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modestes, parcequ'ils étoient vraiment grands, les Corneille, les Bossuet, les Racine, les Fénélon, les La Fontaine, les Despréaux, les Fléchier, les Labruyere, furent toujours les exemples de ce caractere d'égalité et d'union qu'ils vous ont transmis. Pourrois-je ne point leur associer dans cet éloge leur contemporain, leur ami, leur rival, que nous avons la douceur de voir ici, cet homme adoré de leur siecle et du nôtre, modele comme eux d'une vie rendue constamment heureuse par la raison, les graces, et la vertu; d'une vie qui ne peut être trop longue au gré de nos desirs et pour notre gloire ?

Que ces hommes divins, qui ont éclairé le siecle que je viens de louer en les nommant, servent plutôt à l'émulation qu'au découragement du nôtre, et que tous ceux qui cultivent les lettres apprennent, messieurs, par les exemples qu'ils ont reçus de vous, et qu'ils en recevront toujours, qu'il est dans tous les temps de nouveaux lauriers.

Pour nous élever au grand, dans quelque genre que ce soit, ne partons point de l'humiliant préjugé que nous sommes désormais réduits au seul partage d'imiter, et au foible mérite de ressembler: les progrès de la raison, des talents et du goût, loin de marquer les bornes de l'art aux yeux des ames supé

rieures, ne sont pour elles que de nouveaux degrés d'où elles osent s'élancer. Des astres ignorés, un nouveau monde inconnu à l'antiquité, n'auroient point été découverts dans les deux siecles qui précedent le nôtre si cette courageuse émulation n'avoit tracé la route. Par quel asservissement désespérerions-nous de voir éclore de nouveaux prodiges de l'esprit humain, de nouveaux genres de beautés et de plaisirs, de nouvelles créations? Le génie connoît-il des bornes ? attendrions-nous moins de son empire illimité que des combinaisons de la matiere, qui, toute bornée qu'elle est par son essence, est si riche, si inépuisable dans les formes qui la varient successivement? D'autres hommes ont vécu : nous qui les remplaçons, qui ne marchons que sur des ruines, ne voyons-nous pas le spectacle de l'univers toujours nouveau au milieu même des ruines qui le couvrent? Les découvertes inespérées, les évènements les plus imprévus, les objets les plus frappants, sont-ils refusés à nos regards? De nos jours une ville entiere du nouveau monde vient de disparoître dans la profondeur des mers, nulle trace ne laisse soupçonner qu'elle ait existé; une autre ville de notre hémisphere, cachée aux regards du soleil depuis dix-sept siecles, sort de son tombeau, revient à la lumiere, nous offre

ses monuments; et, pour rappeler des traits plus intéressants, nos jours n'ont-ils pas vu l'heureuse expérience aller aux extrémités de la terre, interroger la nature, et dévoiler des mysteres ignorés des autres siecles? Si après une aussi longue durée de ce globe que nous habitons la nouveauté peut encore régner sur les êtres matériels, malgré leurs limites, quelle étendue, quelle supériorité de puissance n'a-t-elle pas encore sur les productions, l'essor et les succès de la raison et de l'esprit, sur-tout dans la carriere immense de cet art créateur qui sait franchir les barrieres du monde ?

Les esprits frivoles et superficiels désavoueront mon espérance, les esprits foibles et timides ne s'éleveront pas jusqu'à elle; c'est au génie qu'appartient le droit d'accepter l'augure et l'honneur de le justifier.

Quelle époque plus favorable pour former cet heureux présage, qui m'est bien moins suggéré par le téméraire espoir de le remplir que par mon amour pour les arts, et par ceux qui m'écoutent, et le temps où je parle? quelle plus vaste et plus brillante carriere pour l'histoire, l'éloquence, et la poésie, qu'un regne qui leur offre tant de gloire et de grandeur à immortaliser?

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DISCOURS A L'ACADÉMIE.

Que pourrois-je ajouter, messieurs, à la force et à la vérité des traits sous lesquels on vient de vous offrir l'image de votre auguste protecteur? vous y avez admiré la valeur et la victoire unies à la modération et à l'amour de la paix; la royauté parée de tous les caracteres qui font le pere de la patrie; l'humanité enfin avec tous les titres du sage et de l'homme adoré. Après ce tableau si ressemblant, où ma foiblesse n'auroit pu s'élever, qu'il me soit seulement permis, pour l'honneur des beaux arts, de rappeler et d'éterniser ici les bienfaits dont le Sophocle de notre âge vient d'être honoré.

Puissent nos travaux immortaliser les sentiments d'admiration, de respect et d'amour dont nous sommes pénétrés pour notre monarque auguste! La postérité célébrera comme nous ses vertus; et dans les siecles suivants tous ceux qui, dans un jour semblable, rendront ici comme moi leur premier hommage à l'académie, en nommant ses protecteurs, s'arrêteront avec complaisance sur l'éloge d'un souverain qui n'aura jamais été loué que par la vérité.

DISCOURS

SUR

L'HARMONIE.

PRÉVENU de tout temps, messieurs, contre le style du panégyrique, je ne prêterois point aujourd'hui ma voix à des louanges si ce n'étoit en faveur d'un art au-dessus des louanges même ; art brillant, art consacré dans tous les âges par l'amour de tous les peuples; art sublime par qui la terre s'entretient toujours avec les cieux, et paie encore aux immortels le tribut de ses hommages. A ces traits de lumiere' qui peut méconnoître l'harmonie? Vos goûts réunis pour elle feront plus ici que ne pourroient faire tous ces mensonges brillants qu'on décore du nom d'éloquence. La réflexion suit volontiers la pente où le sentiment l'amene, et toujours l'esprit souscrit rapidement au mérite de ce que le cœur adore. Je ne viens point prouver que la musique doit plaire, c'est une de ces vérités de la nature dont chacun porte la preuve écrite dans son ame;

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