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rique, puisque les uns et les autres sont confondus dans le même châtiment, est peu importante dans la pratique.

L'art. 59 est ainsi conçu «Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit..... >>

Tout le système du Code est dans cet article: c'est le niveau d'un même châtiment à l'égard de tous ceux qui ont coopéré au crime, quelle que soit la part de chacun d'eux, et soit qu'ils aient provoqué ce crime, soit qu'ils l'aient exécuté, soit qu'ils se soient bornés à en faciliter l'exécution ou à en recéler les produits. Ce principe d'uniformité, qu'aucune législation n'a admis avec autant de rigueur, domine le Code; mais telle est l'injustice de cette disposition, que l'interprétation n'a pas craint de lutter contre ses termes, pour leur imposer quelques distinctions pleines d'humanité. Nous les examinerons tout à l'heure en parcourant les décisions de la jurisprudence; bornons-nous à constater ici la règle générale et dominante, l'application d'une peine égale. M. Target disait, en réumant les principes du projet du Code: « Tous ceux qui ont participé au crime par provocation ou par complicité, méritent les mêmes peines que les auteurs ou coopérateurs. Quand la peine serait portée à la plus grande rigueur par l'effet des circonstances aggravantes, il paraît juste que cet accroissement de sévérité frappe tous ceux qui, ayant préparé, aidé ou favorisé le crime, se sont soumis à toutes les chances des événements, et ont consenti à toutes les suites du crime [1]. »

Toutefois cette règle, quelle qu'en soit l'étendue, a des exceptions; l'art. 59 en signale lui-même qulques-unes, en ajoutant: «Sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement. » L'orateur du gouvernement s'exprimait sur ce point en ces termes : « Presque toutes les parties du Code pénal indiquent des cas de cette espèce, et portent des dispositions pénales dont les nuances et les différences attestent qu'il est reconnu en principe que les peines à infliger aux complices peuvent n'être pas semblables. Ces exemples réunis à la disposition de l'art. 59 suffisent pour prouver que la loi nouvelle contient une grande amélioration sur ce point [2], » Les cas où la loi n'a pas frappé de la même

[1] Observations sur le projet du Code criminel, par M. Target; Locré, t. 15, édit. Tarlier,

[2] Exposé des motifs, par M. Riboud; Locré, t. 15, édit. Tarlier

peine les auteurs et les complices, sont énumérés dans les art. 63, 67, 100, 102, 107, 108, 114, 116, 138, 144, 190, 213, 267, 268, 284, 285, 288, 293, 415, 438, et 441 du Code pénal.

L'art. 60 considère comme complices ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront provoqué à une action qualifiée crime ou délit, ou donné des instructions pour la commettre.

L'exposé des motifs porte: «A l'énumération du Code de 1791, l'art. 60 du projet ajoute les abus d'autorité et de pouvoir, les machinations et artifices coupables, dont les effete sont aussi dangereux que le concours personnel des agents directs du crime. Le mot ordres, inséré dans la loi de 1791, ne comprend point suffisamment les abus d'autorité et de pouvoir; ceux-ci peuvent avoir lieu sans émaner d'ordres précis, et être colorés sous des prétextes spécieux dont il est possible de parvenir à découvrir et punir la connexité avec le crime commis. Il en est de même des machinations et artifices coupables, trop indirectement compris dans la classe des faits par lesquels l'exécution a été préparée et facilitée. Il est des combinaisons si éloignées, des machinations si compliquées, l'art et l'astuce ont tant de moyens de voiler leur action, que des juges et des jurés, quoique convaincus de leur existence, ne se permettraient pas de les prendre en considération, si la loi ne leur en fait un devoir spécial [3]. »>

Nous avons rangé nous-mêmes les provocateurs parmi les auteurs principaux du crime; ce sont eux qui en ont conçu la pensée, ce sont eux qui en dirigent l'exécution, qui donnent l'impulsion criminelle. Lorsque cette impulsion n'est point restée stérile, lorsqu'elle a été assez puissante pour entraîner la perpétration, le provocateur doit être considéré comme un agent immédiat de l'action, comme. un coauteur. Cette classification du Code paraît donc à l'abri de toute critique. Toutefois la dernière disposition, relative aux instructions données pour commettre le crime, a soulevé quelques difficultés que nous examinerons plus loin.

