Images de page
PDF
ePub

XXV.

«Elle ne doit point aimer la promenade, la bonne chère, ni fréquenter je ne sais quelle sorte de gens (1). »

XXVI.

« Elle ne se doit parer

Qu'autant que peut désirer

Le mari qui la possède (2). »

XXVII.

« Il faut être retirée à la maison, donner crdre au sou

per, avoir soin du ménage, des enfants (3); »

« Former aux bonnes mœurs l'esprit de ses enfants,

Faire aller son ménage, avoir l'œil sur ses gens,

Et régler la dépense avec économie

Doit être son étude et sa philosophie (4). »

Mais surtout elle doit

XXVIII.

« Songer qu'en la faisant moitié de sa personne,
C'est son honneur qu'un homme en ses mains abandonne ;
Que cet honneur est tendre et se blesse de peu;

Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu (5). »

XXIX.

Elle doit « fuir d'être coquette : »

<< Loin les études d'œillades (6)! »

(1) La Jalousie du Barbouillé, sc. 1.
(2) L'Ecole des Femmes, act. III, sc. II.
(3) La Jalousie du Barbouillé, sc. XI.
(4) Les Femmes savantes, act. II, sc. VII.
(5) L'Ecole des Femmes, act. III, sc. II.
(6) Id., act. III, sc. II.

« Les honnêtes femmes ont des manières qui savent chasser d'abord les galants (4). »>

XXX.

« J'aime qu'avec douceur elles se montrent sages...,

Et veux une vertu qui ne soit point diablesse (2). »

(1) Le Mari confondu, act. IV, sc. III.

(2) Le Tartuffe, act. IV, sc. ¡¡¡.

CHAPITRE IX.

DE L'ADULTÈRE ET DES AMOURS FACILES.

Pourquoi faut-il que cette grande figure du poëte moraliste soit la statue dont la tête d'or semble toucher le ciel, tandis que ses pieds d'argile s'enfoncent dans la boue (1)? On voudrait s'arrêter là pour l'honneur de Molière non pour son honneur de comédien, qui reste inattaquable jusque dans la farce la plus basse et l'obscénité la plus hardie, mais pour son honneur d'honnête homme. Oui, l'auteur du Tartuffe a fait Amphitryon (2); celui qui a soulevé contre le suborneur hypocrite une indignation telle, que le public n'eût pas été content si le roi même n'était venu frapper ce monstre par sa justice exceptionnelle et terrible (3); celui qui, craignant qu'on ne lui attribuât une seule des paroles prononcées par son odieux personnage, mettait en note: « C'est un scélérat qui parle (4); » ce même homme, pendant trois actes qui sont trois chefs-d'œuvre de comédie,

(1) Daniel, cap. II, v. 32, 33.

(2) La date définitive du Tartuffe est 1667; Amphitryon est de 1668. (3) Le Tartuffe, act. V, sc. vii.

(4) Id., act. IV, sc. v.

de poésie et d'esprit, a fait rire du noble Amphitryon et de la touchante Alemène, trompés dans leurs honnêtes amours par le don Juan de l'Olympe. C'est justement parce que ces trois actes sont des chefsd'œuvre, parce que les farces de Mercure et les terreurs de Sosie forcent absolument à rire (1); parce que la conduite, la langue même et la versification de la pièce sont des modèles inimitables; parce que rien enfin n'interrompt le plaisir délicieux du spectateur, et que le génie comique de l'auteur enlève d'un bout à l'autre le rire et les applaudissements, c'est pour cela que cette pièce est très-immorale (2). Si pur que soit l'amour d'Alemène pour son époux, si indigne que soit le crime de voler par ruse à une honnête femme ce qu'on n'a pu obtenir d'elle par la séduction, de quel côté sont les rieurs? Ne trouvet-on pas très-agréable et très-spirituelle la subtile et immorale distinction de Jupiter entre l'époux et l'amant (3)? Songe-t-on à plaindre Amphitryon, dans le long interrogatoire où le malheureux découvre enfin son complet déshonneur (4)? Ne prend-on pas plaisir à voir Jupiter triompher une seconde fois

(1) Amphitryon, act. I, sc. 11; act. II, sc. II, II; act. III, sc. II, VII. (2) Voir la même cause d'immoralité indiquée pour d'autres pièces, plus haut, chap. IV, p. 70.

(3) Amphitryon, act. 1, sc. Iv.

(4) Id., act. II, sc. II. Comparez l'Ecole des Femmes, act. II, sc. vi:

O fâcheux examen d'un mystère fatal,

Où l'examinateur souffre seul tout le mal!

avec cette différence que la scène de l'Ecole des Femmes est toute morale, puisqu'Arnolphe n'a que ce qu'il mérite.

d'Alcmène nécessairement vaincue, qui commet sans le savoir, sans pouvoir l'éviter, une faute qui doit la désespérer (1)? Et peut-on résister au comique victorieux de la scène où Amphitryon, mis à la porte de chez lui par Mercure-Sosie, apprend de la bouche du dieu-valet que, dans le moment même, l'autre Amphitryon

Est auprès de la belle Alcmène (2)?

En un mot, cette pièce est d'un bout à l'autre un effort du plus grand génie, qui triomphe du sentiment moral par la force comique, au point de rendre d'honnêtes époux ridicules, et de faire trouver excusable, agréable, admirable, le plus odieux adultère. Le caractère divin du coupable est une excuse de plus aux yeux du spectateur, qui ne rencontre qu'à la fin l'objection timide de Sosie :

Le seigneur Jupiter sait dorer la pilule (3);

et certes, ce n'est pas assez de trois paroles ironiques dans la bouche d'un valet méprisable, pour ramener à un jugement moral le spectateur démoralisé de main de maître par trois actes irrésistibles. Il s'en va, riant encore, réfléchissant qu'après tout

(1) Amphitryon, act. II, sc. vi.

(2) Id., act. III, sc. II. Remarquez encore que Mercure, en jouant cet odieux rôle, a le front de jouer aussi celui de la Providence châtiant les peccadilles de Sosie.

(3) Amphitryon, act. III, sc. XI.

« PrécédentContinuer »