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Sur certains petits vers, qu'il n'a pas approuvés; Et l'on veut assoupir la chose en sa naissance.

ALCESTE.

Moi, je n'aurai jamais de làche complaisance.

PHILINTE.

Mais il faut suivrel'ordre; allons, disposez-vous.

ALCESTE.

Quel accommodement veut-on faire entre nous?
La voix de ces messieurs me condamnera-t-elle
A trouver bons les vers qui font notre querelle
Je ne me dédis point de ce que j'en ai dit,
Je les trouve méchans.

PHILINTE.

Mais, d'un plus doux esprit...

ALCESTE.

Je n'en démordrai point, les vers sont execrables.

PHILINTE.

Vous devez faire voir des sentimens traitables. Allons, venez.

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De trouver bon les vers dont on se met en peine, Je soutiendrai toujours, morbleu, qu'ils sont

mauvais,

Et qu'un homme est pendable après les avoir faits.
(à Clitandre et à Acaste qui rient.)
Par la san-bleu, messieurs, je ne croyois pas être
Si plaisant que je suis.

Où vous devez.

CÉLIMÈNE.

:

Allez vite paroître

ALCESTE.

J'y vais, madame; et, sur mes pas,

Je reviens en ce lieu pour vider nos débats.

ACTE TROISIÈME.

SCENE I.

CLITANDRE, ACASTE.

CLITANDRE.

CHER marquis, je te vois l'ame bien satisfaite.
Toute chose trégaie, et rien ne t'inquiète.
En bonne foi, crois-tu, sans t'éblouir les yeux
Avoir de grands sujets de paroître joyeux ?

ACASTE.

Parbleu, je ne vois pas, lorsque je m'examine,
Où prendre aucun sujet d'avoir l'ame chagrine.
J'ai du bien, je suis jeune, et sors d'une maison
Qui se peut dire noble avec quelque raison;
Et je crois, par le rang que me donne ma race,
Qu'il est fort peu d'emplois dont je ne sois en passe.
Pour le cœur, dont sur-tout nous devons faire-cas,
On sait, sans vanité, que je n'en manque pas;
Et l'on m'a vu pousser dans le mondeune affaire
D'une assez vigoureuse et gaillarde manière.
Pour de l'esprit, j'en ai sans doute, et du bon goût,
A juger sans étude et raisonner de tout;
A faire aux nouveautés, dont je fus idolâtre,
Figure de savant, sur les bancs du théâtre ;
Y décider en chef, et faire du fracas

A tous les beaux endroits qui méritent des ah!
Je suis assez adroit, j'ai bon air, bonne mine,
Les dents belles, sur-tout, et la taille fort fine.
Quant à se mettre bien, je crois, sans me flatter,
Qu'on seroit mal venu de me le disputer.

Je me vois dans l'estime, autant qu'on y puisse

être,

Fort aimé du beau sexe, et bien auprès du maître. Je crois qu'avec cela, mon cher marquis, je croi

Qu'on

Qu'on peut, par tout pays, être content de soi.

CLITANDRE.

Oui. Mais trouvant ailleurs des conquêtes faciles, Pourquoi pousser ici des soupirs inutiles ?

ACASTE.

Moi! parbleu, je ne suis de taille ni d'humeur,
A pouvoir d'une belle essuyer la froideur.
C'est aux gens mal tournés, aux mérites vulgaires,
A brûler constamment pour des beautés sévères;
A languir à leurs pieds et souffrir leurs rigueurs,
A chercher les secours des soupirs et des pleurs,
Et tâcher, par des soins d'une très-longue suite,
D'obtenir ce qu'on nie à leur peu de mérite.
Mais les gens de mon air, marquis, ne sont pas faits
Pour aimer à crédit, et faire tous les frais.
Quelque rare que soit le mérite des belles,
Je pense, Dieu merci, qu'on vaut son prix comme

elles;

Que, pour se faire honneur d'un cœur comme le

mien,

Ce n'est pas la raison qu'il ne leur coûte rien; Et qu'au moins, à tout mettre en de justes balances, Il faut qu'à frais communs se fassent lesavances:

CLITANDRE.

Tu penses donc, marquis, être fort bien ici?

ACASTE.

J'ai quelque lieu, marquis, de le penser ainsi.

CLITANDRE.

Crois-moi détache-toi de cette erreur extrême! Tu te flattes, moncher, ett'aveugles toi-même.

ACASTE.

Il est vrai, je me flatte, et m'aveugle en effet.

CLITANDRE.

Mais qui te fait juger ton bonheur si parfait?

Je me flatte.

ACASTE.

CLITANDRE.

Sur quoi fonder tes conjectures

ACASTE.

CLITANDRE.

En as-tu des preuves qui soient sûres?

Je m'aveugle.

Je m'abuse, te dis-je.

ACASTE.

CLITANDRE.

Est-ce que, de ses vœux,

Célimène t'a fait quelques secrets aveux ?

ACASTE.

Non, je suis maltraité.

CLITANDRE.

Réponds-moi, je te prie.

ACASTE.

Je n'ai que des rebuts.

CLITANDRE.

Laissons la raillerie,

Et me dis quel espoir on peut t'avoir donné.

ACASTE.

Je suis le misérable, et toi le fortuné:
On a pour ma personne une aversion grande,
Et, quelqu'un de ces jours, il faut que je me pende.

CLITANDRE.

Oh çà, veux-tu, marquis, pour ajuster nos vœux, Que nous tombions d'accord d'une chose tous

deux ?

Que, qui pourra montrer une marque certaine D'avoir meilleure part au cœur de Célimène, L'autre ici fera place au vainqueur prétendu, Et le délivrera d'un rival assidu?

ACASTE.

Ah! parbleu, tu me plais avec un tel langage, Et, du bon de mon cœur, à cela je m'engage. Mais, chut.

SCÈNE II.

GÉLIMÈNE, ACASTE, CLITANDRE.

CÉLIMINE,

Encore ici?

1

CLITANDHE.

L'amour retient nos pas.

CÉLIMÈNE.

Je viens d'ouïr entrer un carrosse là-bas.

Savez-vous qui c'est ?

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De quoi s'avise-t-elle, et qui la fait venir?

ACASTE.

Pour prude consommée en tous lieux elle passe;

Et l'ardeur de son zèle...

CÉLIMÈNE.

Oui, oui, franche grimace.

Dans l'ame, elle est du monde; et ses soins

tentent tout

Pour accrocher quelqu'un, sans en venir à bout;
Elle ne sauroit voir qu'avec un œil d'envie,
Les amans déclarés dont une autre est suivie;
Et son triste mérite abandonné de tous,
Contre le ciel aveugle est toujours en courroux.
Elle tâche à couvrir d'un faux zèle de prude,
Ce que chez elle on voit d'affreuse solitude;
Et, pour sauver l'honneur de ses foibles appas,
Elle attache du crime au pouvoir qu'ils n'ont pas.
Cependant un amant plairoit fort à la dame;
Et même, pour Alceste, elle a foiblesse d'ame.
Ce qu'il me rend de soins outrage ses attraits;

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