Le Code range dans la même catégorie : ceux qui auront procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui aura servi à l'action,

[3] Exposé des motifs, par M. Riboud; Locré, t. 15, édit. Tarlier.

sachant qu'ils devaient y servir. Or il est évident, et nous l'avons suffisamment établi plus haut, que le fait de fournir les instruments du crime ne peut constituer qu'une complicité secondaire. Il est impossible de ne pas apercevoir un degré bien tranché entre l'agent qui provoque ou exécute l'action criminelle, et celui qui, sans y participer personnellement, fournit les instruments nécessaires pour la commettre; celui-ci n'est point la cause immédiate du crime, il n'y coopère que d'une manière indirecte la loi qui le rend responsable de l'action au même degré que les auteurs principaux, est donc injuste, puisque, dans l'un et l'autre cas, la participation ne suppose pas la même immoralité, et ne menace pas l'ordre social du même péril; elle est impolitique, puisqu'en frappant tous les agents du crime, même les plus secondaires, d'une peine égale, elle tend à multiplier les auteurs principaux, c'est-à-dire les agents les plus dangereux pour la société.

Ces réflexions s'appliquent encore au § suivant du même article, qui classe également parmi les complices : « ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée. » Une profonde distance existe, et nous l'avons signalée plus haut, entre les actes qui préparent ou facilitent l'action et ceux qui aident à sa consommation : les premiers ne constituent qu'une participation indirecte; les autres doivent, en général et sauf quelques exceptions, être classés dans la catégorie des actes principaux. Nous n'insisterons pas sur cette distinction, qui a été développée dans le premier paragraphe de ce chapitre ; il suffit de démontrer que le Code a confondu dans une même disposition deux degrés distincts de criminalité. Enfin, l'article 60 ajoute: «Sans préjudice des peines qui seront spécialement portées par le

[1] L'art. 1er de la loi du 17 mai 1819 punit comme complice qiuconque, par voie de publication, a provoqué l'auteur d'une action qualifiée crime ou délit à la commettre. L'art. 2 de la même loi ne punit que d'une peine correctionnelle la provocation par la même voie qui n'a été suivie d'aucun effet. L'artiele 1 de la loi du 9 sept. 1835 déclare attentat à la sûreté de l'État toute provocation, commise par voie de publication, aux crimes prévus par les art. 86 et 87 C. P., soit qu'elle ait été suivie ou non d'effet: mais, si elle a été suivie d'effet, le provocateur est puni comme complice; si elle n'en a pas été suivic, il est puni de la détention et d'une

présent Code contre les auteurs de complots ou de provocations attentatoires à la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, même dans le cas où le crime qui était l'objet des conspirateurs ou des provocateurs n'aurait pas été commis. ›› Cette disposition, en posant une exception au droit commun, établit implicitement une règle générale : c'est que la provocation même directe à un crime n'est incriminée qu'autant qu'elle a été suivie d'effet. L'exception regarde les matières politiques; en ces matières, la provocation est punie, encore qu'elle n'ait produit aucun effet. Mais, alors même, le provocateur n'est point considéré comme complice; c'est un délit distinct, c'est une peine inférieure. Cette importante distinction, empruntée au Code pénal, a été reproduite dans la législation de la presse : consacrée par les articles 1 et 2 de la loi du 17 mai 1819, on la retrouve dans l'art. 1er de la loi du 9 septembre 1835 [1].

