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par qui Dieu l'a sauvé, apparaît d'abord comme pontife universel. Bâtir un autel au Très-Haut, lui offrir un sacrifice au nom de l'humanité entière, voilà sa première action. La religion, le sacerdoce, l'Eglise est de tous les temps; la souveraineté temporelle, le droit de vie et de mort n'est venu que tard, comme un fâcheux remède contre de plus grands maux.

<< Dieu dit encore à Noé et à ses fils avec lui: Voilà que moi j'établis mon alliance avec vous, et avec votre postérité après vous; et avec toutes les créatures vivantes qui étaient avec vous dans l'arche, les oiseaux, les animaux domestiques et autres de toute espèce. J'établis donc cette alliance avec vous : désormais toute chair ne sera plus détruite par les eaux du déluge, et il n'y aura plus de déluge pour perdre la terre. Et voici ce que je vous donne pour signe de l'alliance entre vous et moi, et toutes les créatures vivantes qui étaient avec vous, dans la suite des générations à jamais : Je placerai,» autrement « j'ai placé mon arc dans la nue, et il sera un signe d'alliance entre moi et la terre. Et lorsque je couvrirai le ciel de nuées, mon arc y paraîtra; et je me souviendrai de mon alliance avec vous et avec toute créature vivante, et les eaux du déluge ne reviendront plus détruire toute chair. Mon arc sera donc dans la nue, et je le verrai pour me souvenir de l'alliance perpétuelle qui est établie entre Dieu et toutes les créatures vivantes sur la terre (1). »

Assurances contre un nouveau déluge.

Non-seulement Dieu bénit Noé et ses fils, mais il fait alliance avec eux et avec leur postérité, c'est-à-dire avec nous. Il les rassure, il nous rassure à jamais contre le retour d'un déluge universel. Il étend sa bonté jusqu'à la brute, parce qu'elle tient à l'homme et qu'elle est faite pour lui. Il ne met à cette alliance aucune condition, pour ne nous laisser aucun doute. Non content de nous donner sa parole, il y ajoute un gage visible. L'arc-en-ciel, avec les douces nuances de ses sept couleurs, le fera souvenir, ou plutôt nous fera souvenir de cette alliance éternelle de sa miséricorde. Soit que cet arc divin parût alors pour la première fois, et que le ciel, auparavant sans nuage, eût commencé à s'en charger par les vapeurs que fournirent les eaux du déluge; soit qu'il eût déjà été vu et que Dieu en fit seulement un nouveau signal de sa clémence, toujours est-il que c'est comme un sacrement de son alliance et de sa promesse; il paraît même affectionner ce céleste symbole. Lorsqu'on voit, dans l'Apocalypse, son trône dressé, l'iris fait un cercle autour de ses pieds et étale principalement la plus douce des couleurs, qui est un vert d'émeraude (2). C'était quelque chose de semblable qui parut aux soixante et dix vieillards d'Israël. Et lorsqu'il se montra à eux dans le trône de sa gloire, on vit à ses pieds une couleur de saphir,

(1) Gen., 9, 8-16. —(2) Apoc., 4.

comme lorsque le ciel est serein (1). La signification mystérieuse de cet arc merveilleux n'était point ignorée des anciens peuples; partout il était regardé comme un signe de la divinité et comme une voie de communication entre le ciel et la terre.

Noé, qui signifie repos ou consolation; l'arche qu'il bâtit; le déluge où il entre et d'où il sort; la colombe, avec son rameau d'olivier, qui lui annonce la paix du ciel; le sacrifice qu'il offre; la satisfaction avec laquelle Dieu l'agrée; la bénédiction qu'il répand sur lui et sur toute sa race; l'éternelle alliance qu'il contracte avec lui et avec elle tout cela s'est accompli plus réellement encore dans le Christ. Il est le vrai Noé, notre vraie consolation et repos : il a bâti une autre arche, son Eglise, pour nous transporter de la mort éternelle à l'éternelle vie; il est entré dans les eaux du Jourdain avec le monde coupable, et il en est sorti avec le monde régénéré ; l'Esprit de sainteté et de grâce descend sur lui en forme de colombe, et une voix sc fait entendre du ciel : C'est ici mon fils bien aimé, en qui j'ai mis mes complaisances; il offre un sacrifice d'un prix infini; il s'offre lui-même et nous avec lui; Dieu se réconcilie en lui avec nous, nous comble en lui de ses bénédictions, nous aime en lui d'un amour ineffable, et nous adopte pour ses enfants à jamais.

« Les fils de Noé, qui sortirent de l'arche, étaient Sem, Cham et Japhet. Ce sont là les trois fils de Noé, et d'eux descend toute la race des hommes qui se répandit sur la terre. »

Sem, l'aîné des trois, sans quitter le pays qui fut comme le berceau du genre humain, s'étendit en Orient. De lui sortent les Hébreux, les Assyriens, les Perses et autres nations plus orientales. Les meilleurs historiens persans disent que leur premier roi était fils de Sem. Aujourd'hui encore, il existe au pied du mont Himalaya, dans l'Inde, une très-ancienne ville nommée Bamian et aussi Sem-Bamian, dont beaucoup d'Hindous rapportent à Sem la fondation (2).

