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homme (il n'avait alors que vingt-deux ans) était natif d'Angers; il était le fils aîné d'un procureur-royal de cette ville, homme très-riche, mais très-hostile à la réforme. Destiné par son père au barreau, il était allé étudier dans une université, et c'était là qu'il avait commencé à reconnaître les erreurs de l'Église romaine. Ses études achevées, il voulut avant de se rendre chez son père, qui le rappelait auprès de lui, visiter les nouvelles Églises de Lausanne et de Genève. Sa foi s'affermit dans ce pays, et avant de le quitter, il abjura entièrement les fausses doctrines du papisme. Le père s'aperçut bientôt du changement qui s'était opéré chez son fils. Il mit d'abord tout en œuvre pour le faire revenir à ses premiers sentiments. 11 employa tour à tour la flatterie et les promesses, lui parla de la fortune qui devait lui revenir comme à l'aîné de sa famille; lui montra la perspective d'un bon établissement, et plus tard, celle d'un emploi honorable, s'il voulait renoncer à la religion des Christaudins (c'est ainsi qu'on appelait alors la doctrine de l'Église réformée). Voyant que l'énumération de ces avantages ne faisait aucune impression sur le jeune avocat, le père eut recours aux larmes. Le fils fut touché de la douleur de son père, mais sa foi ne fut point ébranlée. L'amour du procureur se changea alors en fureur, et il menaça de livrer lui-même son enfant, puisqu'il se montrait sourd à toutes ses sollicitations. Des amis conseillèrent à celui-ci de se retirer à Paris, pour éviter les suites de l'irritation de son père. C'est ce que le jeune Le Maçon fit en effet. Nous venons de voir comment Dieu l'appela à prendre une part active à l'œuvre de la réforme. L'Église de Paris, alors pourvue d'un ministre à poste

fixe, chercha à se rapprocher autant que cela lui fut possible de l'organisation de l'église primitive et elle acheva de se constituer, au mois de septembre 1555, en établissant un consistoiré composé de quelques anciens ou surveillants et dé quelques diacres 2.

Cet acte audacieux accompli dans le sein de cette capitale qui renfermait les ennemis à la fois les plus puissants, les plus acharnés et les plus nombreux de l'Évangile, fut un véritable service rendu à la cause de la réforme en France. L'Église de Paris, qui prit de suite une grande importance, et qui, déjà, à la fin de 1555, avait plusieurs pasteurs à sa tête, devint après celle de Genève, le foyer le plus actif de la propagande évangélique dans ce royaume. Dès ce moment, elle entra non-seulement en rapports directs avec Calvin 3 et les autres réformateurs, qui lui adressèrent les ministres qui s'étaient formés à leurs écoles, mais encore avec toutes les églises qui s'étaient établies ou étaient en voie de formation dans le nord, l'ouest et le centre de la France. Depuis son organisation, jusqu'en 1557, elle n'eut pas beaucoup à souffrir de la persécution, les soins de la guerre ayant forcé le roi et les grands à laisser quelque repos aux réformés. Mais ce calme qui favorisa ses premiers développements

1 Bèze, liv. 11, p. 63.

Les Anciens ou Surveillants devaient veiller sur le troupeau avec le pasteur, faire le rapport des scandales et des fautes, en connaître et en juger avec le pasteur. Ils devaient s'occuper de tout ce qui concernait l'ordre, l'entretien et le gouvernement de l'église.

Les diacres devaient recueillir et distribuer, sur l'avis du consistoire, les deniers destinés aux pauvres, aux prisonniers, aux malades, et visiter et avoir soin de ces derniers.

5 Voyez Appendice, n° 24.

cessa peu de temps après la perte de la bataille de Saint-Quentin. Les réformés de la capitale qui avaient choisi les lieux les plus secrets pour tenir leurs assemblées religieuses 1, s'imaginant que l'embarras où se

1 On lit dans la préface d'un manuscrit de la Bibliothèque Royale intitulé: Histoire des Persécutions et Martyrs de l'Eglise de Paris, depuis 1557, jusqu'au temps de Charles neufième, les paroles suivantes : Nous avons esté longtemps cachez en nos maisons privées, aux bois et aux cavernes, et nous a souvent la nuict couverts aux cachettes. 182, Saint-Germain. Manuscrits français. Théologie.