Le Code n'a pas borné à ces classes la catégorie des complices. L'art 61 est ainsi conçu : « Ceux qui, connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l'État, la paix publique, les personnes ou les propriétés, leur fournissent habituellement logement, lieu de retraite ou de réunion, seront punis comme leurs complices. »

Il est nécessaire de se reporter aux motifs de cette disposition. «L'art. 61, a dit l'orateur du gouvernement, remplira une lacune importante; désormais la classe dangereuse des individus dont l'habitation sert d'asile à des malfaiteurs, et qui leur fournissent habituellement logement, retraite ou point de réunion, sera assimilée aux complices. Si les malfaiteurs épars ne trouvaient point ces repaires où ils se rassemblent, se cachent, concertent leurs crimes, en déposent les fruits, la formation de leurs bandes et leurs associations seraient plus difficiles ou

amende. Indépendamment des dispositions de l'art. 60 du Code pénal, et pour tous les cas non prévus par ce Code, seront réputés complices de tout crime ou délit commis, ceux qui, soit par des discours prononcés dans un lieu public devant une réunion d'individus, soit par des placards affichés, soit par des écrits imprimés ou non et vendus ou distribués, auront provoqué directement à les commettre. Cette disposition sera également applicable lorque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime ou de délit, conformément aux art. 2 et 3 du Cod. pénal. Décret belge du 20 juill. 1831, art. 1. (Pasinomie t. 1, p. 399).

plus promptement découvertes: on ne peut les, recevoir habituellement sans connaître leurs projets et leur conduite et sans y participer. » Cette incrimination nous paraît fondée. En général, les actes postérieurs au crime ne peuvent être considérés comme des actes de participation, puisqu'on ne peut participer à un fait consommé. Mais il en est autrement si ces actes ont été concertés avant l'exécution; car ce concert, formé entre les auteurs du crime et leurs adhérents, facilite l'exécution, en assurant à ceux-là un refuge contre les recherches de la justice, et un dépôt pour placer les fruits de leur crime. Or, ce concert se forme par le fait même entre les malfaiteurs et ceux qui habituellement leur fournissent le logement ou recèlent les objets volés; car cette habitude est un lien, une sorte de contrat sur lequel les malfaiteurs comptent à l'avance, et qui les engage à l'exécution de leurs projets criminels. Mais il faut bien remarquer que ce n'est pas le recèlement, mais l'habitude de recéler qui constitue la complicité.

C'est par une conséquence de ce principe que le Code n'a considéré que comme des délits spéciaux, qui ne sont punissables que d'une peine correctionnelle, ceux qui ont recélé des personnes qu'ils savent avoir commis des crimes (art. 248), et ceux qui ont recélé ou caché le cadavre d'une personne homicidée (art. 359); ce ne sont point là, en effet, des actes de participation, mais des délits distincts. Toute participation suppose des actes qui précèdent ou qui accompagnent l'action principale, ou qui en font partie.

L'article 62 renferme une exception à ce principe: «Ceux qui sciemment auront recélé, en tout ou en partie, des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, seront aussi punis comme complices de ce crime ou délit. »

Il est évident qu'il faut faire ici la même distinction qu'à l'égard du recel des malfaiteurs. En général, il n'y a complicité, on le répète encore, qu'autant qu'il y a coopération immédiate et directe à l'exécution du crime, ou assistance prêtée pour cette exécution, telle que sans cette assistance le crime n'aurait pas été commis: or, un fait postérieur au délit ne peut établir la complicité, puisqu'il est impossible de prendre une part quelconque à un fait déjà consommé; ainsi les secours donnés au coupable, le recèlement des instruments du crime, le recèlement des objefs enlevés à l'aide du crime, ne sont point des actes de complicité. Ces actes peuvent avoir une criminalité réelle, mais elle diffère

de

totalement de celle du délit commis antérieurement [1]. Cependant il nous semble que, même qu'à l'égard des recéleurs des coupables, il faut établir une exception pour le cas où il y a habitude, métier de recèlement car cette habitude fait présumer un concert préexistant au crime entre les malfaiteurs et les recéleurs, et cette connivence, qui peut avoir facilité et même décidé l'exécution du vol, est un mode de participation qui peut constituer l'acte de complicité.