Cham eut en partage l'Afrique et une partie de l'Asie. L'Egypte est appelée la terre de Cham dans les psaumes, et Chemia dans Plutarque (3). Toute l'Afrique est nommée Ammonia par d'anciens auteurs. Les Egyptiens s'appellent encore Mezraïm, du nom d'un des fils de Cham. Un autre de ses fils, Chanaan, peupla le pays qui porte son nom. Sidon, fils de Chanaan, fut le père des Sidoniens.

Japhet, si célèbre dans les auteurs profanes, sous le nom d'Iapet, peupla l'Occident et le Nord. De lui descendent les Tartares, les Scythes, les Cimbres, les Romains, les Gaulois, les Ioniens ou anciens Grecs. Ceux-ci disaient proverbialement : Plus vieux que Japhet, pour parler d'une chose si ancienne qu'à peine en connaissait-on l'origine.

(1) Exod., 24.

(2) On mount Caucassus, by Capt. Franc. Wilford. Asiatic. ressearch., t. 6, 455-539. — (3) Plut. De Isi et Osir.

Noé plante la vigne.

Dans une occasion mémorable, Noé fit entendre à ses trois fils ce qui arriverait à leurs postérités. Homme agricole après le déluge, comme il l'avait été sans doute auparavant, il commença à labourer la terre et planta une vigne, non-seulement pour en manger le raisin, comme on avait fait jusqu'alors, mais pour en exprimer le jus et en faire une boisson. Ayant ainsi bu du vin dont il ne connaissait pas la force, il s'enivra et parut découvert dans sa tente. Cham, père de Chanaan, le trouvant en cet état, sortit dehors et vint en raillant le dire à ses deux frères. Mais Sem et Japhet, au lieu de l'imiter, en se moquant comme lui de leur père, étendirent un manteau sur leurs épaules, et, marchant à reculons, ils couvrirent en leur père ce qui devait y être caché. Noé s'étant réveillé après cet assoupissement que le vin lui avait causé, et ayant appris de quelle sorte l'avait traité son jeune fils, il dit pour le punir: Que Chanaan soit maudit! qu'il soit, à l'égard de ses frères, l'esclave des esclaves! Il ajouta : Béni soit Jéhova, le Dieu de Sem! et que Chanaan soit son esclave! Que Dieu étende les possessions de Japhet, et qu'il habite dans les tentes de Sem! et que Chanaan soit son esclave (1)!

Sem et Japhet sont bénis, non pas Cham. Cependant ce dernier n'est pas maudit, peut-être parce qu'il avait été béni de Dieu; son fils, Chanaan, l'est à sa place. Il se peut que le premier il eût vu la nudité de son aïeul et s'en fut moqué avec son père : c'est, entre autres, l'opinion des Hébreux. Quant à Sem, il reçoit une bénédiction plus haute que Japhet. L'Eternel est appelé le Dieu de Sem. Aussi c'est dans la race de Sem, chez les nations orientales, que la religion du vrai Dieu se conserve plus long-temps et plus pure. Nous y verrons, entre autres, la pénitence exemplaire de la grande ville de Ninive. C'est dans la race de Sem que Dieu choisit son peuple particulier; c'est de la race de Sem que naîtra le Sauveur du monde.

Japhet, dont le nom signifie extension, s'étendit en effet prodigieusement dans sa postérité. De lui sortent ces peuples conquérants, les Tartares, les Scythes, les Celtes, les Grecs, les Romains, les Européens modernes, qui ont porté et portent encore leur domination par toute la terre, en Asie, en Afrique et en Amérique, et qui règnent actuellement depuis la Chine jusqu'en Angleterre, et depuis l'Angleterre jusqu'à la Chine. Mais surtout ils habitent dans les tentes de Sem, dans les églises qu'ont fondées Jésus-Christ et ses apôtres, descendants de Sem.

La postérité de Cham, l'Egypte et l'Afrique, est privée de l'une et l'autre bénédiction. L'idolâtrie y paraît plus tôt et plus grossière. Envahis, subjugués tour à tour par les Assyriens, les Perses, les Grecs, les Romains, les

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Arabes; pareils à Chanaan, tous les descendants de Cham semblent depuis long-temps condamnés à l'esclavage: on les dirait chargés eux-mêmes d'exécuter la sentence. Le principal commerce des habitants d'une grande partie de l'Afrique est de se vendre les uns les autres comme esclaves aux descendants de Japhet, aux Européens. Ceux-ci, plus accessibles à l'humanité et à la religion véritable, cesseront d'acheter; mais quand ceux-là cesseront-ils de se vendre ou de se tuer?

Souvenir du déluge chez divers peuples.

L'histoire de Noé et du déluge se retrouve plus ou moins altérée dans toutes les traditions. On la rencontre là même où l'on s'y attend le moins. Par exemple, lorsqu'il y a trois siècles on découvrit le continent d'Amérique, on y découvrit la tradition du déluge universel.

