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-Messieurs, vos raisons peuvent être très bonnes, mais ce n'est pas à moi qu'il faut vous adresser; que voulez-vous que j'y fasse? Que la contravention dont vous vous plaignez soit juste ou qu'elle soit injuste, cela est exactement la même chose pour moi, car je suis obligé d'en dresser procès-verbal, et si je ne le faisais pas, on viendrait demain me demander de la part du préfet comment et pourquoi j'ai manqué à mon devoir. Prenez-vous en à qui vous pourrez; quant à moi, je n'y puis rien.

Tel était malheureusement le système suivi par l'administration de M. Mangin, système qui contribua jusqu'à un certain point à faire accueillir par la population parisienne les journées de juillet comme un commencement d'ère de justice et de réparation.

XXI

ENTRÉE A PARIS DES DUCS D'ORLÉANS ET DE CHARTRES

Quelques jours après la Révolution de 1830, le 5 août, le duc de Chartres, colonel du 1er hussards, arrivait avec son régiment, de Joigny à la barrière du Trône; son père était allé, à l'improviste, le rejoindre pour faire, avec lui, son entrée dans Paris ; les ouvriers du faubourg Saint-Antoine, qui étaient à leurs travaux, descendirent dans la rue, les uns en manche de chemises, les autres en savates. Au fur et à mesure que le duc d'Orléans passait, ils s'avançaient en masse pour recevoir une poignée de main que le futur roi distribuait à quiconque se trouvait à sa proximité. Lorsque le duc d'Orléans arriva à la hauteur de la rue de Reuilly, la scène changea; un des chiffonniers de la rue sainte Marguerite s'approcha du prince, une bouteille à la main et un verre rempli de bière, qu'il lui offrit. Le duc le refusa en lui disant: «je n'ai pas soif». Mais le chiffonnier, qui tenait à son idée, renouvela son offre à plusieurs reprises, sans plus de succès. Ces offres et

ces refus tant soit peu burlesques se succédaient depuis quelques minutes, lorsque d'autres chiffonniers contrariés de ne pouvoir recevoir les poignées de main du prince, que leur camarade accaparait à lui seul, le prirent, les uns par les épaules, les autres par les jambes et l'enlevèrent en lui disant : Pourquoi veux-tu qu'il boive cet homme, s'il n'a pas soif! Le duc put alors continuer sa marche tranquillement.

XXII

ARRESTATION DE LA DUCHESSE DE BERRY

Au mois de février 1832, Mme la duchesse de Berry traversait incognito la France pour aller soulever la Vendée au nom de la légitimité. A cet appel, des bandes de chouans s'étaient aussitôt organisées dans plusieurs départements de l'Ouest. Le gouvernement de Louis-Philippe pensa que l'arrestation de la princesse mettrait fin à cette nouvelle chouannerie; on envoya, pour s'emparer de sa personne, les agents les plus fins et les plus adroits de la police politique de Paris, sous la direction de M. Joly, commissaire de police attaché au ministère de l'intérieur.

M. Joly était un ancien officier de bouche au service de la reine Hortense. Après la chute de l'empire, il était entré dans la police où bientôt il avait été nommé officier de paix par la protection de M. Decase, ancien secrétaire des commandements de la reine de Hollande. Le 13 février 1820, M. Joly avait été chargé de veiller à la sûreté du duc de Berry qui assistait à la représentation de l'Opéra avec la du

chesse; mais pour un motif ou pour un autre, il n'avait probablement pas pris sa mission au sérieux, car, pendant que Louvel commettait son crime, il était tranquillement attablé dans un café.

En 1822, M. Delavau, qui lui reprochait à tort ou à raison d'avoir, par sa négligence, laissé assassiner le duc de Berry, le révoqua. Mais, en 1830, il fut réintégré dans sa place avec le titre de commissaire de police, puis envoyé, comme je viens de le dire, à la recherche de la duchesse, qui, à l'aide d'amis dévoués et de serviteurs fidèles, avait échappé à toutes les ruses et à tous les pièges qu'on lui avait tendus.

La police était aux abois, et le gouvernement désespérait de pouvoir jamais mettre la main sur la mère du comte de Chambord, lorsqu'un misérable, nommé Deutz, vint offrir de la livrer moyennant une somme de cinq cent mille francs. Deutz était fils du grand rabbin du Consistoire israélite de Paris; il avait abjuré le judaïsme pour la religion catholique, et Mme la duchesse de Berry avait été sa marraine ; elle l'avait comblé de bienfaits et avait en lui une confiance sans bornes.

Aussitôt l'infâme marché conclu, le nouveau Judas s'était mis à l'œuvre en livrant d'abord la correspondance qu'il entretenait avec la princesse, à un haut fonctionnaire qui, à cet effet, l'attendait à nuit close, dans une voiture, sur le quai d'Orsay. Enfin, s'étant assuré par lui-même de la maison où sa marraine se cachait, il la fit arrêter le 7 novembre 1832, et reçut la somme promise pour prix de sa trahison.

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