Au reste, le recélé défini par l'art. 62 ne s'applique pas seulement aux effets qui proviennent d'un vol; le législateur a voulu effacer la limite tracée à cet égard par l'art. 3, tit. III du Code de 1791, en substituant aux expressions de cet article des termes généraux qui pussent embrasser tous les cas. « On enveloppe, disait l'orateur du gouvernement dans l'exposé des motifs, tout ce qui est compris dans la loi de 1791; on élague ce qui est vague, et l'on dit beaucoup plus, puisque l'on exprime tout ce qui peut avoir été détourné ou obtenu à l'aide d'un crime ou délit quelconque. »

Néanmoins, à côté de la règle qui déclare complices tous les recéleurs de choses enlevées à l'aide d'un crime, la loi a placé l'exception: le législateur a été effrayé des conséquences de cette fiction, lorsque la peine principale doit être la peine de mort ou une peine perpétuelle. L'art. 63, dont la loi du 28 avril 1832 a encore adouci les dispositions, est ainsi conçu : « Néanmoins la peine de mort, lorsqu'elle sera applicable aux auteurs des crimes, sera remplacée, à l'égard des recéleurs, par celle des travaux forcés à perpétuité. Dans tous les cas, les peines des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation, lorsqu'il y aura lieu, ne pourront être prononcées contre les recéleurs qu'autant qu'ils seront convaincus d'avoir eu, au temps du recélé, connaissance des circonstances auxquelles la loi attache les peines de mort, des travaux forcés à perpétuité et de la déportation; sinon ils ne subiront que la peine des travaux forcés à temps. »>

Ainsi la loi distingue les cas où le principe de la complicité n'est point applicable aux recéleurs; elle établit une différence positive entre la peine de recélé sciemment fait, mais sans connaissance des circonstances aggravantes qui ont accompagné le vol, et celle du recélé qui a

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eu lieu avec cette connaissance. Ce n'est que. dans ce dernier cas que le recéleur adhère et s'incorpore aux aggravations du crime et de la peine; et toutefois, dans cette dernière hypothèse même, la peine des travaux forcés à perpétuité est substituée, dans tous les cas, à la peine de mort.

Mais cette atténuation seule indique que le législateur, tout en rangeant les recéleurs parmi les complices, ne leur reconnaît pas la même criminalité qu'aux auteurs du crime; en les classant dans une catégorie distincte, il n'eût donc fait que développer cette pensée. Ensuite, ce qui est vrai pour le cas où l'auteur principal encourt la peine de mort ou une peine perpétuelle, est vrai pour tous les autres cas: c'est que le recéleur qui n'avait pas connaissance, au moment du recélé, des circonstances aggravantes dont le vol avait été accompagné, n'est pas aussi coupable que si ces circonstances avaient été connues de lui. On ne doit le considérer que comme recéleur d'objets provenant d'un vol simple. Et qu'importe que la peine principale soit perpétuelle ou temporaire ? L'injustice de l'application de cette peine aux recéleurs ne provient pas de ce qu'elle est perpétuelle, mais de ce que la criminalité des recéleurs est moins grave que celle des auteurs principaux; la peine qu'ils encourent devrait donc être inférieure dans tous les cas, soit que la peine principale fût celle des travaux forcés à perpétuité, soit celle des travaux à temps ou de la réclusion.

Le système du Code pénal se résume donc dans une règle générale et uniforme : c'est la réunion de tous les participants à un même crime dans un même châtiment. S'il distingue les auteurs principaux et les complices, cette distinction n'a aucune influence sur la pénalité. Cependant cette règle n'est point absolue, plusieurs exceptions y ont été admises; le recélé en offre un premier exemple: la peine fléchit à l'égard des recéleurs, bien qu'ils soient réputés complices par une fiction de la loi, lorsque cette peine est capitale ou même perpétuelle. Il est à regretter que cette exception ne soit pas descendue jusqu'aux peines temporaires. Du reste, une classification assez nette, en général, des différentes catégories des complices, tempère la sévérité du principe, en définissant les caractères principaux de la complicité, et en posant quelques sages limites aux incriminations.

