis. Bientôt des fainéans, des scélérats, poursuivis pour leurs forfaits, se réunirent sous l'égide sacrée. Ils mendioient d'abord, ils prirent ensuite. Leur troupe se grossit de paysans crédules, de gens sans aveu de toute espèce de femmes même et de filles que la licence y

attiroit. On juge quels désordres se commettoient dans cette association de gens brutaux, sans frein et sans discipline. Les prédicateurs tonnèrent contre la dépravation des confrères; les seigneurs les éloignèrent par force de leurs châteaux. Les confrères à leur tour récriminèrent contre le clergé et lui reprochèrent son luxe et ses richesses ; ils attaquèrent même les dogmes: chacun d'eux retranchoit de la religion ce qui lui en déplaisoit ; les uns, la confession, les autres, le purgatoire. Ils en conservoient cependant l'extérieur, et marchoient sous des drapeaux où étoient représentés Jésus-Christ, la Vierge et les Saints. Quant aux seigneurs, de quel droit disoient les confrères envahissent-ils les biens qui doivent être communs à tous? tels que les prés, les bois, le gibier qui parcourt les champs et les forêts, le poisson qui peuple les rivières et les étangs; présens de la nature qu'elle destine également à tous ses enfans. Sur ces principes, il n'y avoit pas de genre de déprédation que les associés ne se permissent. Toute la noblesse s'arma. Elle les poursuivit comme des bêtes féroces. On ne leur faisoit point de grâce quand ils étoient pris ; aussi se permettoient-ils de terribles représailles. Ils

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1185-86.

1:85-86

Contesta

par

yeux

détruisoient les châteaux, et portoient
par-tout l'incendie après le ravage. On
les accuse d'avoir porté la férocité jus-
qu'à faire rôtir les enfans sous les
de leurs mères. De part et d'autre on
se déchiroit les tortures et les sup-
plices les plus affreux. Ainsi une con-
frairie établie pour le soutien de la paix,
devint la cause d'une guerre d'exter-
mination. Les prêtres et les moines, les
monastères et les églises éprouvèrent le
même sort que les nobles et les châteaux.
Après bien des ruines, et bien du sang
répandu, ces attroupemens furent dis-
sipés, mais les principes de haine, con-
tre le clergé et la noblesse, se sont sou-
tenus dans le Midi de la France et
ont été, long-temps après, le ferment de
nouveaux troubles.

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En Angleterre régnoit encore Henritions avec le-Vieux, assez embarrassé de sa femme l'Angleterre. Eléonore, de Guienne, et de ses qua1186. tre fils, presque toujours en mésintel

ligence ouverte avec lui. Le roi de France se mêloit des querelles du père avec les enfans, quand il y trouvoit ses intérêts, ce qui arrivoit de temps en temps. Des bornes de frontières furent cause de contestations entre eux; et des contestations ils en vinrent aux hostilités.

Le roi de France attaqua l'Anglais par une descente en Angleterre. Elle réussit; il avançoit dans l'île, et déjà il se promettoit des succès décisifs, lorsqu'un légat du pape, sollicité par les évêques anglais et normands, obtint que les parties belligérantes entreroient en négociation. Le légat montra dans les conférences tant de partialité, que Philippe ne put s'empêcher de dire: que sa conduite sentoit les florins anglais. Ainsi, florins ou guinées, ces insulaires sont depuis long temps en possession de se servir avantageusement de ces armes contre les Français.

La bonne intelligence parut se raffermir entre les deux rois, à l'occasion de la croisade que les chrétiens d'Orient sollicitoient vivement.Tout étoit en confusion dans la Palestine. Le trône de Jérusalem, successivement occupé par des femmes, des enfans, des hommes que la mauvaise santé ou que l'imbécillité rendoit incapables de gouverner; ébranlé par les factions de seigneurs ambitieux, qui se disputoient l'autorité ; attaqué enfin dans ces circonstances par toutes les forces desSarrasins, réunies sous le célèbre Saladin, s'écroula entre les mains du malheureux Guy de Lusignan. La ville de Jérusalem fut prise.

1186.

Troisième croisade.

1187-89.

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