Les Mexicains, dit un historien estimable de ce nouveau monde, avaient, aussi bien que toutes les autres nations civilisées, une connaissance distincte, quoique mêlée de fables, de la création du monde, du déluge, de la confusion des langues et de la dispersion des peuples. Ils représentaient même tous ces événements par des peintures. Tous les hommes, disaient-ils, avaient été noyés dans une inondation générale; un seul homme, qu'ils appellent Coxcox, d'autres Teocipactli, s'était sauvé dans une barque avec sa femme, Xochiquetzal. Ils débarquèrent sur une montagne, qu'ils appelèrent Colhuacan, et engendrèrent un grand nombre d'enfants, qui restèrent muets, jusqu'à ce qu'une colombe, du haut d'un arbre, leur eût appris des langues, mais si différentes, que nul ne pouvait comprendre l'autre (1).

Divers historiens d'Amérique, dit-il encore, racontent que les habitants. de Cuba, interrogés par les Espagnols sur leur origine, donnèrent les renseignements suivants. Ils avaient ouï de leurs ancêtres que Dieu avait créé le ciel, la terre et toutes choses. En outre, un vieillard, présageant l'inondation par laquelle Dieu allait punir les hommes à cause de leurs péchés, avait construit une grande chaloupe et s'y était embarqué avec sa famille et un grand nombre d'animaux. Lorsque l'inondation eût diminué, il envoya un corbeau qui, trouvant beaucoup de corps morts, ne revint point; peu après, il làcha une colombe, qui revint aussitôt avec un rameau de hoba dans le bec. Le vieillard, ayant jugé que la terre était sèche, sortit du vaisseau, fit du vin avec des raisins sauvages, s'enivra et s'endormit. Un de ses fils se moqua de sa nudité, que couvrit respectueusement un autre. A son réveil, il bénit celui-ci et maudit celui-là. Que pour eux, ils descendaient du dernier, et c'était la cause qu'ils allaient nus; tandis que les Espagnols bien vêtus, descendaient peut-être de l'autre (2). L'auteur que nous citons est d'autant plus digne de foi, que, né lui-même (2) Ibid., t. 4, p. 16.

(1) Clavigero. Storia del Messico, t. 2, P. 6.

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au Mexique, il parcourut ce pays dans toutes les directions, pendant plus de trente ans, pour recueillir les diverses traditions et peintures hiéroglyphiques. Ce qui achève de porter la certitude à son plus haut degré, c'est que, de nos jours, un savant célèbre ayant parcouru et étudié le même pays, y a retrouvé les mêmes peintures et les mêmes traditions. Expliquant dans un endroit l'histoire hieroglyphique des Aztèques, depuis le déluge jusqu'à la fondation de la ville de Mexico, voici comme il s'exprime sur le premier de ces événements:

<< L'histoire commence par le déluge de Coxcox. Parmi les différents peuples qui habitent le Mexique, des peintures qui représentent ce déluge se sont trouvées chez les Aztèques, les Miztèques, les Zapotèques, les Tlascaltèques et les Mechoacanèses. Le Noé de ces peuples s'appelle Coxcox, Tezpi, ou Teo-ci-pactli (dieu-poisson). Il se sauva conjointement avec sa femme, Xochiquetzal, dans une barque, ou, selon d'autres, dans un radeau. La peinture représente Coxcox au milieu de l'eau, étendu dans une barque. La montagne, dont le sommet couronné d'un arbre s'élève au-dessus des eaux, est l'Ararat des Mexicains. Au pied de la montagne paraissent les têtes le Coxcox et de sa femme. Les hommes nés après le déluge étaient muets; une colombe, du haut d'un arbre, leur distribue des langues représentées sous la forme de petites virgules. Il ne faut pas confondre cette colombe avec l'oiseau qui rapporte à Coxcox la nouvelle que les eaux se sont écoulées. Les peuples de Mechoacan conservaient une tradition d'après laquelle Coxcox, qu'ils appellent Tezpi, s'embarqua dans un acalli spacieux avec sa femme, ses enfants, plusieurs animaux et des graines dont la conservation était chère au genre humain. Lorsque le grand Esprit ordonna que les eaux se retirassent, Tezpi fit sortir de sa barque un vautour. L'oiseau qui se nourrit de chair morte ne revint pas, à cause du grand nombre de cadavres dont était jonchée la terre récemment desséchée. Tezpi envoya d'autres oiseaux, parmi lesquels le colibri seul, revint en tenant en son bec un rameau garni de feuilles; alors Tezpi, voyant que le sol commençait à se couvrir d'une verdure nouvelle, quitta sa barque près de la montagne de Colhuacan (1). »

Une étonnante affinité dans les traditions, les hiéroglyphes, les monuments d'architecture, les institutions politiques et même les langues, a convaincu les savants de nos jours que l'Amérique s'est peuplée originairement par des émigrations de l'Asie, ou que du moins il y a eu d'anciennes communications entre ces deux portions de la terre. Après avoir donc entendu en Amérique la dernière colonie du genre humain, consultons-en la métropole dans l'Asie centrale. Mais avant d'arriver là du nouveau monde, un grand peuple se présente.

(1) Humboldt. Vues des Cordillières, t. 2, p. 168.

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