Nous allons examiner maintenant l'application que ces diverses dispositions ont reçue dans la pratique.

§ III.

Le Code n'a point essayé de définir la complicité; mais doit-on lui en faire un reproche ? II est rare qu'une définition, quelque précise qu'on la suppose, ne se prête pas à des interprétations qui l'entraînent hors de ses termes; l'énumération qu'il a faite des différentes classes des complices, quoique défectueuse dans quelques parties, est la définition la plus claire et la plus simple de la complicité. C'est dans ces dispositions, où sont tracés les caractères constitutifs de chaque acte de complicité, qu'il faut découvrir les règles générales qui planent sur cette matière: nous allons successivement les établir et en développer les conséquences.

Nous nous occuperons d'abord de la complicité par provocation, aide ou assistance, qui fait l'objet de l'art. 60. Trois règles principales nous semblent dominer l'application de cet article.

La première de ces règles est que les dispositions de la loi qui déterminent les circonstances constitutives de la complicité, sont essentiellement limitatives. Cette règle est évidente par elle-même, car elle dérive de cette maxime qu'en matière pénale on ne peut admettre aucune analogie. Elle résulte d'ailleurs du texte même de l'art. 60, qui ne procède point par voie démonstrative, mais bien d'une manière restrictive. Les circonstances qu'il énumère sont caractéristiques de la complicité, élémen→ · taires du crime; et la Cour de cassation a toujours été fidèle à ce principe, en déclarant par plusieurs arrêts: que la complicité est un fait moral qui ne peut se constituer que par les faits positifs et matériels que le Code pénal a déterminés [1].

De là plusieurs corollaires; le plus immédiat, c'est que tous les actes qui ne rentrent pas essentiellement dans les termes précis de la loi pénale, ne sont point des actes de complicité. Nous en citerons plusieurs exemples.

Ainsi, le simple conseil donné à un individu de commettre un crime doit-il avoir ce caractère? Nous n'avons point à reprendre ici la discussion théorique à laquelle nous nous sommes livrés à ce sujet. Le Code pénal n'a point rangé les conseils parmi les actes de complicité. Soit que le législateur ait craint que cet acte ne laissât des traces trop fugitives. ou qu'il ne fût facile de le confondre avec des

[6] Arr. cas., 2 juillet 1813; 28 juin 1816; 5 fév 1824; Dalloz, t. 6. p. 240.

paroles irréfléchies, il n'en a pas fait mention: dès lors nulle, interprétation ne peut suppléer à ce silence; et cet acte, quelque immoral qu'il puisse paraître, demeure à l'abri des poursuites. Ce point a été consacré par la jurisprudence [1].

La même solution s'appliquerait à la simple provocation de commettre un crime, lorsque cette provocation n'a point été faite par dons, promesses, menaces ou abus d'autorité. Car, ainsi que l'a reconnu encore la Cour de cassation, «une simple provocation, sans aucune des circonstances déterminées par la loi pour caractériser la complicité, ne suffit pas pour autoriser l'application des peines portées contre l'auteur du crime, et une pareille provocation n'est qualifiée crime ou délit par aucune loi [2]. »

A plus forte raison, celui qui, sans avoir provoqué ni aidé le coupable à commettre le crime, a seulement facilité sa fuite par des moyens quelconques [3]; celui qui, présent à l'action criminelle, mais sans y participer, ne l'a toutefois point empêchée [4], ne sont point des complices car, dans le premier cas, les secours donnés au coupable ne sont point des actes de complicité; et, en second lieu, «la complicité, ainsi que l'a déclaré la Cour de cassation, ne peut s'établir que sur des faits positifs et non sur des faits négatifs. >>