Ce manuscrit est peut-être l'original de l'ouvrage de la Roche-Chandieu. Malheureusement la partie la plus intéressante, depuis la page 7-71, manque.

Florimond de Rémond nous donne quelques détails sur ces assemblées secrètes des premiers réformés. « Ils ont longuement continué, dit-il, cette façon de s'assembler là où ils ont peu establir des églises secrètes, comme dans la vaste forêt de Paris.

Pour faire ces assemblées, on faisoit choix de quelque maison qui eust des huis desrobez, afin de pouvoir au besoin se sauver. Et aussi entrer par diverses advenues, et celuy qui faisoit le Predicant, portoit des dez et des cartes, afin de les pouvoir jeter sur le tapis, au lieu de la Bible, et couvrir leur fait sur le jeu. Ainsi se sauva le mnistre Louperaut, qui se fait appeler Montigni, dans la rue du Coq, à Paris, près le Louvre, en la chambre garnie de maistre Pierre du Rosier, lequel ayant esté surpris par son hoste, avec dix ou douze luthériens s'excusa sur les parties qu'ils avoient fait aux cartes et aux dez, avec ses compagnons. Le ministre de Mantes étoit plus advise, quand preschant à cachettes, à Paris, à la Croix-Verte, près le Louvre, il faisoit mettre des jettons sur la table et des contes pour tromper les survenants, s'ils n'estoient de son troupeau. Liv. vi, p. 910.

Voici encore, au sujet de ces assemblées clandestines, une anecdote du même auteur, qui se plaît souvent, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, à jeter du ridicule sur les réformés. « Comme un jour, dit-il, quelques-uns craignant estre surpris à Paris, eussent pris les champs et par diverses routes se fussent rencontrez en un mesme lieu escarté et esloigné du village, il advint que sur le point de la manducation (la Cène) le pain jà distribué, le surveillant cassa la bouteille destinée pour la potation sacramentalle de sorte que demeurant sans vin, la troupe resta bien estonnée. Quelqu'un proposa de la faire avec de l'eau,

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trouvait la cour à la suite de cette défaite, l'empêcherait de s'occuper d'eux, se hasardèrent à tenir leurs réunions dans le centre de la capitale et même dans les rues les plus fréquentées. Mais ces illusions se dissipèrent bientôt, et ils ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'Henri II était plus que jamais disposé à procéder avec énergie et rigueur vis-à-vis d'eux.

mais cet advis fut blasmė..... Ces pauvres fidèles en peine et bien estonnez ne sachant que faire sur un tel esclandre;, enfin, un diacre s ́advisa d'aller prendre quantité de raisins (c'estoit dans la saison qu'ils avoient encore commencé à s'empourprer) et les pressant dans les mains, en tira le verjus. Celuy qui presidoit en cette occasion pour authoriser ce mystère, fit la lecture du xin chapitre des Nombres, où il est question de cette grappe d'une grosseur démesurée en la terre de promission et portée par deux hommes, pendue à un levier, figure du Rédempteur pendu en la croix.

CHAPITRE XI.

4 Septembre 1557.

Assemblée de Réformés surprise à Paris.

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Démarches pour sauver les prisonniers. - Calomnies déversées sur les réunions secrètes des Réformés. Interrogatoire et martyre de la dame de Luns. Intercession de quelques cantons de la Suisse et de plusieurs princes Allemands en faveur des Réformés français.

Le 4 septembre 1557, une réunion ayant été désignée dans une maison de la rue Saint-Jacques, située en face du collége du Plessis et derrière la Sorbonne, pour y célébrer la Sainte-Cène, trois à quatre cents personnes de toutes qualités s'y rendirent à l'approche de la nuit. Cette affluence extraordinaire de monde, dans ce quartier, attira l'attention de quelques prêtres, pensionnaires de la Sorbonne, qui se doutèrent qu'il y avait là quelque assemblée luthérienne. Ils ne voulurent pas laisser échapper cette occasion favorable de signaler leur zèle. Ils firent avertir de suite le guet ordinaire de la ville, ameutèrent le peuple, et prirent leurs mesures pour ne laisser échapper aucuns de ceux qui se trouvaient dans ce moment réunis dans la maison suspecte. Ils étaient résolus, dans le cas où la garde n'arriverait pas à temps pour l'occuper, d'empêcher que personne n'en sortît, et ils avaient amassé à cet effet, une immense

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