Enfin, il faut reconnaître avec la même Cour, qu'on ne peut poursuivre comme complices, soit le maître d'un café où des violences ont été exercées, et par cela seul qu'il ne les a pas dénoncées [5], soit le commis ou l'associé d'un accusé de banqueroute frauduleuse ou de faux, en raison de leur seule qualité [6], soit enfin l'individu qui, présent au

[1] Arr. cass., 24 nov. 1809; Dalloz, t. 6, p. 237. [2] Arr.cass., 3 sept. 1812; Dalloz, t. 6, p.252. Voy. toutefois les lois des 17 mai 1819 et 9 sept. 1835. [3] Arr. cass., 29 prair. an v; Dalloz, t. 6,

p. 238.

vol qu'il avait conseillé de commettre, mais sans y participer, offert d'acheter la chose volée [7]. Toutes ces décisions ne sont que des applications du même principe..

Une seconde conséquence de notre première règle, est qu'il est indispensable que les circonstances constitutives de la complicité, telles que l'article 60 les a déterminées, soient déclarées par le jury; car, sans cette déclaration, la loi, qui a voulu restreindre dans cet article les faits élémentaires de cette complicité, serait incessamment éludée.

La jurisprudence, en général, s'est conformée à ce principe; ainsi la Cour de cassation a jugé que la déclaration complexe que l'accusé est coupable de complicité du fait énoncé dans la question, ne remplit pas le vœu de la loi [8]. Il est nécessaire que les faits d'où la complicité dérive soient précisés dans les questions soumises au jury et dans les réponses du jury. Il faut même, suivant quelques arrêts, que les faits qui révèlent l'intention criminelle soient rappelés dans ces questions [9].

Cependant, et par une contradiction manifestes, la même cour a pécidé qu'il suffit que les caractères constitutifsde la complicité soient énoncés dans le résumé de l'acte d'accusation, et que, dans ce cas, la déclaration du jury que l'accusé est coupable de complicité du fait déclaré contre l'auteur principal, peut motiver une juste application de la peine [10]. Cette décision, isolée d'ailleurs dans la jurisprudence, ne doit point être suivie; elle est une déviation évidente du principe qui veut renfermer les actes de complicité dans les termes de la loi pénale, puisqu'elle offre le moyen d'éluder ce principe; elle présente ensuite dans son application un grand péril, puisque le jury n'ayant

[9] Arr. cass., 28 juin 1816; 5 fév. 1824; Sirey, 1824, 1, 288; Dalloz, t. 6, p. 239.— La complicité est légalement établie par la déclaration du jury que l'accusé est coupable d'avoir, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur du crime dans les

[4] Arr. cass., 29 janv. 1807 ; 30 nov. 1810 et 13 faits qui l'ont préparé ou facilité, ou dans ceux mars 1812; Dalloz, t. 6, p. 238 et 264.

[5] Arr. cass., 14 déc. 1809; Dalloz, t. 6, p. 264. [6] Arr. cass., 11 fruct. an x; Dalloz, t. 6, p. 236.

[7] Arr. cass, 29 janv. 1807; Dalloz, t 6, p. 238. [7] Arr. cass.; 2 juill. 1813; Sirey, 1813, 1, 298; 3 mars 1814; Sirey, 1814, 1, 113; 15 déc. 1814; Sirey, 1815, 1, 87; 24 janv. 1818; Sirey, 1818, 1, 131; 5 fév. 1824; Dalloz, t. 6, p. 239 ; Sirey, 1824, 1. 288; 14 oct. 1825; Sirey, 1827, 1, 43.

qui l'ont consommé : il n'est pas nécessaire que les actes mêmes qui constituent l'aide ou l'assistance soient constatés dans la déclaration. L'accusé reconnu complice dans les termes ci-dessus, n'est pas recevable à prétendre que les faits qui ont motivé sa condamnation sont postérieurs à la consommation du crime, et ne peuvent le rendre com plice d'un fait déjà accompli. Brux., cass., 9 oct. 1835; J. de Belg., 1836, p. 23.

[10] Arr. cass., 26 mars 1813; Dalloz, t. 6, p 243.

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